Cancers de l’enfant: de nouveaux traitements en vue?
Pendant de nombreuses années, le traitement d’un cancer dépendait essentiellement du type histologique et de l’organe qui était affecté. Grâce aux connaissances accumulées par les chercheurs sur le fonctionnement des cellules cancéreuses, on dispose maintenant de traitements qui ciblent plus spécifiquement la tumeur en fonction de ses caractéristiques biologiques.
Pour rappel, une tumeur n’est pas une structure isolée qui évolue indépendamment du reste de l’organisme. Elle est au contraire souvent dépendante de son environnement proche. Celui-ci peut lui envoyer des signaux qui déclenchent dans la cellule cancéreuse une cascade de réactions biologiques aboutissant notamment à la production de protéines impliquées dans la prolifération cellulaire, et qui poussent la cellule maligne à proliférer.
Dans la grande majorité des cas, la cellule tumorale elle-même est porteuse d’une anomalie génétique qui induit la prolifération. L’une des plus connues est le «chromosome de Philadelphie». Dans cette anomalie, la fusion de deux gènes aboutit à la création d’un seul, qui code pour une protéine chimérique de type tyrosine kinase dont on parvient à bloquer la fabrication par des «inhibiteurs de tyrosine kinase». Le premier médicament de ce type qui a reçu une autorisation de mise sur le marché est l’imatinib. Il a considérablement amélioré le traitement des leucémies myéloïdes chroniques, puisqu’il a permis d’atteindre un taux de rémission de 80%, tout en étant moins toxique que les chimiothérapies classiques. D’autres médicaments de ce type sont en train d’être expérimentés. L’oncologie est en plein boom et de nombreux nouveaux médicaments évalués chaque année. Les cibles thérapeutiques sont de plus en plus variées, permettant de traiter un plus grand éventail de cancers.
Priver la tumeur de nourriture
La tumeur dépend aussi de son environnement pour se nourrir. Elle retire du sang l’oxygène et les substances nutritives nécessaires à sa croissance. Lorsqu’elle grossit et atteint une certaine taille, les vaisseaux sanguins qui l’entourent ne suffisent plus à l’alimenter. Elle interfère alors avec ces vaisseaux et leur envoie des signaux moléculaires qui les incitent à se développer et à venir l’irriguer. Ce phénomène est nommé angiogenèse. Des traitements dits «anti-angiogéniques» ont été développés pour contrecarrer ce phénomène. Toutefois, ils ne détruisent pas les cellules malignes, ils ne font que les affamer. Dès qu’on les arrête, la tumeur recommence à faire croître à son profit des vaisseaux sanguins.
Modifier, utiliser le système immunitaire
Une tout autre voie – l’une des plus prometteuses à ce jour – pour traiter les cancers ou prévenir les récidives consiste à stimuler le système immunitaire pour l’aider à lutter contre les cellules malignes. C’est ce qu’on appelle l’immunothérapie. Le système immunitaire est chargé de repérer et de tuer les cellules infectées par des agents pathogènes – virus, bactéries, parasites. Mais il a aussi pour mission de détruire les cellules anormales qui menacent notre santé, à commencer par les cellules cancéreuses. Parfois, il y parvient. Mais il est souvent dépassé par l’ampleur de la tâche et les cellules tumorales parviennent alors à se multiplier. L’immunothérapie vise donc à former et armer les défenses naturelles du corps pour les aider à accroître leur efficacité.
Certaines cellules dites «malignes» parviennent à désactiver des cellules immunitaires qui ont réussi à pénétrer dans la tumeur. Pour les empêcher de se conduire ainsi, on a recours à des anticorps qui repèrent les cellules anormales et que l’on peut fabriquer à des milliers d’exemplaires à partir d'un seul clone de cellule. D’où leur nom «d’anticorps monoclonaux». Toutes les tumeurs ne peuvent pas bénéficier de ce type de thérapie. Seules celles dont les cellules portent à leur surface une protéine spécifique servant de «point d’ancrage» à un anticorps particulier peuvent être attaquées de cette manière.
Parmi les principales armes dont dispose le système immunitaire figurent des globules blancs particuliers, les lymphocytes, et notamment ceux qui sont désignés par la lettre T. Ce sont certains d’entre eux qui éliminent les cellules infectées ou anormales. Les oncologues ont donc entrepris de transformer ces tueurs en véritables «bombes» destinées à détruire les cellules cancéreuses. Cette méthode, dite de thérapie cellulaire, est encore expérimentale, mais elle a déjà donné des résultats quasi miraculeux. En pratique, la technique consiste à prélever quelques-uns des lymphocytes T de l’enfant (ou de l’adulte) et, au laboratoire, à les «transformer» afin d’en faire des soldats capables de reconnaître spécifiquement les cellules tumorales. On fabrique ensuite des milliards de cellules «tueuses» de ce type que l’on injecte dans le sang du patient comme une transplantation. La tâche n’est pas aisée, d’autant que ces lymphocytes T modifiés deviennent de véritables bombes qui doivent être bien dirigées, afin de ne pas s’attaquer aux cellules saines. Il s’agit donc d’un traitement lourd pour le patient et coûteux, qui peut mobiliser des dizaines de chercheurs et techniciens.
Si son intérêt se confirme, la thérapie cellulaire aura toutefois un usage limité aux patients pour lesquels il n’existe aucune autre option thérapeutique possible à ce jour. Elle modifie en effet le système immunitaire et on ne connaît pas ses effets à long terme.
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Adapté de J’ai envie de comprendre… Le cancer de l'enfant et de l'adolescent, de Marc Ansari et Elisabeth Gordon, en collaboration avec Fabienne Gumy-Pause, Ed. Planète Santé, 2018.