Troubles de la vision: adapter l’habitat pour plus d’autonomie
La malvoyance, c’est quoi ?
L’Union européenne des aveugles propose une définition précise de la malvoyance, en considérant qu’une personne est malvoyante quand sa déficience visuelle, même après traitement ou correction, «entraîne une incapacité dans l’exécution d’une ou plusieurs des activités suivantes: lecture et écriture, appréhension de l’espace et déplacements, activités de la vie quotidienne, communication, poursuite d’une activité exigeant le maintien prolongé de l’attention visuelle.»
Ces aménagements, conçus par le service social, réadaptation et basse vision, sont présentés dans un appartement témoin du LivingLab, un ensemble de structures d’entraînement dédié à l’accessibilité. On y trouve des astuces concrètes transposables dans l’habitat. «Les bénéficiaires sont des personnes qui veulent améliorer ou récupérer leur autonomie, constate Marlyse Schmid, ergothérapeute spécialisée en basse vision. Par exemple, des patients et patientes avec une maladie évolutive qui peu à peu perdent la vue et n’osent plus faire certains gestes du quotidien.»
Face au déficit visuel, chaque personne réagit différemment. Tandis que certaines parviennent à poursuivre leurs activités, d’autres ressentent plus de difficultés et une importante fatigue oculaire, liée à l’effort engagé pour mobiliser le potentiel visuel. Dans ce cas, des adaptations sont proposées.
Un retour à l’autonomie gratifiant
La compliance des patient-es reste primordiale dans cet accompagnement. Le rôle des professionnel-les est alors de trouver des activités et des solutions significatives, adaptées au mode de vie de chacun-e. «Le bénéfice qu’ils en retirent est énorme. C’est très gratifiant pour eux d’avoir réussi à acquérir cette autonomie-là», poursuit Marlyse Schmid. Si la participation de la personne elle-même est importante, celle de ses proches l’est tout autant. Ces derniers ont en effet tendance – dans une volonté d’aider – à effectuer les tâches quotidiennes à la place de la personne malvoyante. Une attitude qui ne va pas dans le sens de l’acquisition de l’autonomie. «On aime recevoir les proches en consultation en même temps que le patient, explique l’ergothérapeute. Ils doivent comprendre l’importance de l’organisation du quotidien.»
Les grands principes de la réadaptation
Les aménagements s’articulent autour de différentes stratégies destinées à faciliter les activités de tous les jours. Ils sont simples à mettre en place et généralement peu coûteux.
Utiliser le grossissement
Cela permet d’améliorer la lisibilité des mots et des chiffres. Dans la cuisine, des étiquettes plus grosses sont par exemple apposées sur les épices pour éviter les inversions, des minuteurs agrandis permettent de mieux distinguer les chiffres, etc. Au salon, des livres avec de gros caractères ou des téléphones à grandes touches améliorent la lecture et la communication.
Jouer sur les contrastes
Augmenter les contrastes des objets et du mobilier permet de les rendre plus visibles. Ainsi, choisir meubles, marches, rampe d’escaliers ou encore lunette des toilettes de couleur vive aide à les distinguer et à éviter tout incident. Une couleur différente entre les murs et le sol facilite également l’orientation dans l’espace. Une vaisselle ou des objets de toilette colorés permettent aussi de mieux les repérer. «Ces adaptations ne sont pas spectaculaires mais peuvent vraiment changer le quotidien», souligne Marlyse Schmid.
Doser la lumière
Ajouter de la lumière améliore aussi les contrastes et donc la vision. «Les personnes malvoyantes ont un besoin en lumière deux à trois fois plus important que les autres, explique Marlyse Schmid. La quantité et l’orientation des sources lumineuses sont à personnaliser selon le moment de la journée, le degré de fatigue ou la tâche à effectuer.» Il faut par ailleurs réguler la lumière pour qu’elle ne devienne pas gênante et gérer sa « température » (lumière froide ou chaude). Des luminaires sur pied ou en suspension pour guider les déplacements ou encore des bandes lumineuses dans les placards sont autant d’aménagements utiles présentés dans le LivingLab. Côté meubles, ceux avec des surfaces réfléchissantes sont à éviter car ils peuvent être éblouissants. Côté peinture, un plafond et des murs clairs permettent de mieux distribuer la lumière dans la pièce.
S’organiser
Pour optimiser leur temps mais aussi assurer leur sécurité, les personnes malvoyantes gagnent à être strictes dans le rangement des objets usuels. Classer ses vêtements par couleur et par type pour mieux les assortir, ranger ses clés toujours au même endroit, utiliser des contenants de formes différentes pour les produits de nettoyage ou de la salle de bains… Ces repères visuels et tactiles rigoureux ainsi que l’anticipation des situations à risque participent à une plus grande autonomie. «On enseigne à nos patients ces nouvelles façons de faire, explique Marlyse Schmid. Le but est qu’ils puissent continuer leurs activités quotidiennes, mais il faut pour cela apprendre à les faire autrement.»
Sécuriser les déplacements
Tous ces aménagements, au-delà de maintenir l’autonomie, sont également déployés dans l’idée de sécuriser le quotidien des personnes malvoyantes. Le risque de chutes, de brûlures, de blessures ou d’accidents de la circulation est augmenté chez elles. Conjointement au LivingLab, une salle de locomotion propose de s’entraîner aux déplacements urbains. Des instructrices et instructeurs en locomotion du service social, réadaptation et basse vision les accompagnent pour apprendre à utiliser une canne longue et se représenter mentalement l’espace afin de mieux se diriger.
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Article repris du site BienVu!