L’alcool diminue rapidement les réflexes au volant

Dernière mise à jour 12/05/16 | Article
L’alcool diminue rapidement les réflexes au volant
Une fois ingurgité, l’éthanol contenu dans l’alcool passe très vite dans le sang et perturbe le fonctionnement du cerveau. Mais les effets néfastes sont très différents d’un individu à l’autre.

De quoi on parle

Dans le cadre du programme fédéral Via sicura, le Parlement a modifié la loi concernant les contrôles de l’alcool sur la route. Le contrôle de l’air expiré pourra remplacer l’actuelle prise de sang exigée lorsque le conducteur présentera une concentration l’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,8‰. Dès le 1er octobre prochain, l’automobiliste en infraction n’ira plus à l’hôpital se faire piquer mais au poste de police, où il devra souffler dans un éthylomètre.

Le nombre d’accidents de la route baisse en Suisse. D’après les statistiques de l’Office fédéral des routes (OFROU), en 2014, ils ont néanmoins entraîné la mort de 243 personnes et blessé grièvement 4043 autres. Dans un cas sur dix, les conducteurs fautifs étaient vraisemblablement sous l’emprise de l’alcool. Le fameux slogan, imaginé en 1984 pour une campagne de prévention française, proclamant «un verre, ça va, trois verres… bonjour les dégâts!» n’est pas une formule vaine. L’alcool se répand en effet rapidement dans l’organisme et, lorsqu’il atteint le cerveau, il modifie profondément les réactions et le comportement.

Une fois ingéré, l’alcool passe dans l’estomac puis dans les intestins et de là, il pénètre dans le sang. Il fait une première étape dans le foie où il est, en partie, transformé en une substance sans effet néfaste. Mais le reste est distribué par la circulation sanguine dans l’ensemble du corps – il est «résorbé», comme disent les spécialistes – et atteint l’une de ses cibles privilégiées, le système nerveux central. L’éthanol ingurgité met peu de temps pour arriver au cerveau, surtout si l’on est à jeun. Dans ce cas, «en une vingtaine de minutes, il n’y a plus rien dans le tractus digestif (l’ensemble des organes du système digestif, ndlr) et tout est passé dans le reste de l’organisme», précise Marc Augsburger, responsable de l’unité de toxicologie et médecine forensique au Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Ce qui lui fait dire «qu’il n’y a rien de pire que l’apéritif de 17 heures». La consommation de nourriture, tout particulièrement les matières grasses, ralentit en effet le processus. En revanche, les boissons alcoolisées chaudes, ou contenant du gaz carbonique (champagne et bière) ou sucrées l’accélèrent.

Le trajet de l’alcool dans l’organisme

Inégalité entre les sexes

A consommation égale, tous les individus n’auront toutefois pas la même alcoolémie, c’est-à-dire la même quantité d’alcool dans le sang. Cela dépend de leur corpulence, mais aussi de leur sexe – les femmes n’assimilent pas l’alcool de la même manière que les hommes et sont plus vulnérables à ses effets. D’ailleurs, note Marc Augsburger, «il existe une équation, dite «formule de Widmark», qui permet de prédire, en fonction du poids et du sexe, la concentration maximale dans le sang pour une dose consommée» et d’en calculer la diminution dans le temps. A titre d’exemple, un homme de 70 kilos qui boit un verre de vin (soit 10 grammes d’alcool) aura un pic de 0,2 gramme d’alcool par litre de sang (0,2‰), alors qu’il montera à 0,3‰ pour une femme de 55 kilos.

Les heures passant, l’alcool est peu à peu éliminé de l’organisme (de 0,1 à 0,2 gramme par litre de sang et par heure). Avec un taux de 0,5‰ (limite à partir de laquelle on ne peut plus prendre le volant), il faut donc cinq heures pour remettre le compteur à zéro. Et il est inutile de boire du café, prendre une douche froide ou sortir prendre l’air, car «il est impossible d’accélérer ce processus», souligne le spécialiste du CURML, dont le seul conseil pour diminuer la charge de l’alcool est «d’alterner un verre de vin et un verre d’eau».

La nouvelle loi de Visa sicura ne fait pas l’unanimité

Lorsqu’au cours d’un contrôle routier, un automobiliste est suspecté d’avoir trop bu, il doit souffler dans un éthylotest. Si son alcoolémie atteint ou dépasse 0,8‰, les policiers le conduisent à l’hôpital où il lui sera fait une prise de sang pour mesurer la quantité d’alcool contenue dans son sang.

