En Suisse, le cancer colorectal est le 3e cancer le plus fréquent
De quoi on parle
Durant six semaines, la moitié des pharmacies suisses ont proposé à la population un dépistage du cancer colorectal (cancer du côlon ou du rectum). Près de 25 000 tests permettant de chercher la présence de sang occulte dans les selles ont été effectués durant cette période. Les médecins sont unanimes: un dépistage généralisé du cancer colorectal permet d’éviter des décès.
C’est le troisième cancer le plus fréquent en Suisse. Le cancer du côlon ou du rectum, aussi appelé colorectal, touche 5 personnes sur 100 avant l’âge de 80 ans. Sa fréquence est compensée par le fait qu’il se soigne bien. «C’est une maladie qui a généralement un pronostic plutôt bon et contre lequel on a de nombreux moyens de se battre», résume le Dr Frédéric Ris, chirurgien colorectal référent aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). D’autant plus s’il est détecté à un stade précoce. Mais comment faire pour que cette détection soit efficace? Les résultats des études sont clairs: il faut pratiquer un dépistage chez les personnes de 50 à 69 ans. Et cela, qu’elles présentent ou non des facteurs augmentant leur risque, tels que des cas dans leur famille proche, une obésité, un tabagisme ou une consommation élevée de viande rouge.
Un tel programme de prévention du cancer colorectal existe en France depuis 2009 et est expérimenté dans certains cantons suisses (lire encadré). «De nombreuses études de très bonne qualité ont montré une diminution de mortalité de 25 à 50% chez les personnes qui ont bénéficié d’un tel dépistage», résume le professeur Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale universitaire à Lausanne. On estime schématiquement que, en Suisse, sans dépistage, 2 personnes sur 100 décéderont avant 80 ans d’un cancer du côlon alors qu’en présence d’un dépistage, seule une personne sur cent en mourra avant 80 ans.
Les programmes en Suisse
Depuis juillet 2013, le dépistage du cancer colorectal est remboursé par l’assurance de base pour toute la population entre 50 et 69 ans, qu’il s’agisse d’une recherche de sang occulte dans les selles tous les deux ans ou d’une coloscopie tous les dix ans. Par ailleurs, les cantons de Vaud et d’Uri démarrent en 2016 des programmes pilote de dépistage généralisé de leur population. «Dans le programme vaudois, le patient devra prendre deux décisions avec le soutien de son médecin de famille, confie le professeur Jaques Cornuz. D’abord, celle de se faire dépister, ou non. Et s’il le souhaite, il devra choisir une méthode: le test Fit ou la coloscopie. Cette approche nous distingue des programmes français et allemands qui ne proposent qu’une méthode, l’un le Fit, l’autre la coloscopie. Notre objectif, c’est que 80% de la population a pu prendre une décision informée sur ce dépistage. Et pas forcément que 80% des personnes pratiquent un tel examen», conclut le spécialiste.
Tous les deux ou dix ans
Deux méthodes de dépistage existent, qui réduisent avec la même efficacité la mortalité due à ce cancer, poursuit le professeur Cornuz. Toutes deux reposent sur le principe qu’une majorité des cancers colorectaux se développent lentement et évoluent par étapes, souligne le Dr Michael Montemurro, oncologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Première méthode: la recherche de sang dans les selles pratiquée tous les deux ans (voir infographie). La deuxième méthode consiste à réaliser d’emblée une coloscopie, et à la répéter tous les dix ans entre 50 et 69 ans. On examine par cet examen l’intérieur du côlon à l’aide d’un endoscope, sorte de tuyau souple introduit par l’anus et dont la caméra envoie des images au médecin. C’est la première méthode, la recherche de sang dans les selles, qui a été proposée jusqu’à mi-avril dans les pharmacies suisses. «Le patient recevait un kit permettant de prélever, à la maison, un échantillon de selles. Il devait ensuite l’envoyer par la poste à un laboratoire pour une recherche d’éventuelles traces de sang. En effet, le plus souvent les lésions qui conduisent au cancer colorectal saignent, même de manière microscopique», explique le professeur Gian Dorta, gastro-entérologue au CHUV.
