«Quand on perd un sens, on développe d’autres facultés»

Dernière mise à jour 02/12/21 | Questions/Réponses
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À 23 ans, Thimeth Thanabalasingam fait déjà preuve d’une intense détermination. Atteint d’une dystrophie rétinienne génétique qui l’a rendu malvoyant dès la naissance, il poursuit ses études en Master de droit à l’Université de Fribourg.

        

Qu’y a-t-il de différent lorsqu’on est étudiant malvoyant?

Thimeth Thanabalasingam : Il y a énormément de challenges, d’obstacles à franchir. Tout ce qui est visuel, comme des explications au tableau, ne nous est pas accessible. Pour égaler les autres élèves, il faut travailler deux fois plus. Il existe heureusement de plus en plus d’outils, notamment informatiques. Chacun fait avec ses spécificités mais on peut déplacer des montagnes si on s’en donne les moyens.

Où puisez-vous cette détermination?

L’Université de Fribourg m’a toujours mis dans de bonnes conditions pour réussir, que ce soient les professeurs, l’administration, les autres étudiants. J’ai aussi le soutien de mes parents et de mes deux frères, dont je dis souvent que l’un est mon œil gauche, l’autre mon œil droit! Et la foi chrétienne m’aide aussi beaucoup, elle me porte au quotidien. Cet environnement est primordial pour ma réussite.

Pourquoi avoir choisi le domaine du droit?

Mon rêve est de devenir juge. Je veux aider les gens à porter leur fardeau, leur trouver des solutions. Le droit me fascine. C’est un ensemble de règles essentielles au bon fonctionnement de la société et qui apportent une liberté individuelle fondamentale. Pensez-vous que sans la vue, d’autres de vos sens sont plus aiguisés? Le corps humain a été créé de telle façon que lorsqu’on perd un sens, notre instinct de survie nous pousse à développer d’autres facultés. Dans mon cas, c’est surtout l’ouïe.

Parvenez-vous à capter par l’ouïe des attitudes révélatrices?

Oui, car le droit, c’est aussi de la psychologie. Durant un stage, j’ai assisté à une audience où j’ai pu percevoir la nervosité d’un prévenu, par les tremblements de sa voix, ses intonations, sa respiration. Mais ce ne sont pas des éléments qui doivent orienter un jugement. Pour exercer le droit, le seul sens dont nous avons besoin est celui de la justice. L’idée est de réussir à ramener la sérénité en utilisant, dans la légalité et l’égalité, les moyens à disposition.

L’apparence d’un individu peut influencer l’avis que l’on s’en fait, a fortiori dans le domaine judiciaire…

Notre société fonctionne beaucoup par le regard. On a tendance à juger les gens très rapidement sur leur apparence. Ce n’est pas le but des juges, qui ont un certain pouvoir et doivent se baser sur les faits et les circonstances, quelle que soit l’apparence ou la couleur de peau de l’individu face à eux.

Dans un domaine comme le vôtre, comment pourrait-on favoriser encore davantage l’insertion des personnes malvoyantes?

En Suisse, le principe d’insertion est très développé par rapport à d’autres pays, du moins dans tous les domaines où cela est possible. Des magistrats, des avocats non-voyants exercent déjà et c’est un message d’espoir pour les gens comme moi et les générations futures. Il est important que tous les étudiants, quelle que soit leur différence, puissent avoir accès aux études supérieures. Il faut leur donner la chance de pouvoir faire des stages, d’atteindre des postes prestigieux à la tête du pays… Cette inclusion sera forcément bénéfique pour notre société.

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Article repris du site  BienVu!

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