Aucune preuve scientifique ne permet de lier autisme et vaccin

Dernière mise à jour 27/04/16 | Article
Aucune preuve scientifique ne permet de lier autisme et vaccin
La projection d’un film à New York, relayée par Robert De Niro, a relancé la polémique sur une théorie fallacieuse. Elle a été invalidée à la suite d’une enquête scientifique de douze ans.

De quoi on parle

Le 25 mars dernier, Robert De Niro annonçait la projection de «Vaxxed; From Cover Up to Catastrophe» (vaccination: de la dissimulation à la catastrophe) d’Andrew Wakefield au festival new-yorkais de Tribeca qu’il a lui-même cofondé. Avec ce documentaire, le chirurgien anglais, qui n’a plus le droit de pratiquer au Royaume-Uni, tente une nouvelle fois de prouver le lien entre autisme et vaccination. En 2010, cette théorie qu’il avait lui-même initiée, avait été totalement discréditée après douze ans d’enquête et la découverte de conflits d’intérêts majeurs.

De Niro voulait, avec ce film, lancer un débat sur ce sujet qui est profondément personnel pour lui et sa famille, l’acteur ayant une fille autiste. La star de «Taxi Driver» avait probablement minimisé la portée de son acte sur un sujet aussi sensible. Le 26 mars, face au courroux d’un monde scientifique unanime, il annonçait renoncer à la projection, reconnaissant que le film ne «faisait pas progresser la discussion».

L’histoire est digne des plus mauvais polars. Elle est pourtant tristement vraie. En 1998, le docteur anglais Andrew Wakefield publie dans la prestigieuse revue médicale The Lancet un article sur une série de cas d’enfants présentant un autisme ainsi que des troubles digestifs. Au total, ce chirurgien gastro-intestinal recensait douze enfants présentant des problèmes de développement cognitif et les attribuait au vaccin trivalent, contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Suite aux nombreuses réactions de la communauté médicale de l’époque, The Lancet a ouvert une enquête qui a montré que toutes les données contenues dans l’article, qu’il s’agisse des diagnostics neurologiques ou digestifs, avaient été falsifiées. En particulier, certains enfants avaient montré des symptômes bien avant la prise du vaccin. Bref, rien ne permettait d’affirmer un lien entre autisme et vaccination. L’enquête conduira en 2010 au retrait complet de l’article des archives du magazine scientifique. Parallèlement, un journaliste du Sunday Times Brian Deer a dévoilé que Wakefield avait reçu 435 643 livres sterling pour produire ce dossier, somme payée par un avocat, Richard Barr, avec le but d’attaquer en justice des entreprises pharmaceutiques produisant des vaccins.

L'immunité par vaccination

Un lien temporel mais pas biologique

En 2016, avec son film «Vaxxed; From Cover Up to Catastrophe» (Vaccination: de la dissimulation à la catastrophe), Andrew Wakefield remet donc l’ouvrage sur le métier et accuse à nouveau les vaccins de causer l’autisme. Cette fois, il prétend que les Centres américains de contrôle des maladies et de la prévention (CDC) ont falsifié les résultats d’une étude, ce qui a permis d’exclure tout lien entre vaccination et autisme. «Le drame de ces histoires, explique le Dr Pierre-Alex Crisinel, médecin à l’Unité d’infectiologie pédiatrique et de vaccinologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), c’est qu’elles utilisent le malheur de certaines familles pour les convaincre du rôle infondé de la vaccination dans la survenue de l’autisme. Pour le moment, nous ignorons quelles sont les causes à l’origine de cette maladie. Or, le diagnostic est posé le plus souvent entre 1 et 2 ans. Et justement, la vaccination ROR débute généralement entre 9 et 12 mois. Un lien temporel est donc presque inévitable entre vaccination et autisme. Mais le problème, c’est évidemment que lien temporel ne signifie pas lien causal. Il y a donc là un amalgame, qui, en plus de causer du tort à la vaccination, retarde les recherches sur l’autisme.»

