La physio respiratoire a-t-elle vraiment un effet contre la bronchiolite?

Dernière mise à jour 19/12/12 | Article
La kiné respiratoire a-t-elle vraiment un effet contre la bronchiolite?
L’analyse conjointe de neuf études publiées récemment sur le traitement de la bronchiolite conclut qu’avec ou sans kiné, cette maladie virale dure en moyenne treize jours. Est-ce vraiment si simple?

«La physiothérapie respiratoire n'est pas efficace pour combattre la bronchiolite. Quelle que soit la méthode utilisée, cette physiothérapie n'accélère pas la guérison des nourrissons alors qu'elle expose notamment à des fractures de côtes. Dans la bronchiolite, la balance bénéfices-risque de la physiothérapie respiratoire est défavorable.» Voici ce que vient d’affirmer la très sérieuse revue médicale française Prescrire dans son édition de décembre. 

C’est là une petite bombe pour les parents des nombreux enfants potentiellement concernés par cette infection fréquente qu’est la bronchiolite. Et ils sont nombreux: cette infection contagieuse touche chaque hiver près de 30% des enfants de moins de deux ans. Une petite bombe, aussi, pour les généralistes et les pédiatres prescripteurs. Une petite bombe enfin, on l’imagine aisément, pour les physiothérapeutes: ils avaient appris ces vingt dernières années à développer avec succès cette pratique aujourd’hui très fréquemment mise en œuvre dans différents pays européens.

La revue Prescrire ne fait ici que relayer une synthèse des neuf études menées sur ce thème, synthèse réalisée par un groupe du Réseau international Cochrane (d'évaluation et d'information médicales). Cette synthèse méthodique a recensé neuf essais ; essais dits «randomisés». Tous étudiaient chez des nourrissons les effets de la physiothérapie respiratoire par rapport à l’absence de cette même physiothérapie respiratoire. On en trouvera le résumé ici. Ces études ont réuni au total 891 nourrissons hospitalisés pour bronchiolite. Point important: aucun essai chez des enfants non hospitalisés n'a été recensé. La technique dite «de percussions et vibrations thoraciques associées au drainage postural» a été évaluée dans cinq essais, chez 246 nourrissons. Celle dite «d'accélération du flux respiratoire avec toux provoquée» a été évaluée dans quatre essais, chez 645 nourrissons.

La maladie dure toujours treize jours

«Que les nourrissons aient été traités ou non par physiothérapie respiratoire, aucune différence statistiquement significative n'a été observée en termes d'évolution d'un score clinique de sévérité, de saturation en oxygène, de fréquence respiratoire, de durée de la maladie ou de l'hospitalisation, quelle que soit la méthode de physiothérapie utilisée, résume Prescrire. Avec ou sans physiothérapie respiratoire, la durée moyenne de la maladie a été d'environ treize jours. Les principaux effets indésirables rapportés dans ces essais ont été une désaturation en oxygène pendant la séance, et des vomissements (avec la technique d'accélération du flux expiratoire). Outre un inconfort, la physiothérapie respiratoire expose les nourrissons à d'autres effets indésirables, notamment des douleurs et des fractures de côtes. Selon une étude rétrospective conduite dans des hôpitaux parisiens, le risque a été d'une fracture pour 1000 nourrissons traités.» Même si le pourcentage est faible, l’idée de fracturer le grill costal d’un nourrisson pour l’aider à respirer a de quoi faire trembler un adulte.

Pour Prescrire les choses sont claires: «En pratique pas de physiothérapie respiratoire en cas de bronchiolite. En 2012, on dispose de données solides montrant que, chez les nourrissons atteints de bronchiolite, la physiothérapie respiratoire a une balance bénéfices-risques défavorable. Mieux vaut épargner cette épreuve aux bébés» conclut le mensuel qui dispose d’une large audience dans les milieux médicaux et pharmaceutiques français.

Mais est-ce vraiment si simple?

La bronchiolite, qui débute généralement par un simple rhume et une toux (et qui peut s'accompagner de sifflements caractéristiques), peut être responsable de complications graves chez les enfants les plus fragiles, notamment ceux de moins de trois mois ou les nouveau-nés prématurés. Pour les hygiénistes, la seule manière d'éviter la contagion est de se laver régulièrement les mains et de porter un masque chirurgical pour s'occuper d'un bébé. Il faut aussi éviter de l'embrasser lorsque l’on est soi-même malade, se couvrir la bouche pour éternuer ou tousser et éviter les lieux publics où l'enfant pourrait être en contact avec des personnes contaminées.

En France la kinésithérapie respiratoire privilégie les techniques «expiratoires passives et lentes, associées à la toux provoquée». Sa prescription n'est pas systématique mais dépend de l'état clinique de l'enfant, c'est-à-dire de son encombrement bronchique. Les autorités sanitaires souhaiteraient disposer d’études complémentaires pour pouvoir se prononcer utilement sur le sujet en disposant d’une «base scientifique solide».

«Les neuf études sélectionnées n’ont inclus que des enfants hospitalisés, souligne le Pr Vincent Gajdos, spécialiste de pédiatrie (hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France), auteur d’un des essais randomisés analysés par Cochrane. La kiné à l’hôpital n’a pas diminué le délai de guérison ni la durée d’hospitalisation. Mais si la méthode n’a pas amélioré la santé des enfants hospitalisés, on ne peut rien dire sur la situation en ville. Un essai testant l’efficacité de la kiné en ambulatoire s’avère nécessaire, ce que, tous, nous réclamons.» L’étude française du Pr Gajdos (baptisée «Bronkinou») avait conclu en 2010 qu’il n’y avait pas lieu de recommander systématiquement de la physio à tous les enfants hospitalisés. Il faut savoir que la physio respiratoire est peu pratiquée dans certains pays comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, en raison d’une absence de preuves quant à son efficacité. Les bronchiolites hospitalisées, c’est-à-dire les formes les plus graves, ne représentent qu’un très faible pourcentage de l’ensemble des cas. La très grande majorité des cas sont traités à domicile.

La physiothérapie respiratoire est censée permettre de désencombrer l’arbre respiratoire de l’enfant et par là, l’aider à mieux manger et à mieux dormir. Y parvient-elle véritablement? Il ne reste plus pour le savoir qu’à trouver les sommes nécessaires pour financer l’étude qui le démontrera (ou pas). Soit quelques centaines de milliers d’euros.

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