L’aspirine en prévention du cancer: les dernières données disponibles
Cela concerne une étude menée sur plus de 100000 personnes qui fournit de nouvelles preuves concernant l’association entre la consommation quotidienne d'aspirine et la réduction du risque de décès par cancer. Or, elle aboutit à des conclusions légèrement différentes que les dernières données disponibles sur ce thème; données qui avaient été rendues publiques en mars dernier dans The Lancet et exposées sur Planetesante.ch par Elisabeth Gordon et leDr Ermindo Di Paolo (service de pharmacie du CHUV).
Il s’agissait alors d’analyses d’essais randomisés concernant l’effet d’une prise quotidienne d’aspirine sur la prévention d’événements vasculaires. Au final, ils avaient suggéré une possible réduction de la mortalité par cancer de 37% chez les utilisateurs d’aspirine préventive pendant un laps de cinq ans ou plus. Les études avaient été menées par l’équipe de Peter Rothwell (université d’Oxford).
Les chercheurs avaient notamment analysé cinquante-et-un essais cliniques regroupant plusieurs dizaines de milliers de participants et avaient comparé ceux qui prenaient quotidiennement de l’aspirine à ceux qui n’en consommaient pas. L’objectif initial était d’évaluer les effets bénéfiques de ce médicament en prévention des maladies cardiovasculaires. Puis, ils se sont intéressés aux affections cancéreuses et ont constaté que la consommation quotidienne de faibles doses (moins de 300 mg) pendant trois ans diminuait d’un quart le risque de développer un cancer, tous types confondus, et même de plus d’un tiers (37%) à partir de cinq ans.
Toujours selon les chercheurs britanniques, les vertus de l’aspirine concerneraient aussi les personnes déjà atteintes d’un cancer. Chez celles qui en ont consommé tous les jours, pendant six ans et demi, le risque de développer des métastases était réduit de 36% en moyenne.Plus généralement cette diminution était même de 46% pour les adénocarcinomes et, dans cette catégorie, elle pouvait atteindre 74% pour le cancer colorectal. Plus généralement durant leur période d’étude, les auteurs ont constaté une baisse des décès de 15% chez les patients cancéreux sous aspirine et même de 50% chez ceux souffrant d’un cancer colorectal.
Aujourd’hui, l’étude est signée de chercheurs américains de l’American Cancer Society. Elle est publiée dans le JNCI, revue de l’Institut national américain du cancer. Les auteurs (Eric J. Jacobs, Christina C. Newton, Susan M. Gapstur et Michael J. Thun) ont analysé et suivi, sur onze années, les données colligées auprès de 100139 personnes. Toutes étaient membres de l’étude cohorte Cancer Prevention Study II Nutrition. Toutes disaient utiliser de l’aspirine et n’étaient pas connues pour être atteintes d’une affection de nature cancéreuse au début de l'étude.
Les auteurs constatent à leur tour qu’une utilisation quotidienne d’aspirine est bel est bien associée à une réduction du risque de mortalité par cancer. Mais elle n’est ici, globalement, que de 16%. Cette réduction du risque de décès varie selon les cancers, allant de 12% pour les cancers ne concernant pas le tube digestif et jusqu’à 40% pour les cancers de l'œsophage, de l'estomac et le cancer colorectal. Cette réduction est donc inférieure aux précédents résultats, en particulier ceux des études du Lancet. Le Dr Jacobs, coauteur de l’étude, précise donc qu’à ce stade, il lui apparaît encore trop prématuré de recommander la prise d’aspirine pour prévenir certains cancers. Il rappelle que, même à faible dose, l'aspirine peut augmenter considérablement le risque hémorragique. En toute hypothèse, ce type de décision ne doit donc être pris qu’en fonction du passé médical de chacun et (faut-il le rappeler?) uniquement sur prescription médicale.
Pour autant, certains spécialistes estiment aujourd’hui qu’il faut désormais aller de l’avant. Un rapport de l’American Cancer Society (publié en ligne par Nature Reviews Clinical Oncology) affirme ainsi que la seule réduction d'incidence globale du cancer de 10% au cours des dix premières années de traitement pourrait faire pencher favorablement le rapport bénéfice-risque de la prise d’aspirine à titre préventif. «Les données accumulées à partir des essais cliniques randomisés apportent une excellente occasion de réexaminer le rôle potentiel de l'aspirine dans la prévention du cancer», estiment les auteurs. «Elles devraient permettre une réévaluation de son usage – par la FDA et l'Agence européenne du médicament – pour la prévention des cancers et ce, au moins sur certains groupes cibles de population».
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