Parfois nécessaire, l’ablation des ovaires n’est pas anodine
De quoi on parle?
En mai 2013, Angelina Jolie signait, dans le New York Times, une tribune intitulée «My Medical Choice». Alors qu’elle s’apprêtait à fêter ses 38 ans, elle révélait avoir accepté une ablation des deux seins (double mastectomie) parce qu’elle est porteuse d’une mutation génétique qui l’expose à un risque de 87% de développer un cancer du sein et de 50% un cancer de l’ovaire. En avril dernier, elle publiait, toujours dans le New York Times, une nouvelle tribune expliquant avoir pris la même décision chirurgicale pour ses ovaires.
Angelina Jolie aura 40 ans le 4 juin prochain. Après s’être fait enlever les deux seins, l’actrice a récemment annoncé qu’elle a subi une ablation des ovaires. Plus exactement une annexectomie, qui inclut l’ablation des trompes de Fallope, les deux conduits qui relient les ovaires à l’utérus (voir infographie). Si le nom de l’intervention peut effrayer, son application concrète n’est pas très compliquée et peut se dérouler en une seule journée d’hospitalisation.
«La particularité du cas Angelina Jolie consiste à prélever des organes sains, relève le Pr Patrick Petignat, chef de service de gynécologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), qui salue par ailleurs le geste de l’actrice. Il s’agit d’un acte préventif, ce qui peut s’avérer délicat.» En effet, la patiente est mutilée avant même d’être malade, ce qui entraîne de multiples conséquences, comme le note le Pr Petignat: «Les ovaires produisent les œstrogènes, ces hormones dont la diminution progressive provoque la ménopause.» Après une telle intervention, Angelina Jolie ne pourra donc plus avoir d’enfants.
Pourquoi l’actrice, jeune et en bonne santé, a-t-elle accepté pareille atteinte à son intégrité corporelle? Pour bien comprendre sa démarche, il faut d’abord savoir que le cancer ovarien, qui touche chaque année environ 600 femmes en Suisse, est particulièrement difficile à diagnostiquer. Le dosage d’une substance dans le sang, le CA-125, utilisé pour dépister ce cancer, donne des résultats trompeurs. L’échographie ne permet pas non plus de repérer le cancer débutant, car il ne forme que des nodules (renflements) de quelques millimètres. Le plus souvent asymptomatique (sans signes caractéristiques), il est donc souvent repéré à un stade avancé, alors que la cavité abdominale est déjà atteinte. C’est pour cette raison que le cancer de l’ovaire est particulièrement grave: s’il ne représente que 3% des cancers féminins, il demeure la première cause de mort par cancer gynécologique et la cinquième cause de décès lié au cancer chez les femmes –400 morts par an en Suisse.
Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’avoir dans sa famille une parente du premier degré victime d’un cancer de l’ovaire multiplie par trois le risque de développer la maladie. Voilà ce qui a motivé Angelina Jolie: sa mère, l’actrice Marcheline Bertrand, a succombé à un cancer ovarien en 2007, à 56 ans, et avant elle sa grand-mère paternelle, à 45 ans.
Si Angelina Jolie a une hérédité si chargée, c’est qu’elle est porteuse d’une mutation significative sur le gène BRCA1. Les altérations de ce gène, ou celles d’un autre gène appelé BRCA2, sont connues pour être responsables de formes héréditaires de cancer du sein. Mais ces mutations sont aussi liées au cancer de l’ovaire: le risque de développer la maladie augmente de 40 à 60% chez les femmes porteuses de la mutation BRCA1 et de 10 à 20% pour le BRCA2. «Ces deux gènes ont pour fonction de maintenir l’intégrité de l’ADN, explique le Dr Pierre Chappuis, responsable de l’Unité d’onco-génétique et de prévention des cancers aux HUG. La plupart des tissus, que ce soient ceux des poumons, du colon ou du cerveau, semblent s’accommoder de la mutation. Mais pas les seins ni les ovaires. La raison est peut-être hormonale. Mais il faut avouer que nous n’avons, pour l’heure, aucune certitude sur les mécanismes précis limitant le risque élevé au niveau des seins et des ovaires.»
