Pour une meilleure santé osseuse, montez la température!

Dernière mise à jour 28/06/21 | Article
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Avec le vieillissement de la population, l’ostéoporose touche de plus en plus de monde. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) expliquent comment la chaleur et le microbiote pourraient lutter contre cette maladie chronique de la densité osseuse.

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Le nombre annuel de fractures liées à l’ostéoporose en Suisse.

Une femme sur deux et un homme sur quatre. L’ostéoporose, cette maladie qui rend nos os moins solides et plus vulnérables aux fractures, ne cesse de gagner en importance dans la population. Bonne nouvelle toutefois: dans une étude parue en septembre dernier dans Cell Metabolism, le Pr Mirko Trajkovski et son équipe ont montré, chez la souris, que la chaleur avait une influence sur le métabolisme osseux et donc sur l’ostéoporose. «En plaçant des souris adultes à une température de 34°C, nous avons constaté qu’elles avaient des os plus solides», explique le professeur du Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de l’UNIGE. Les chercheurs ont ensuite essayé de confirmer cette découverte chez les humains. «Nous avons identifié une corrélation inverse évidente entre la latitude géographique et les fractures de la hanche, ce qui signifie que dans les pays du nord, l’incidence [nombre de nouveaux cas d’une maladie à un moment donné, ndlr] est plus élevée que dans le sud, plus chaud », détaille Mirko Trajkovski.

Une découverte qui confirme ce que l’on savait déjà, à savoir qu’il existe un gradient Nord-Sud dans l’ostéoporose. Mais l’équipe du Pr Trajkovski est allée plus loin. Elle a exclu de la corrélation observée les autres éléments connus pour protéger les os que sont le calcium et la vitamine D (lire encadré). Même si ces éléments jouent aussi un rôle, la recherche genevoise a identifié un facteur clé du processus: la chaleur.

Rôle du microbiote intestinal

Le romosozumab pour lutter contre les formes sévères de l’ostéoporose

La chaleur, comme le mode de vie, fera peut-être bientôt partie des modes de prévention de l’ostéoporose. Mais pour lutter contre une maladie déjà installée, il est probable que le recours à des traitements plus puissants restera nécessaire. Dans ce domaine aussi, la science progresse. «Un nouveau médicament biologique prometteur, réservé aux patients ostéoporotiques sévères, le romosozumab, va arriver en Suisse, annonce le Pr Serge Ferrari, médecin-chef du Service des maladies osseuses des Hôpitaux universitaires de Genève. Ce traitement est un fusil à deux coups qui stimule fortement la formation de l’os tout en bloquant les cellules qui le résorbent. Une véritable innovation dont les effets bénéfiques sur l’os et donc sur la réduction des fractures dépasse tout ce que nous avons eu jusqu’à présent.»

Mais par quel mécanisme la chaleur agit-elle? Les chercheurs ont montré que le microbiote (les milliards de microorganismes qui peuplent notre intestin) est en cause. Lors de l’étude, lorsque la souris était exposée à la chaleur, un changement de population bactérienne s’opérait dans son intestin. Plus précisément, cette nouvelle population permettait une production accrue de molécules appelées polyamines. Or, celles-ci augmentent l’activité des ostéoblastes (les cellules qui construisent les os) et réduisent le nombre des ostéoclastes (les cellules qui dégradent les os). «Avec l’âge et l’apparition de la ménopause chez la femme, le délicat équilibre entre ostéoblastes et ostéoclastes est perturbé, ce qui entraîne la fragilisation des os, remarque Claire Chevalier, première auteure de l’étude. En agissant sur les polyamines, qui sont partiellement régulées par le microbiote, la chaleur peut maintenir l’équilibre entre ces deux groupes cellulaires.»

