«Ma maladie de Crohn m’a permis de trouver du sens»
Je sortais d’une longue période de remise en question. Je me demandais qui j’étais en dehors de mon travail, de ma famille, de mon compagnon et ce que je voulais faire de ma vie: avoir des enfants, me marier? A la suite de ce long processus, j’ai vécu une rupture affective, suivie d’une rupture professionnelle. Durant cette période, je mangeais mal. J’ai très mal digéré d’avoir mis fin à ma première relation amoureuse et j’ai beaucoup culpabilisé. Je me bouffais de l’intérieur. Parallèlement, j’ai eu des gastro-entérites à répétition. J’étais dans un état que je n’avais jamais connu auparavant: je perdais beaucoup de sang et j’avais beaucoup maigri. Ces symptômes m’ont poussée à faire des investigations. J’avais 26 ans. C’est là que mon médecin m’a diagnostiqué la maladie de Crohn. La prise de conscience a été partielle. A vrai dire, je n’ai pas perçu la gravité de cette annonce. Ensuite, mon stress a diminué, et mon corps allait mieux. Je n’ai pas vu de spécialiste et je n’ai pas pris le moindre médicament. Je pensais pouvoir contrôler la situation. Je suis repartie à fond, toujours avec le désir d’être parfaite autant dans ma vie privée que dans mon job.
Il s’est écoulé huit ans entre cette première crise et la deuxième, qui m’a menée aux urgences à cause de violentes douleurs abdominales. Cette hospitalisation ne m’a pas non plus conduite à modifier mon mode de vie. J’occupais alors un poste à responsabilité et j’ai continué à me donner à 200%. Tant que je n’avais pas de grosses poussées, au jour le jour, je pensais peu à ma maladie.
«Ma maladie, un révélateur percutant»
Mais après trois ans de rémission, j’ai fait une troisième crise. C’était en 2009. J’étais au sommet de ma carrière professionnelle. Ma maladie a joué le rôle d’un révélateur percutant. Je souffrais de symptômes inflammatoires, de fièvre, d’angines, de crampes terribles, accompagnées de pertes de sang, d’une grosse fatigue, d’une tendance à être déprimée, à me sentir coupable de mes échecs. C’est à ce moment que j’ai rencontré le Pr Michetti, un grand spécialiste de la maladie de Crohn. J’étais émotionnellement perdue, je m’en voulais de ce qui m’arrivait et je vivais un profond sentiment de solitude. Il m’a rassurée en m’expliquant ce qu’était la maladie, que le stress était un facteur déclencheur, que mon corps avait des prédispositions et que je n’étais pas responsable de ce qui m’arrivait. Le Pr Michetti m’a beaucoup touchée dans son humanité. Il m’a aidée à guérir la crise inflammatoire. Nous avons essayé plusieurs traitements dont le méthotrexate et des injections d’un immunomodulateur visant à allonger les périodes de rémission.
«Mon corps finissait par en payer le prix»
A côté de cela, j’ai rencontré beaucoup de thérapeutes, des kinésiologues, des ostéopathes, des sophrologues, des psychologues qui, chacun à leur manière, m’ont aidée à comprendre ce que je vivais, à mettre fin aux comportements négatifs sur ma maladie et à évoluer. Pour moi, ce nouvel épisode était le signe que je devais couper avec un schéma de fonctionnement qui consistait à reconnaître ma valeur personnelle en fonction de mes responsabilités. Je me suis rendue compte qu’en persistant dans des situations qui ne me convenaient pas, mon corps finissait par en payer le prix…
Une forme en dents de scie
Au quotidien, ma santé évolue en dents de scie. Je peux aller très bien, puis, dans la même journée, ça peut partir en vrille. Des migraines, de la fatigue, des douleurs, des difficultés à digérer, je ne peux plus rien manger, je dois aller aux toilettes, etc. Avec la maladie de Crohn, beaucoup de saletés peuvent se développer, ça peut sortir partout: herpès, angines, problèmes dans les yeux, douleurs articulaires, infections diverses, etc. Je vis une sorte de sursis permanent: je ne sais jamais où et quand mon corps va lâcher. Dès lors, je peux difficilement planifier des choses au niveau privé ou social. Je ne veux pas passer pour une petite nature, alors j’essaie d’expliquer le mieux possible ma maladie à mon entourage. Mes proches savent que je ne joue pas la comédie. Vis-à-vis de mes employeurs, j’ai toujours été très transparente. Si la maladie est handicapante, étrangement, elle n’a jamais eu de grandes retombées sur l’accomplissement de mon travail. En revanche, j’ai renoncé à endosser de trop grandes responsabilités pour préserver ma santé.
«Je me suis beaucoup investie pour me soigner»
Je crois beaucoup au pouvoir des plantes, aux huiles essentielles, à la gemmothérapie (soins avec les extractions de bourgeons) notamment, pour prévenir les inflammations. Mon médecin fait preuve de bienveillance à l’égard de mes différentes tentatives, mais n’y croit pas. Il n’est pas persuadé non plus de l’explication psychologique de mes troubles.
Aujourd’hui, j’évite les excès en tout genre. Je suis très attachée à trouver du sens à ce que je vis. J’essaie de revenir à une vie plus simple, d’être en lien avec la nature et avec moi-même, en lâchant ce qui est superficiel. Depuis quelques années aussi, à la suite d’une émission sur les maladies auto-immunes à laquelle j’ai participé, j’ai modifié mon alimentation. Désormais, je mange peu de viande, je privilégie les aliments cuits, plus digestes, et je prépare beaucoup de plats asiatiques. J’ai éliminé le sucre de mon alimentation qui représente selon moi un poison, j’ai renoncé également au gluten et je me méfie du lactose.
Cette recherche d’équilibre est capitale pour bien vivre avec ma maladie chronique. Les poussées ont laissé des traces. L’an dernier, je me suis faite opérer suite aux réitérations de mon médecin. On m’a enlevé un bout de l’intestin grêle pour éviter des complications telles qu’une occlusion intestinale par exemple. Je fais des contrôles réguliers et je poursuis mon chemin, pour le moment, sans médicaments.
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