Grossesse et Covid, quels droits pour l’employée enceinte?

Dernière mise à jour 09/03/21 | Article
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Des études récentes ont amené les spécialistes en gynécologie et obstétrique en Suisse à considérer les femmes enceintes comme faisant partie des personnes vulnérables au Covid-19. L’employeur doit-il mettre en place des mesures particulières pour les protéger? Éléments de réponse.

Règles générales de protection des employés

L’art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur le travail (LTr) prévoit que l’employeur doit protéger la santé du travailleur en mettant en place toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise. Ce principe est repris à l’art. 328 al. 2 du Code des obligations (CO), qui précise que ceci est valable dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement d’exiger de telles mesures de l’employeur.

Règles spéciales pour les femmes enceintes

Les femmes enceintes bénéficient, en plus des règles générales susmentionnées, d’une protection particulière. L’art. 35 al. 1 LTr, par exemple, prescrit que l’employeur doit occuper les femmes enceintes de telle sorte que leur santé et celle de l’enfant ne soient pas compromises, et aménager leurs conditions de travail en conséquence. Sur simple avis, les femmes enceintes peuvent se dispenser d’aller au travail ou le quitter (art. 35a al. 2 LTr).

Par ailleurs, l’ordonnance sur la protection de la maternité (OProMa) décrit les critères d’évaluation des activités dangereuses et pénibles ainsi que les substances, les micro-organismes et les activités présentant un potentiel de risque élevé pour la santé de la mère et de l’enfant. Le médecin de la travailleuse enceinte établit un certificat médical relatif à l’aptitude de cette dernière à travailler, compte tenu notamment de l’entretien avec la travailleuse, de l’examen clinique et du résultat de l’analyse de risques réalisée pour l’entreprise (art. 2 et 3 OProMa).

L’ordonnance prévoit qu’il y a présomption de danger pour la mère et l’enfant dans les cas d’exposition à des micro-organismes qui sont listés dans l’annexe 2.1 de l’ordonnance sur la protection des travailleurs contre les risques liés aux micro-organismes (OPTM). Force est de constater que le Covid-19, en tant que souche particulière de coronavirus, ne fait pas partie des micro-organismes en question dans la liste ad hoc édictée par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Ordonnance Covid-19 (état au 13 janvier 2021)

Au vu de la situation sanitaire liée à l’épidémie actuelle, le Conseil fédéral a promulgué l’ordonnance Covid-19 «situation particulière» du 19 juin 2020, qui fait, depuis lors, l’objet de modifications en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. L’art. 10 al. 1 de l’ordonnance prévoit que l’employeur garantit que les employés puissent respecter les recommandations de l’OFSP en matière d’hygiène et de distances. Sauf exceptions, dans les espaces clos, y compris les véhicules, où se tient plus d’une personne, tous doivent porter un masque facial (art. 10 al. 1bis). L’employeur prend d’autres mesures en vertu du principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel), notamment la mise en place de séparations physiques, la séparation des équipes ou le port d’un masque facial dans les espaces extérieurs et les véhicules (art. 10 al. 2). Force est de constater qu’en l’état actuel de l’ordonnance, il n’a pas été prévu de mesures particulières en ce qui concerne la protection des travailleuses enceintes.

Discussion

Il ressort de ce qui précède que la travailleuse enceinte ne bénéficie pas – en l’état actuel du droit – de dispositions légales particulières lui accordant une protection accrue en lien avec le risque d’infection à Covid-19. L’employeur est donc légalement tenu de prendre – en ce qui la concerne et en lien avec le risque d’infection à ce virus – les mêmes mesures de protection que pour les autres travailleurs.

Si ces mesures de protection sont mises en place, il est admis que la probabilité d’exposition au Covid-19 est d’ailleurs fortement réduite, ce qui satisfait a priori à la condition légale des mesures dont l’expérience a démontré la nécessité. Bien entendu, si l’expérience devait déterminer à l’avenir que certaines mesures apportent une protection particulière pour la femme enceinte, il conviendrait pour l’employeur de les appliquer, et ce dans la mesure de ce qui pourrait être équitablement exigé de lui. Il n’est en tout état pas exigé de l’employeur qu’il applique le «principe de précaution». Cela n’empêche pas d’examiner chaque situation au regard des circonstances particulières et, au besoin, de mettre en place d’un commun accord des aménagements des conditions de travail.

Responsabilité de l’employeur

Lorsque l’employeur ne prend pas les mesures de protection nécessaires en application des dispositions légales en cause, l’employé peut – après une mise en demeure – suspendre momentanément son activité tout en conservant son droit au salaire (cf. art. 324 CO). En tout état, le non-respect de ces dispositions peut engager la responsabilité de l’employeur qui peut – si par ailleurs les conditions de la responsabilité contractuelle ou délictuelle sont remplies – se voir tenu d’indemniser le dommage qui en découle pour le travailleur.

Quid si un certificat médical est présenté à l’employeur?

Qu’en serait-il si, par hypothèse, la travailleuse enceinte obtenait de son médecin un certificat médical d’arrêt de travail en lien avec le «risque» de Covid-19? Dans une telle situation, l’employeur serait en principe légitimé à refuser de le considérer comme valable. En effet, le «risque» de contracter le Covid-19 n’est pas une maladie ou une cause d’inaptitude à travailler pour la femme enceinte. Ainsi, si la travailleuse ne fournit pas sa prestation de travail, l’employeur pourrait refuser de verser le salaire. Ceci étant, le certificat d’arrêt de travail ne mentionne en principe pas la cause exacte de l’incapacité, ce pour des raisons liées au respect du secret médical.

Il est donc tout à fait possible que l’employeur ne connaisse pas la raison de l’arrêt de travail et ne soit dès lors pas en mesure de mettre en doute la portée du certificat médical. La situation serait traitée comme toute incapacité de travail attestée par certificat médical avec la conséquence que l’employeur – respectivement l’assurance perte de gain – paieront le salaire en cas d’incapacité de travail, et ce alors qu’il n’y a pas réellement d’incapacité de travail.

On le voit, la situation peut s’avérer problématique. La solution la plus conforme au cadre légal serait en définitive qu’en cas de souhait de la femme enceinte d’éviter tout risque de contamination au Covid-19 en lien avec son emploi, elle fasse valoir la possibilité réservée par l’art. 35a al. 2 LTr qui lui permet – sur simple déclaration – de cesser son travail, sans pour autant que cela constitue une démission. Dans une telle situation, elle ne recevrait toutefois pas de salaire, ce qui est évidemment le revers de la médaille.

 _______________

 Paru dans Planète Santé magazine N° 40 – Mars 2021

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