Rare en Suisse, le cancer de l’estomac est souvent fatal

Dernière mise à jour 17/09/12 | Article
Rare en Suisse, le cancer de l’estomac est souvent fatal
Le cancer de l'estomac est souvent diagnostiqué trop tard, car ses symptômes se confondent avec de nombreuses autres maladies. Pourtant, on en sait aujourd'hui suffisamment pour réduire les risques d'être atteint. Entre alimentation et hérédité, un article pour mieux comprendre la maladie.

De quoi on parle?

Les faits

L’animateur et producteur de télévision français, Jean-Luc Delarue, est décédé le 24 août des suites d’un cancer de l’estomac. Il avait 48 ans.

Les dates

Apparu au petit écran en 1986, l’animateur de «Ça se discute» ou de «C’est mon choix», l’un des préférés des Français, avait annoncé son cancer en décembre dernier.

En décembre 2011, Jean-Luc Delarue annonçait publiquement souffrir d’un cancer de l’estomac contre lequel il était décidé à «se battre». Huit mois plus tard, il a finalement été emporté par la maladie. Il n’avait que 48 ans. C’est jeune – l’âge moyen des personnes chez qui on détecte ce type de tumeur est d’environ 70 ans –, mais cela n’a rien d’exceptionnel.

Les racines familiales de l’animateur ont-elles joué un rôle dans la survenue et le développement rapide de sa maladie? C’est possible, car, d’après sa biographie, l’animateur avait une mère d’origine hongroise et un père d’origine russe. Or le cancer de l’estomac – qui peut avoir une origine familiale – est très fréquent en Europe de l’Est et du Centre, comme il l’est aussi en Asie (notamment en Chine et au Japon) et en Amérique latine.

En revanche, en Europe occidentale – et notamment en Suisse, où 800 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année sur environ 35000 cancers – «le nombre annuel de cas détectés a diminué très rapidement au cours de ces dernières décennies», constate Pierre Bohanes, oncologue à Lausanne. Le médecin explique cette baisse par «le changement des habitudes alimentaires». Grâce à la généralisation du frigo, reprend-il, «on mange aujourd’hui plus de produits frais et beaucoup moins d’aliments conservés dans la saumure et dans le sel», qui figurent parmi les facteurs de risque de ce type de cancer (lire encadré).

Il faut ajouter à cela l’amélioration de l’hygiène, qui a permis, dans nos pays, de diminuer considérablement les infections par la bactérie Helicobacter pylori. Ce n’est pas le cas partout. Au niveau mondial, cette bactérie – la première à avoir été impliquée dans la genèse d’un cancer – est en effet «le principal facteur de risque du cancer gastrique», souligne Pierre Michetti, gastro-entérologue indépendant à la Clinique de La Source, à Lausanne. Elle infecte 50% de la population mondiale, et jusqu’à 90% dans certains des pays les plus pauvres. Il est vrai que la pauvreté et la promiscuité favorisent la diffusion du micro-organisme, qui se transmet de la mère aux enfants ou entre frères et sœurs «de bouche en bouche, lorsqu’on partage une même cuillère ou que l’on se sert dans le même plat», précise le gastro-entérologue. Ce qui rend le médecin pessimiste pour l’avenir: «En Chine du Sud, un homme sur cinq meurt du cancer gastrique et, avec l’augmentation de la longévité, cela va s’aggraver.»

Mauvais pronostic

Quel(s) que soi(en)t le ou les facteur(s) déclenchant(s), les tumeurs gastriques se forment à partir des cellules de la muqueuse qui tapissent l’intérieur de l’estomac. Comme dans tous les cancers, certaines d’entre elles se mettent à se diviser et à proliférer de manière anarchique et deviennent malignes. «Cette séquence d’événements est souvent en relation avec une inflammation, précise Pierre Bohanes. Quant aux ulcères, ils ont été associés au cancer de l’estomac car ils partagent les mêmes facteurs de risques, mais ils restent bénins dans la majorité des cas.»