Un nouveau-né mort de la coqueluche à Genève

En octobre 2015, un nouveau-né de 37 jours est mort de la coqueluche à Genève. Révélé par la RTS en janvier dernier, ce drame rappelle que cette maladie peut être fatale chez les nouveau-nés. «La coqueluche est une maladie respiratoire due à une bactérie (Bordetella pertussis) qui provoque principalement des toux prolongées chez l’adulte, explique la doctoresse Géraldine Blanchard-Rohner, cheffe de clinique de l’unité d’immuno-vaccinologie pédiatrique des HUG. Ces quintes de toux sont pénibles mais bénignes chez les adultes. Chez le nouveau-né, durant les premiers mois de vie, cette maladie est par contre très dangereuse, avec des risques de complications importantes (difficultés respiratoires voire arrêt respiratoire, lésions au cerveau et même décès). Les bébés n’ont en effet pas encore les défenses nécessaires pour la combattre.»

A Genève, malgré une batterie de traitements et une assistance respiratoire, les médecins n’avaient pas réussi à sauver l’enfant. «Le meilleur moyen de protéger le bébé contre la coqueluche est de vacciner la maman pendant la grossesse, rappelle la doctoresse Blanchard-Rohner. Ainsi, elle transmet son immunité par le transfert des anticorps maternels via le placenta, qui permet de protéger le bébé durant les premiers mois de vie. Les grands-parents et les proches en contact avec le nouveau-né devraient aussi être vaccinés. De même, pour éviter tout risque de contamination, toute personne qui pourrait être en contact avec les nourrissons devrait d’ailleurs aussi être immunisée.» Pour la coqueluche comme pour d’autres maladies contre lesquelles les vaccins nous protègent, même si l’incitatif est d’abord individuel, une couverture d’une grande majorité de la population est nécessaire pour protéger les individus à risque.

Solidarité à l’heure de la mondialisation

En 1998, la publication de l’article de Wakefield avait eu des conséquences dramatiques avec une baisse du taux de vaccination ROR de pratiquement 15%. Cette baisse avait eu d’ailleurs des conséquences importantes pour la population britannique avec une forte augmentation des infections par les maladies normalement couvertes par le vaccin. Le taux de vaccination est heureusement remonté en 2003. «Le danger, explique la professeure Klara Posfay-Barbe, responsable de l’unité d’infectiologie pédiatrique des HUG, c’est la banalisation des risques liés aux maladies contre lesquelles les vaccins nous protègent. Les gens ne se rendent plus compte de ce que cela signifie que d’avoir la rougeole, par exemple. Ce n’est pas simplement être rouge et souffrir de fièvre. Les complications peuvent être sévères et si la mortalité directe n’est pas aussi élevée que, disons, pour Ebola, cette maladie est tout de même potentiellement capable de tuer ou d’avoir des séquelles graves. Et en se vaccinant, on s’immunise non seulement soi-même, mais on protège aussi les groupes à risque comme les personnes atteintes de cancer qui, au vu de leur état et à cause de leur traitement, ne peuvent pas recevoir de vaccins.»

La vaccination va donc bien au-delà de la protection individuelle: c’est un acte de solidarité. La mise en place de programmes de vaccination à large échelle a permis de limiter, voire de faire disparaître, des maladies mortelles très contagieuses comme la diphtérie ou la variole. Dans un monde mondialisé et interconnecté, où les échanges et transports ne cessent d’augmenter, seule une couverture vaccinale d’une part importante de la population permet de constituer une barrière aux épidémies. En refusant de se faire vacciner, on permet à des agents infectieux potentiellement mortels de subsister. Avec le risque de voir ressurgir des épidémies dramatiques que le monde occidental a un peu vite oubliées.

Mesvaccins.ch, le carnet de vaccination électronique made in Switzerland

Savoir quels vaccins ont été faits, lesquels sont recommandés et si on est à jour est un véritable casse-tête. Jusqu’à récemment, le médecin inscrivait ces informations dans un petit carnet papier qu’il n’était pas rare de perdre. «Aujourd’hui, le site mesvaccins.ch permet à tous ceux qui le souhaitent de disposer d’un espace sécurisé pour mettre à jour et conserver ses données de vaccination», détaille la professeure Claire-Anne Siegrist, directrice du Centre de vaccinologie des HUG, qui est à l’origine du projet. Le médecin peut aussi lui-même compléter les informations manquantes. A ce jour, plus de 2 millions de vaccinations ont été enregistrées par 112 000 personnes et plus de 5000 médecins ont un compte actif sur mesvaccins.ch.

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