Des mutations bénignes ou significatives
Puisque ces mutations génétiques entraînent une telle augmentation de risque de cancers du sein et de l’ovaire, pourquoi ne pas en généraliser le dépistage? «Le premier problème est technique, détaille le Dr Chappuis. Chacun de ces gènes peut avoir de nombreuses mutations, affectant des bases différentes. Repérées lors d’un séquençage, elles sont réparties en cinq classes. Pour les classes 1 et 2, les mutations sont jugées bénignes. Pour les classes 4 et 5, les mutations sont jugées significatives et associées à un risque élevé de développer un cancer. Or, le problème, c’est que les techniques de séquençage ultrasensible détectent de mieux en mieux les mutations de classe 4 et 5, mais aussi celles de classe 3, mutations pour lesquelles on ne sait pas trop quoi faire.»
La situation n’est donc pas aussi simple. Surtout que les médecins ont repéré une douzaine d’autres gènes impliqués dans le cancer du sein, dont quelques-uns augmentent aussi le risque de cancer ovarien. Ce qui entraîne un problème pratique: les spécialistes ne savent pas quelles recommandations appliquer quand ils trouvent des mutations de ces gènes chez leurs patientes. «C’est une période de transition, confirme le Dr Chappuis. Les tests génétiques vont se multiplier. Mais pendant un certain temps, ils se limiteront aux femmes qui ont un risque familial avéré, parce qu’il y a trop de données que nous ne savons pas encore interpréter.»
Pour l’heure, une chose est sûre: Angelina Jolie a fait les gestes chirurgicaux préventifs que recommandent tous les spécialistes médicaux. Même si le choix final d’une opération aussi lourde doit, bien entendu, revenir aux patientes.
Le dépistage génétique coûte trop cher pour être généralisé
Faudrait-il généraliser le dépistage génétique du cancer du sein? Une partie du monde scientifique le pense. En Suisse, pour le moment, le dépistage des mutations du BRCA1 n’est remboursé qu’aux femmes dont les antécédents familiaux de cancer du sein sont très lourds. Le 22 mars dernier, le consortium de Saint-Gall a prôné un élargissement du dépistage à la famille des femmes jeunes porteuses de la mutation, à celle des hommes ayant présenté un cancer du sein (affection très rare chez eux, mais survenant généralement dans le cadre d’une mutation génétique) ainsi qu’à celle de femmes ayant eu un cancer particulièrement agressif (dit «triple négatif»). Mais le rapport entre le coût et les bénéfices reste un gros problème. Le séquençage complet revient en effet à 3600 francs qui sont facturés à l’assurance-maladie de base. «Ce tarif a été approuvé par l’Office fédéral de la santé publique en février 2015», note le Dr Pierre Chappuis, du département d’onco-génétique des HUG. Un prix qui devrait baisser dans un futur relativement proche, mais qui reste, pour l’heure, trop élevé pour généraliser le test.
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Cancer du corps utérin
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 900 nouveaux cas de cancer du corps de l’utérus (carcinome de l’endomètre, sarcome de l’utérus), ce qui représente quelque 5 % de toutes les maladies cancéreuses chez la femme. Le risque augmente fortement à partir de 50 ans : près de la moitié des patientes sont âgées de 50 à 69 ans au moment du diagnostic, 45 % ont 70 ans et plus.
Cancer du rein
Chaque année en Suisse, on dénombre près de 900 nouveaux cas de cancer du rein (carcinome des cellules rénales), ce qui représente environ 2 % de toutes les maladies cancéreuses. Les hommes sont davantage touchés que les femmes (deux tiers contre un tiers). Le cancer du rein apparaît généralement à un âge avancé : 44 % des patients ont entre 50 et 69 ans au moment du diagnostic, 45 % ont 70 ans et plus.
Cancer de la vessie
Chaque année en Suisse, quelque 1200 personnes développent un cancer de la vessie, ce qui correspond à environ 3% de toutes les maladies cancéreuses.