A partir du 1er octobre, «le contrôle de l’air expiré remplacera la prise de sang», selon les termes de l’Office fédéral des routes (OFROU). Les conducteurs iront au poste de police pour souffler dans un éthylomètre, un appareil fiable qui a «la taille d’une ancienne machine à écrire», précise Guido Bielmann, porte-parole de l’OFROU. Selon lui, cette méthode «facilitera les contrôles. Les policiers n’auront plus à accompagner le conducteur à l’hôpital», ce qui désengorgera les établissements hospitaliers. Le test sera aussi plus rapide puisque «le résultat sera obtenu en quelques minutes», alors que les analyses de sang faites par les laboratoires agréés ne sont généralement transmises que deux ou trois jours plus tard. En outre, poursuit Guido Bielmann, l’automobiliste concerné «n’aura plus à subir une piqûre». S’il le souhaite, «il pourra toujours exiger une prise de sang. Mais comme aujourd’hui, celle-ci sera à sa charge» si l’infraction est avérée, et lui coûtera quelques centaines de francs.

Cependant, les prises de sang resteront nécessaires dans diverses circonstances, notamment «quand la personne contrôlée est blessée ou en état de choc, si elle a des problèmes respiratoires, lorsqu’elle est tellement alcoolisée qu’elle ne peut plus souffler dans l’éthylomètre ou lorsqu’on soupçonne une consommation de drogues ou de médicaments», souligne Marc Augsburger, du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Le toxicologue constate aussi que «le ratio entre la concentration de l’alcool dans le sang et dans l’air expiré évolue au cours du temps pour un individu et varie d’une personne à l’autre». Pour lui, cette nouvelle réglementation est donc «une fausse bonne idée» qui n’aboutira pas forcément à l’objectif visé: l’amélioration de la sécurité routière.

Du bien-être à la désinhibition

Si l’alcool est dangereux, c’est parce qu’il agit sur le cerveau où il «perturbe la propagation de l’influx nerveux et rend les neurones moins excitables», explique Marc Augsburger. Avec un verre ou deux, nous avons une sensation de relâchement et de bien-être, appréciée lors des soirées entre amis. Mais à mesure que l’on boit, l’éthanol diminue peu à peu la capacité de concentration, la coordination des mouvements et les réflexes, il restreint le champ visuel et affecte la perception des distances. Il désinhibe à tel point qu’il diminue la perception du danger, ce qui augmente la prise risques. Autant de facteurs qui modifient le comportement sur la route.

C’est pour cette raison que la loi a fixé à 0,5‰ la limite de la «conduite en état d’ébriété» et à 0,8‰ la «conduite avec alcoolémie qualifiée». Ces seuils sont «purement juridiques», constate le toxicologue, car il n’est scientifiquement pas possible de dire à partir de quel taux d’alcool dans le sang un individu donné est dans l’incapacité de conduire. Il reste que, statistiquement, «à 0,8‰, on a de quatre à six fois plus de risque d’avoir un accident que si l’on n’a pas bu».

A partir du 1er octobre, les automobilistes contrôlés sur la route et suspectés d’avoir trop bu devront souffler dans un éthylomètre, plutôt que de subir une prise de sang. Mais quelle que soit la méthode utilisée pour connaître l’état d’ébriété d’un conducteur, le constat est le même: prendre le volant quand on a bu reste dangereux.

Des seuils inchangés, mais un nouveau langage

Quand on mesure l’alcool dans l’air expiré, il faut multiplier le résultat par 2000 pour connaître sa concentration dans le sang. La nouvelle loi ne changera pas les seuils limites à partir desquels on sera en infraction, mais il faudra adopter un autre vocabulaire:

Non-respect de l’interdiction de consommer de l’alcool (notamment pour les nouveaux conducteurs ou les chauffeurs professionnels): on parlera de 0,05 mg/l pour l’air expiré, équivalent à 0,10‰ d’alcool dans le sang.

  • Conduite en état d’ébriété: le 0,5‰ actuel équivaudra à 0, 25 mg/l dans l’air expiré.
  • Conduite avec alcoolémie qualifiée: le 0,8‰ se traduira pour l’éthylomètre à 0,40 mg/l.
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