Comme tout examen, ces tests dits «Fit» ne sont pas parfaits et présentent un risque d’erreur. Dans 2 à 4% des cas, ils ne détectent pas un cancer alors qu’il est bien présent. Pour cette raison, le Fit est renouvelé tous les deux ans dans les programmes de dépistage. On peut donc raisonnablement imaginer qu’un cancer «manqué» lors d’un premier test Fit serait repéré et traité deux ans plus tard. «En cas de test Fit positif, une coloscopie doit être réalisée dans les trois à quatre semaines», détaille encore le professeur Dorta. L’examen nécessite une préparation. «Le patient doit consommer peu de fibres durant trois jours et boire un litre d’un liquide au goût pas forcément agréable la veille et le jour de l’examen, détaille le médecin. Cela provoque une diarrhée qui nettoie le côlon; sans quoi nous ne pourrions rien voir.» Durant l’examen lui-même, le patient est sous sédation. La coloscopie a l’avantage de permettre de faire des biopsies d’éventuelles zones suspectes et parfois de les supprimer. En particulier, le gastro-entérologue recherche des polypes, c’est-à-dire des excroissances de la muqueuse qui pourraient devenir des cancers. Ou en être un à son début. Les polypes varient en nombre, en diamètre et en localisation selon les individus, détaille le professeur Dorta: «On estime que 20 à 25% de la population de plus de 50 ans ont de tels polypes, poursuit le spécialiste. Et que parmi eux, 20% environ évolueront vers un cancer.»
Quand on opère
En l’absence de polypes, une nouvelle coloscopie est recommandée après dix ans. Si, par contre, des polypes ont été retirés, ils sont envoyés pour analyse. Plusieurs cas de figure sont alors possibles. Si ces prélèvements ne présentent aucun début de tumeur, on se contente d’une surveillance plus régulière. Une nouvelle coloscopie est alors programmée quelques années plus tard. Si par contre le polype recèle une tumeur, une chirurgie peut être nécessaire. Enfin, il est possible que l’examen révèle d’emblée un cancer. Une chirurgie s’impose alors. La présence ou non de métastases, qui sont des manifestations secondaires de la tumeur à d’autres endroits que le côlon, influence profondément le pronostic et le traitement de ce cancer. «On peut dire que les patients ont quatre chances sur cinq d’être guéris cinq ans après la découverte de la maladie s’ils n’ont pas de métastases dans le foie», explique le Dr Ris. Dans ce cas, l’opération consiste à retirer la partie du côlon touchée par le cancer, de même que les ganglions et les vaisseaux de la zone. Si la tumeur touche les ganglions, une chimiothérapie peut être nécessaire. «Dans la plupart des cas, la continuité de l’intestin est rétablie», précise le médecin. Autrement dit, après avoir enlevé le segment de côlon atteint par le cancer, on remet bout à bout les extrémités restantes. Des retentissements sur le transit ou la défécation ne sont pas impossibles. Des séances de physiothérapie améliorent souvent la situation. En présence de métastases, les traitements sont davantage personnalisés, associant chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et radiologie interventionnelle, explique le Dr Montemurro.
Egaliser les risques
L’élimination de lésions précancéreuses, mais aussi le meilleur pronostic lorsque le cancer est découvert tôt, avant l’apparition de métastases, représentent les principaux arguments en faveur de l’introduction d’un dépistage généralisé en Suisse. Mais le dépistage permet aussi de diminuer les coûts imputés au système de santé. «Un tiers des patients que nous traitons chirurgicalement ont découvert leur cancer à un stade avancé, observe le Dr Ris, et leur pronostic aurait été meilleur s’il avait été trouvé plus tôt. On estime que seul un Suisse sur cinq est aujourd’hui dépisté.» De plus, «on observe que les personnes qui se font dépister sont souvent soit en meilleure santé, soit ont déjà tendance à avoir un comportement plus «sain» que le reste de la population, relève le professeur Cornuz. Or, un programme de dépistage généralisé du cancer colorectal comme celui que nous débutons dans le canton de Vaud permet de placer tous les citoyens sur un pied d’égalité.»
Le cancer colorectal en chiffres
Au niveau mondial, le cancer du côlon est le quatrième cancer le plus fréquent et cause 700 000 morts par an. Tous les territoires ne sont cependant pas égaux et les pays développés connaissent de manière générale davantage de cancers colorectaux. En Suisse, on estime que le cancer du côlon touche un peu plus de 4 000 personnes par an et cause 1 600 décès. Chez nos voisins français, le test Fit de recherche de sang occulte dans les selles a été introduit en mai 2015 pour un dépistage généralisé chez les personnes de 50 à 74 ans. En mars dernier, l’Institut national du cancer annonçait que, en dix mois, 2 millions de personnes concernées avaient été testées.
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