Faut-il avoir peur du virus Zika?
Le virus Zika est responsable d’une vaste épidémie à travers le monde. «Il touche aujourd’hui une soixantaine de pays, en particulier en Amérique du Sud où de plus en plus de régions sont concernées. Une situation qui reste difficile à évaluer, puisque la maladie reste largement asymptomatique dans la population générale», déclare le Pr Laurent Kaiser, chef du service des maladies infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), centre suisse de référence pour les virus émergents. A la veille des Jeux olympiques d’été de Rio, l’inquiétude demeure et la prudence s’impose, même si, de l’avis du spécialiste genevois, la grande vague semble être passée au Brésil.
Qui est Zika?
Zika appartient à la même famille (Flaviviridae) que les virus de la dengue et de la fièvre jaune. Comme les virus de la dengue et du chikungunya, il se transmet par piqûres de moustiques du genre Aedes, dont le fameux moustique tigre fait partie. Ce dernier évolue dans les régions urbaines, à proximité de l’homme. Il pond ses œufs en milieu humide, dans les eaux stagnantes, et pique surtout à l’aube et au crépuscule. Par son intermédiaire, le virus entre dans l’épiderme, puis dans le derme. Il se diviserait ensuite dans les cellules de la peau (fibroblastes, kératinocytes et cellules dendritiques) avant de se propager dans tout l’organisme via le sang. Le virus passe du moustique à l’homme et de l’homme au moustique. La transmission par voies sexuelles est clairement documentée, mais elle reste probablement un phénomène rare. Dans 80% des cas, l’infection de Zika passe inaperçue. Dans 20% des cas seulement, des symptômes tels qu’un état grippal avec fièvre et maux de tête, des éruptions cutanées ou des douleurs articulaires peuvent apparaître, deux à douze jours après la piqûre. La nature peu spécifique de ces symptômes –qui peuvent être confondus avec ceux de la dengue– rend difficile l’identification du virus. Des tests diagnostiques rapides ont été mis au point pour avoir une idée plus juste de sa présence. Microcéphalie chez les nouveau-nés Si Zika fait peur, c’est qu’il peut causer des malformations chez les fœtus de femmes contaminées durant leur grossesse, comme certains virus oubliés tels que la rubéole.
Un lien entre le virus et la microcéphalie est désormais avéré. La microcéphalie est une diminution de la taille du crâne liée à un trouble du développement du cerveau chez le fœtus, pouvant être responsable de morts fœtales, d’anomalies du développement et de handicaps psychomoteurs sérieux chez l’enfant. «Entre 1 et 28% des femmes infectées seraient concernées, selon le Pr Kaiser. Mais la microcéphalie n’est que le spectre extrême des complications possibles. Des complications plus subtiles (troubles oculaires ou du développement par exemple) existent. On ne sait donc pas encore très bien si ces estimations sont en dessus ou en dessous de la réalité. Mais une grossesse sur 100, c’est déjà beaucoup». Chez l’adulte, Zika peut, dans de rares cas, causer des complications neurologiques. Le syndrome de Guillain-Barré est une maladie auto-immune, réversible dans 75 à 85% des cas, qui se caractérise par une faiblesse, voire une paralysie des membres. C’est la seule complication à craindre chez l’adulte. Eviter les zones à risque Il n’y a pas de traitement spécifique pour guérir de l’infection de Zika. Pour prévenir une contamination, Laurent Kaiser conseille aux femmes enceintes et à celles ayant un projet d’enfant de ne pas se rendre dans les zones à risque. Le préservatif est conseillé si le partenaire revient d’une région à risque avec des symptômes ou ayant été infecté au cours des trois à six derniers mois.
BIENTÔT UN VACCIN?
L’intérêt pour le développement d’un vaccin contre Zika est relativement nouveau, la maladie ne provoquant la plupart du temps aucun symptôme. Mais on s’y intéresse de plus en plus aujourd’hui. Le but d’un tel vaccin serait de protéger contre les malformations fœtales dont le virus est responsable. Selon le Pr Kaiser, plusieurs équipes à travers le monde y travaillent. Dernièrement, les médias ont évoqué la publication d’une étude dans la revue Nature. Selon cette étude, deux vaccins seraient capables de protéger de l’infection par le virus Zika chez les souris. Pour le Pr Kaiser, «il est facile de démontrer qu’un vaccin produit des anticorps, mais il est plus difficile de prouver qu’il protège de la maladie dans la vie réelle. De plus, les techniques (avec de l’ADN) utilisées ici sont nouvelles et dures à mettre au point. On est encore loin d’avoir un vaccin dont l’efficacité est prouvée chez l’homme.»