La maigreur aggrave les maladies
Dans une société où la maigreur est érigée en symbole de beauté et de réussite, il est difficile de réaliser à quel point elle peut être nuisible pour la santé. Et pourtant, les personnes dont l’indice de masse corporel est inférieur à 18,5 sont susceptibles de souffrir de différents maux et carences. «Même chez les sujets génétiquement prédisposés à être maigres, la maigreur n’est pas totalement bénigne, explique Andrea Trombetti, médecin adjoint du Service des maladies osseuses des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Le poids stimule les os et les rend plus forts face aux contraintes, alors qui dit faible poids, dit masse osseuse diminuée et fragile.» L’ostéoporose guette donc les silhouettes frêles, même celles qui mangent correctement.
Et lorsque la perte de poids rime avec dénutrition, les conséquences pour la santé peuvent être graves. «Les personnes qui souffrent d’une maladie chronique ont parfois de la difficulté à s’alimenter correctement. Cela peut être dû à un manque d’appétit lié à un traitement qui procure des nausées ou des vomissements, mais aussi à la maladie elle-même si elle touche des organes comme l’intestin ou la sphère ORL, explique Pauline Coti Bertrand, médecin associé au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Dans certains de nos services, les personnes dénutries représentent 20% de la patientèle, mais cela peut aller jusqu’à 50%.»
La fonte musculaire
«La dénutrition est un véritable problème que nous prenons très au sérieux au CHUV, poursuit la spécialiste, car elle entraîne notamment une perte de masse musculaire. Celle-là même qui permet le bon fonctionnement des organes. En résultent des problèmes d’immunité et de cicatrisation. Quant à la perte de masse grasse, elle rend le maintien de la température corporelle difficile. Les patients se refroidissent et brûlent davantage de calories pour maintenir leur température, ce qui les fait maigrir encore plus.»
Le cercle vicieux n’est pas loin. Moins de muscle, donc plus de risques de chutes. Plus grande fragilité osseuse, donc davantage de fractures, notamment celles du col du fémur courantes chez les personnes âgées. «La dénutrition aggrave tout, affirme Andrea Trombetti. Elle allonge la durée des séjours hospitaliers et induit une surmortalité.» D’ailleurs, elle est mauvaise également pour les personnes rondes! «Certaines personnes en surpoids espèrent profiter de leur séjour hospitalier pour perdre quelques rondeurs, explique Pauline Coti Bertrand. Mais lorsqu’on est malade, on va perdre la masse musculaire avec les conséquences déjà décrites. Bien que ces patients ne semblent pas dénutris, il faut veiller à ce qu’ils mangent suffisamment.»
A l’hôpital, les soignants se renseignent sur le poids du patient avant sa maladie afin de réaliser si la perte de poids est importante ou pas. Inutile de se référer au poids de la consultation précédente qui peut déjà être bien en dessous du poids habituel.
Maladie et métabolisme
Parfois manger correctement ne suffit pas, car certaines maladies augmentent le métabolisme. «Toutes les insuffisances d’organes (cœur, poumons, reins) élèvent les besoins énergétiques. Les patients affirment s’alimenter comme d’habitude, mais cela ne suffit pas, précise Pauline Coti Bertrand. L’âge entraîne aussi un rendement métabolique moins bon. Il faut donc augmenter légèrement les apports nutritionnels en vieillissant alors même que l’appétit a tendance à baisser.» La spécialiste va jusqu’à préconiser aux personnes minces de mettre de côté quelques kilos avant la septantaine afin d’avoir une petite réserve en cas de maladie. «Quand on est jeune et que l’on est maigre, on a peu de risques d’avoir une maladie grave, précise-t-elle. Mais quand on est âgé, être mince, c’est se mettre dans une situation d’extrême fragilité. Sans ces quelques kilos de réserve, même une grippe de trois jours peut déjà amener à la dénutrition.»
Une hyperthyroïdie peut aussi être en cause dans la maigreur, mais seul un faible pourcentage de la population en souffre. «Lorsque la glande thyroïde travaille trop, les organes fonctionnent à très fort régime, explique Andrea Trombetti. Tout ce qui est absorbé est consommé. L’organisme va donc rapidement puiser dans ses stocks. Les muscles et les os sont attaqués. L’atrophie musculaire et l’ostéoporose ne sont pas loin. Seuls des médicaments permettent de diminuer la production hormonale de la thyroïde et normaliser le poids.»
En conclusion, quelle que soit la raison d’une maigreur importante, elle doit être prise en considération dès qu’une maladie, même bénigne, survient.