Quoi qu’il en soit, le cancer gastrique reste un problème sévère, car «le pronostic est souvent mauvais». Au premier stade de la maladie, lorsque la tumeur reste localisée sur la muqueuse de l’estomac, «la survie à cinq ans n’est que de 75%, donc comparable à d’autres cancers de la sphère intestinale», explique l’oncologue. Elle chute rapidement à moins de 55% dès que les cellules cancéreuses pénétrent au-delà de la muqueuse ou qu’elles envahissent les ganglions lymphatiques.

C’est d’autant plus inquiétant que la détection précoce de ce cancer est difficile. En effet, les symptômes – estomac sensible, notamment aux aliments acides, lourdeurs gastriques, douleurs dans la partie supérieure de l’abdomen, fatigue, perte de poids ou d’appétit – se manifestent dans de nombreuses autres maladies et ne sont donc pas caractéristiques.

Le diagnostic n’a donc souvent lieu que lorsque la tumeur est un peu plus profonde ou qu’elle a déjà atteint les ganglions lymphatiques. Dans ce cas, selon le volume de la tumeur, seuls 10 à 55% des patients sont encore envie après cinq ans. Dans les étapes les plus avancées – lorsque des métastases ont envahi d’autres organes ou tissus – «les meilleures études indiquent une survie médiane de onze mois, avec les meilleurs traitements».

Les espoirs de la chimiothérapie

Après une série d’examens destinés à définir le stade de la tumeur et sa profondeur dans l’estomac, ces traitements passent généralement par la chirurgie et l’ablation de tout ou partie de l’estomac. Un geste qui est parfois précédé et souvent suivi d’une chimiothérapie.

C’est d’ailleurs dans ce domaine que résident les principaux espoirs. Un nouveau médicament, le trastuzumab (Herpecin®), qui a déjà révolutionné le traitement du cancer du sein, a montré de bons résultats. Mais uniquement chez les 10 à 20% de patients dont la tumeur possède à sa surface une protéine (HER2) suractivée. Il apparaît aujourd’hui qu’une autre protéine tumorale, MEK, pourrait être, elle aussi, «une cible intéressante et prometteuse pour de nouveaux médicaments», selon Pierre Bohanes. Pour l’avenir, les espoirs pour ce cancer comme pour les autres reposent essentiellement sur la médecine personnalisée, qui devrait permettre de traiter chacun en fonction de la biologie de sa tumeur.

L'helicobacter pylori et le cancer de l'estomac

Ces dernières années, l'hypothèse du lien entre l'infection par la bactérie Helicobacter pylori (HP) et cancer de l'estomac s'est renforcée.

Cancer de l'estomac

D.R.

 

Une alimentation trop sale mise en cause

Risques

Jean-Luc Delarue n’en faisait pas mystère: il consommait de la cocaïne et abusait de l’alcool. Y aurait-il un lien avec son cancer de l’estomac? Probablement pas. «A ma connaissance, la drogue n’est pas un facteur de risqué reconnu», précise Pierre Bohanes, oncologue à Lausanne. Quant au rôle de l’alcool, «il n’est pas clair du tout», ajoute Pierre Michetti, gastro-entérologue à la Clinique de La Source à Lausanne, au contraire du tabac dont le rôle est reconnu.

De même que la nourriture. Après l’infection par la bactérie Helicobacter pylori, l’alimentation est même le deuxième facteur de risque le plus important des tumeurs gastriques. La consommation régulière de produits trop salés, saumurés ou fumés contribue à la genèse du cancer, alors qu’un régime riche en fruits et légumes a un effet protecteur.

Et qu’en est-il du stress, souvent évoqué à propos des problèmes gastriques? «Il n’a jamais été démontré qu’il soit associé à ce type de cancer, répond Pierre Michetti. D’ailleurs, le stress augmente l’acidité de l’estomac, alors que le cancer est lié à une trop faible sécrétion d’acide.» Ce qui est, finalement, plutôt une bonne nouvelle.

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