Adolescence et alcool: une rencontre problématique

Dernière mise à jour 25/03/13 | Article
Adolescence et alcool: une rencontre problématique
La relation des adolescents à l'alcool a connu ces dernières années une évolution spectaculaire et dramatique. Les responsables de santé publique ont décidé de prendre le problème à bras le corps. Avec succès.

Les chiffres sont hélas connus: un jeune de 15 ans sur cinq dit consommer de l'alcool au moins une fois par semaine, et 24% des individus de cet âge disent avoir été ivres déjà plusieurs fois!

Consommer de l'alcool en faisant la fête a bien sûr toujours fait partie du comportement des adolescents. Mais c'est leur façon de consommer qui a fondamentalement changé, ce qui en augmente considérablement le risque. Cette tendance d'aujourd'hui à boire beaucoup et rapidement de l'alcool fort, le tristement célèbre «binge drinking» ou «biture express», amène en effet beaucoup plus souvent ces jeunes dans les services hospitaliers d'urgence.

Au point que le nombre d'enfants hospitalisés à Genève pour intoxication alcoolique a plus que triplé entre 2004 et 2011. Une évolution qui a aussi été constatée dans d'autres hôpitaux suisses.

Or, les conséquences médicales immédiates ne sont pas anodines, qu'il s'agisse de convulsions, de traumatismes divers, ou – pire – du coma éthylique potentiellement mortel. Sans parler, à plus long terme, des effets délétères sur le cerveau, dégâts encore peu connus mais qui semblent d'autant plus graves que la consommation d'alcool a débuté tôt dans la vie.

Quant aux risques psychosociaux consécutifs à une consommation excessive d'alcool durant l'adolescence, ils ne sont pas plus banals. Relations sexuelles non protégées ou non souhaitées, violence (subie ou infligée à autrui), accidents de la route, ou encore dégradation des relations personnelles avec ses pairs, ses parents, ou les enseignants: un tableau qui est loin d'être rose.

Une stratégie différente

Le constat ne laisse pas indifférents les services pédiatriques, ni les responsables de santé publique, qui ont donc décidé de se mobiliser désormais sur tous les fronts, à commencer par  celui de la prévention, en se donnant comme objectif à long terme de retarder l'âge de la première consommation d'alcool.

C'est ainsi par exemple qu'un programme conjoint innovant a été lancé, à Genève, entre le Service des urgences pédiatriques, la consultation pour adolescents, et le service des addictions. Alors qu'auparavant les patients étaient systématiquement hospitalisés pendant un à deux jours pour une surveillance médicale et une évaluation pédopsychiatrique, avant que ne leur soit proposé un suivi ambulatoire (auquel ils étaient finalement peu nombreux à répondre), la stratégie d'aujourd'hui est fondamentalement différente.

S'inspirant de la littérature médicale, qui souligne l'efficacité d'interventions brèves, les spécialistes genevois ont ainsi mis en place une consultation beaucoup plus courte que par le passé. Après une prise en charge aux urgences qui en principe ne dépasse pas une nuit, les adolescents se voient systématiquement proposer un rendez-vous à une consultation spécifique, de moins d'une heure (30-45 minutes), à laquelle les parents sont associés.

Ce rendez-vous doit impérativement être honoré dans les dix jours qui suivent.

Un programme éducatif

Le but  de cette consultation est d'établir un bilan complémentaire, et de donner l'occasion aux partenaires d'évaluer les comportements à risque, la situation psychosociale particulière de l'individu, et de détecter une éventuelle dépendance à l'alcool.

Après avoir évoqué avec les adolescents comment s'est déroulé leur «biture», ce qui l'a motivée et ce qu'ils espéraient en tirer, il leur est proposé une série de tableaux explicatifs, qu'ils vont retrouver dans une petite brochure avec laquelle ils repartiront.

Ce fascicule vulgarisé met en évidence la quantité d'alcool que représentent les diverses boissons alcooliques, l'alcoolémie qui en résulte, ainsi que la hiérarchie des effets que cela entraîne (de la douce euphorie au coma mortel, en passant par la perte de contrôle de soi).

Il leur montre aussi quelle doit être leur attitude si un autre membre du groupe a trop bu, avant –le cas échéant– de devoir appeler les urgences. Cette brochure a donc également valeur d'exemple à l'intention des amis du jeune concerné.

Il est intéressant de remarquer que tant les adolescents que leurs parents sont demandeurs d'information, et que ces rencontres donnent l'occasion d'expliquer aux jeunes pourquoi ils supportent moins bien l'alcool que les adultes. Cela permet par exemple de leur montrer que cette inégalité devant l'alcool a des raisons physiologiques incontournables: poids corporel inférieur, et enzymes hépatiques moins nombreuses, notamment, ce qui induit une élimination de l'alcool plus lente que chez l'adulte.

Bonne surprise

Les initiateurs de cette nouvelle approche craignaient que les jeunes ne reviennent plus les voir, après leur passage aux urgences. Or, il n'en fut rien, bien au contraire: après six ans de mise en œuvre d'un tel programme, le résultat est spectaculaire: près de neuf adolescents sur dix (88%) ont honoré le rendez-vous qui leur a été proposé. Ce succès semble être dû au fait que la consultation intervient rapidement, souvent dans la semaine qui suit leur «accident».

Cette évaluation a permis de révéler quelques facteurs intéressants, comme le fait que la consommation excessive d'alcool se déroulait majoritairement entre amis, et que la boisson la plus courante était la vodka, fréquemment mélangée avec diverses boissons énergisantes. Ou le fait que, malgré la loi qui leur interdit l'achat d'alcool fort, ils n'avaient eu aucune peine à s'en procurer dans le commerce.

Il est aussi ressorti de ces entretiens que ce qui poussait les jeunes à la consommation d'alcool était très souvent leur volonté d'intégrer le groupe des pairs, ou «l'envie d'essayer», alors que les rares problèmes de dépendance étaient souvent liés à la présence d'un problème d'alcool chez les parents. Parents qui au demeurant se déclarent assez impuissants face à la situation.

Outre le fait que, bon an mal an, la poursuite de la prise en charge s'est révélée nécessaire pour un adolescent sur cinq, les auteurs de l'article sont conscients que ce qu'ils voient ne représente que la pointe de l'iceberg «alcool et adolescence». Ils sont néanmoins confiants dans la pertinence de leur approche, qui va se perfectionner avec le temps.

Référence

Adapté de «Lorsque les chemins de l'alcool et de l'adolescence se croisent», Drs Marianne Caflisch et Valérie Uldry, HUG Genève, in Revue médicale suisse 2013;9: 406-9, en collaboration avec les auteurs.

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