Quand les ados flirtent sur le web

Dernière mise à jour 20/06/19 | Article
Échanger des photos de son corps érotisé est une pratique désormais fréquente parmi les jeunes. Pour éviter les dérives, la meilleure prévention est d’oser le dialogue.

Les ados parlent de «nudes», les scientifiques de «sexting». Cette pratique de plus en plus courante consiste à échanger des photos, vidéos, textes ou même messages vocaux à caractère sexuel par voie digitale. De nombreuses dérives ont été relayées dans la presse ces dernières années et le phénomène effraye les parents. Rien ne sert pourtant de le diaboliser. La criminologue Yara Barrense-Dias, chercheuse spécialisée en santé des adolescents à Unisanté, s’est penchée sur le rapport au sexting d’une centaine de jeunes Suisses romands, afin de comprendre leur point de vue. De ces recherches ressort notamment une facette plus positive de cette pratique, qui semble pouvoir faire partie intégrante du développement et des expérimentations des adolescents.

Préliminaires 2.0

Sans conteste, l’application phare des jeunes pour échanger des « nudes » est Snapchat. Une fonctionnalité permet de limiter l’affichage des photos et vidéos à 10 secondes au maximum. Ce principe donne l’illusion d’un partage plus sécurisé. Mais l’envoi peut tout de même être «rejoué» une fois et le destinataire peut faire des captures d’écran. «Les jeunes sont conscients qu’échanger de tels contenus sur Snapchat n’est pas 100% sûr», analyse Yara Barrense-Dias.

Contrairement aux idées reçues, les partages de «nudes» s’effectuent le plus souvent entre deux personnes, dans le cadre d’une relation romantique et/ou sexuelle. «Pour les adolescents, c’est l’occasion de tester les réactions face à leur propre corps, souligne la chercheuse. C’est une manière de flirter, draguer, prendre confiance en soi». Les images échangées ne sont d’ailleurs pas toujours des photographies de zones génitales. Il s’agit parfois simplement de positions suggestives. La plupart du temps, le sexting est utilisé pour renforcer un lien affectif ou garder le contact au sein d’un couple qui n’aurait pas beaucoup l’occasion de se voir et d’explorer ensemble la sexualité.

Les filles plus vulnérables

Les dérives risquent de survenir dès que ce type d’échange est diffusé dans des groupes de plusieurs contacts. «Le problème du sexting, c’est que cela peut rapidement avoir un effet boule de neige, constate la chercheuse. Un seul envoi peut toucher de nombreux destinataires, par exemple lorsqu’une personne partage le contenu à l’un de ses amis, qui risque ensuite de le transmettre plus loin». Les réactions peuvent alors être virulentes. Les filles sont particulièrement exposées au harcèlement. «Sur Internet, c’est la même chose que dans la vie, remarque la spécialiste. Si une photo osée filtre, un garçon aura tendance à être qualifié de "beau gosse" alors qu’une fille sera une "traînée"».

Comprendre sans surveiller

Pour limiter au maximum ce type de comportement abusif, un travail de prévention en profondeur est nécessaire. Certains parents sont aujourd’hui face à un problème générationnel. Eux-mêmes n’ont pas forcément pratiqué le sexting et ont de la peine à comprendre son sens. Cette barrière peut empêcher les jeunes d’oser en parler aux adultes, même en cas de dérive.

Il est donc important de ne pas demander d’emblée à son enfant d’expliquer pourquoi il envoie ce type de contenu, au risque qu’il se sente jugé. «Soyez ouvert à la discussion, conseille Yara Barrense-Dias. N’hésitez pas à aborder tôt les notions de consentement et de respect, des valeurs valables aussi bien en virtuel que dans la vie réelle». Plutôt que de surveiller en détail les activités des adolescents sur les réseaux sociaux, mieux vaut leur apprendre à utiliser ces outils de manière respectueuse. L’ouverture d’esprit et l’écoute restent sans doute les meilleures armes pour accompagner les jeunes dans cet apprentissage de la vie.

Ce que dit la loi

Le Code pénal régit de manière stricte la diffusion d’images pornographiques en dessous de 16 ans. Celui qui partage la photo et même la personne mineure qui la produit risquent d’être accusés de production et distribution de pédopornographie, en particulier si l’image est très explicite. Mais là est justement toute la difficulté. Les images suggestives n’entrent pas dans la définition de la pornographie, mais peuvent faire de terribles dégâts si elles tournent au sein d’une école, par exemple. A noter que la loi permet de ne pas punir la personne productrice si elle est déjà en grande souffrance à la suite de la diffusion.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 34 - Juin 2019

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