Des probiotiques pour l’os

La découverte de ces souches de microorganismes impliqués dans le métabolisme osseux ouvre la voie à des traitements d’un nouveau genre. «Ce qui se dessine, commente le Pr Serge Ferrari, médecin-chef du Service des maladies osseuses des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), est de pouvoir donner, à des personnes dont la composition microbienne n’est pas optimale pour l’os, des probiotiques, des cocktails de bactéries contenant les microorganismes identifiés dans l’étude, avec l’espoir qu’ils permettent d’optimiser le fonctionnement intestinal pour une meilleure santé osseuse.» Plus besoin en somme d’amener un Suédois en Sicile: les bienfaits de la chaleur et du Sud se retrouveraient, via ces bactéries, directement dans les intestins du Nord. Voilà pour le concept.

Un nouveau moyen de prévention

Mais, si l’approche renforce encore l’idée de liens entre microbiote et santé osseuse, il est peu probable qu’elle suffise à révolutionner la prise en charge de la maladie. Autrement dit: pas de pilule miracle à l’horizon. «Pour lutter contre l’ostéoporose, il faut avant toute chose avoir un mode de vie sain», précise Serge Ferrari. Faire du sport, ne pas fumer et manger équilibré notamment. «Le problème, note le professeur genevois, est que même avec la meilleure hygiène de vie du monde, certaines personnes sont tout de même atteintes par l’ostéoporose.» Principalement les femmes de plus de 50 ans ménopausées, car les œstrogènes, les hormones sexuelles féminines, ne sont plus produites après la ménopause. Or, elles sont la principale protection contre l’ostéoporose. 

Les hommes sont mieux protégés, parce qu’ils ont un capital osseux plus important et sécrètent de la testostérone de manière plus constante. Mais ils sont toutefois aussi concernés par la maladie. On estime qu’en vieillissant, 20% d’entre eux en seront affectés. Dans ce contexte, la chaleur, et peut-être demain des probiotiques, pourraient, en plus du mode de vie, représenter un facteur de protection. «Les probiotiques feront probablement partie de l’arsenal de prévention à notre disposition, conclut le Pr Ferrari. Mais ils ne mettront pas fin à la maladie. Si celle-ci est installée, il faudra toujours avoir recours à des traitements biologiques moins naturels (lire encadré), comme ceux qui arrivent maintenant sur le marché.»

Vitamine D, le deuxième avantage controversé du sud

Dans l’ostéoporose, il existe un gradient Nord-Sud. Pour expliquer ce phénomène, trois facteurs sont mis en avant: la génétique, la nutrition et l’environnement. «Notre groupe avait déjà montré, dès les années 90, le rôle majeur de nos gènes et leur interaction avec la nutrition sur le risque d’ostéoporose, indique le Pr Serge Ferrari, médecin-chef du Service des maladies osseuses des Hôpitaux universitaires de Genève. On peut à présent y ajouter le rôle de la température, qui va aussi influencer la composition des bactéries dans notre intestin et ainsi la santé osseuse. De nombreux facteurs sont donc en jeu pour expliquer ce gradient Nord-Sud. » Mais, en matière de santé osseuse, les avantages de vivre au Sud ne s’arrêtent pas là. Les rayons UVB du soleil, qu’on suppose plus présents dans les pays chauds, produisent également de la vitamine D. Or, cette dernière permet d’absorber le calcium, un élément crucial dans la solidité osseuse.

Cette corrélation a poussé de nombreux praticiens à donner de la vitamine D à toute la population pour lutter contre l’ostéoporose. Une fausse bonne idée pour le Pr Ferrari. «En fait, si vous donnez des suppléments de vitamine D à toute la population, vous aurez un bénéfice quasiment nul.» Par contre, pour le spécialiste genevois, supplémenter des personnes dont on sait qu’elles ont des carences est nécessaire. «Quand le vase déborde déjà, cela ne sert à rien, image Serge Ferrari. Mais chez les personnes âgées et fragiles, qui ont des carences importantes, donner de la vitamine D est utile pour réduire le risque de fractures.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 27/06/2021.

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