«Mon métier, c’est rendre le cinéma accessible à tous»
Le quadragénaire ouvre avec un large sourire la porte des bureaux lausannois de Base-Court, l’association pour la promotion du court-métrage, avant de prendre place à la grande table de la salle de réunion. «Après mon master de cinéma à Lyon, j’ai fait un stage dans un festival de films à Genève, puis j’ai pu gravir les échelons. Mon métier, c’est rendre le cinéma visible et accessible à tous», raconte ce passionné du septième art. Dénicher des courts-métrages, les promouvoir, les programmer lors de manifestations font partie des tâches de Bruno Quiblier au sein de Base-Court, alors que rendre «visibles» les longs métrages suisses et internationaux aux personnes souffrant de déficit visuel, via l’audiodescription et les sous-titres, sont celles qu’il effectue sous la houlette du projet Regards Neufs.
Arrivé à la direction de Base-Court en 2010, alors que son prédécesseur venait de lancer ce projet inclusif, Bruno Quiblier a dû tout mettre en place. «Il a fallu créer une formation d’audiodescription, trouver une solution technologique pour que les films adaptés soient projetés dans les cinémas, organiser les projections avec les personnes malvoyantes, etc.» Depuis 2015, une vingtaine de longs métrages suisses ont ainsi été audiodécrits par la petite équipe menée par Bruno Quiblier.
Travail long et minutieux
Mais audiodécrire, ça consiste en quoi? «L’audiodescription fournit des éléments visuels utiles à la compréhension du film. Il ne faut pas empiéter sur les dialogues, ni dévoiler des choses qui pourraient nuire à l’œuvre ou dévoiler l’intrigue. Il s’agit de rester le plus factuel possible.» Et Bruno Quiblier d’expliquer: «Sur un long métrage, il y a toujours deux audiodescripteurs qui se partagent le travail. Une fois leur mission de rédaction accomplie, le résultat est soumis à un pôle de trois personnes malvoyantes pour s’assurer que le film est bien compréhensible.» Ce travail long et minutieux ouvre ainsi les salles de cinéma à un public qui ne s’y rendait pas, faute de pouvoir comprendre le film à l’affiche.
Depuis 2016, Bruno Quiblier n’a plus besoin d’organiser des projections spécifiques pour les malvoyants. En effet, grâce à l’application allemande Greta, gratuite pour ses utilisateurs, les cinéphiles peuvent se rendre à n’importe quelle séance dans n’importe quelle salle obscure. «Il leur suffit de télécharger le fichier audio du long métrage choisi et de lancer l’application en début de séance, explique Bruno Quiblier. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Quand j’ai commencé, il fallait équiper les cinémas avec un système audio particulier et c’était technologiquement compliqué. Il y avait des séances spéciales pour les malvoyants que j’organisais les dimanches matin.»
Parmi les futurs projets de Bruno Quiblier, il y a une collaboration avec le festival «Visions du réel» en avril prochain, mais aussi l’installation d’une borne cinéma à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin qui proposera chaque mois deux courts métrages audiodécrits aux patients et patientes et à leur famille, ainsi que la création d’une plateforme de diffusion de grands classiques du cinéma suisse adaptés pour les personnes malvoyantes et malentendantes. Et le quadragénaire de conclure: «J’aime faire plaisir, j’aime le cinéma et je suis heureux de pouvoir partager ma passion avec des personnes qui n’avaient pas accès aux films en raison de leur handicap.»
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Article repris du site BienVu!