Dis-moi comment tu brûles tes calories…

Dernière mise à jour 09/12/21 | Article
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Calories absorbées, calories dépensées: est-il vraiment possible de trouver l'équilibre parfait et de le conserver sur le long terme? Une étude montre que notre métabolisme change radicalement à certains âges.

C’est une investigation sans précédent: les dépenses énergétiques de 6'421 personnes, âgées de 8 jours à 95 ans, ont été passées au crible. Parue dans la revue Science, l’étude* américaine révèle d’abord un fait majeur: notre métabolisme passe par quatre phases distinctes. Ainsi, à la naissance, le nouveau-né présente, en proportion, le même métabolisme que celui d’un adulte. Les dépenses énergétiques du tout jeune enfant augmentent ensuite considérablement pour présenter un pic à la fin de la première année de vie, avant de diminuer jusqu’à l’âge de 20 ans en moyenne. Contre toute attente, le métabolisme se stabilise alors jusqu’à 60 ans. Puis arrive la quatrième phase, marquée par une baisse physiologique des dépenses, et donc des besoins, énergétiques. «Ces résultats montrent de façon implacable que le métabolisme se transforme de lui-même à certains moments de la vie», note Maaike Kruseman, diététicienne consultante et auteure de Changer de poids, c’est changer de vie**. Et de rappeler: «Contrairement à une idée répandue, la plus grande part de nos dépenses énergétiques ne relève pas de notre activité physique – qui ne compte que pour 20 % en moyenne – mais de notre métabolisme basal, autrement dit de l’énergie dont nous avons besoin pour assurer l’ensemble des processus physiologiques de notre corps, comme la respiration ou la digestion.»

Saluée par son ampleur et la précision de la technique utilisée – l’eau doublement marquée (lire encadré) –, l’étude ne s’arrête pas là: «Elle démontre également l’existence d’une grande variabilité individuelle, poursuit l’experte. Ainsi, pour une période de la vie donnée, nous ne sommes pas égaux en termes de dépenses énergétiques.» Et tout ne s’explique pas par une différence homme-femme. «Certes, les hommes "brûlent" généralement davantage de calories que les femmes, mais ces travaux confirment que le facteur déterminant est moins le sexe de la personne que sa composition corporelle et en particulier sa masse maigre», souligne Maaike Kruseman. Pour rappel, la masse maigre correspond au vaste ensemble incluant os, peau, organes, liquides corporels et muscles. Et l’étude l’atteste: plus elle est importante, plus le métabolisme de base est élevé, autrement dit, plus nous brûlons de calories au repos.

Le microbiote: un allié de poids

Composé de milliards de bactéries, levures ou encore champignons, le microbiote intestinal dévoile un champ d’action semblant illimité. Impliqué dans la digestion, le système immunitaire, la santé mentale, il agit aussi sur le poids lui-même. « Tout porte à croire que certaines bactéries ont une influence sur les dépenses énergétiques », indique le Pr Zoltan Pataky, responsable de la Consultation d’obésité aux HUG. Deux « équipes » de bactéries s’affronteraient, les unes permettant une régulation naturelle du poids, les autres favorisant l’obésité. Les mécanismes en jeu? «Ces "mauvaises bactéries" semblent capables d’extraire des calories de déchets transitant par les intestins et qui, sans elles, partiraient directement dans les selles, sans intervenir dans la balance énergétique», explique le spécialiste. Établie dès la naissance, la composition du microbiote reste sous l’influence de notre alimentation. La recette pour élever de bonnes bactéries intestinales? Des fruits, des légumes, des fibres et un minimum de graisses saturées.

Recette immuable

Se devine alors l’immuable recette pour perdre du poids ou, plus modestement, ne pas en prendre lorsque le métabolisme ralentit avec l’âge: augmenter la masse musculaire par l’activité physique et limiter la masse grasse, en ajustant les apports alimentaires à nos besoins réels. Imparable, la formule est aussi simple sur le papier que complexe dans la vraie vie.

Commençons par l’activité physique. «Outre le fait d’être avantagée par sa proportion de masse maigre, une personne suffisamment active voit ses dépenses énergétiques s’élever pendant l’effort mais également en dehors, comme si son métabolisme continuait un temps à tourner en "surrégime"», révèle le Pr Zoltan Pataky, responsable de la Consultation d’obésité aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Mais deux pièges sont à contourner. Le premier: les effets positifs de l’activité physique sur le métabolisme s’estompent avec l’arrêt de la pratique. Dès lors, si les apports alimentaires ne sont pas réduits, rapidement la balance peut s’affoler. L’autre écueil: surcompenser les efforts par l’alimentation. «Une pratique sportive modérée ne justifie généralement pas de manger plus», souligne Maaike Kruseman.

L’alimentation: l’autre volet clé. Là encore, une équation simple en apparence se profile : fournir à l’organisme la quantité de calories nécessaires, ni plus, ni moins. «Immanquablement, une prise de poids est le signe d’apports alimentaires trop importants au vu des besoins », résume l’experte. Même quand on pense ne pas manger grand-chose… «L’alimentation est un fait très complexe. Il n’est pas simple de quantifier les apports, notamment lorsque les repas se muent en grignotages, que les aliments sont ultra-transformés ou que la nourriture se vit sur un mode "émotionnel" pour apaiser les contrariétés, poursuit le Pr Pataky. Sans compter le métabolisme lui-même qui peut s’enrayer, rendant la perte de poids laborieuse. Ce phénomène complexe est probablement aussi en lien avec notre microbiote (lire encadré, ndlr).»

Et l’expert de conclure: «Activité physique et alimentation comportent leur lot de complexité et s’inscrivent de nos jours dans un environnement "obésogène", favorisant la sédentarité et les excès alimentaires. Mais à tout âge, seul ou avec l’aide d’un professionnel de santé, il est possible de se poser les bonnes questions pour viser un meilleur équilibre.»

Calories brûlées: oui, mais combien?

Réservée à la recherche en raison des coûts qu’elle implique, la méthode dite «par eau doublement marquée» permet de déterminer la dépense énergétique d’un individu. Elle nécessite l’absorption d’une eau dont les molécules d’hydrogène et d’oxygène ont été «marquées» chimiquement à l’aide d’isotopes (composés traçables) et l’analyse des urines sur plusieurs jours. La suite des investigations repose sur le fait que l’hydrogène est entièrement rejeté dans les urines, tandis qu’une partie de l’oxygène est expirée sous forme de dioxyde de carbone. Les différences calculées entre les deux éléments marqués permettent de quantifier les dépenses énergétiques.

Plus accessible et pouvant être utilisée dans le cadre de consultations médicales, la calorimétrie indirecte évalue quant à elle la quantité de dioxyde de carbone expiré par le biais de la respiration. Le patient est allongé une trentaine de minutes et respire dans une structure évaluant les échanges gazeux.

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* Pontzer et al. Daily energy expenditure through the human life course. Science. 2021 Aug 13;373(6556):808-812. doi: 10.1126/science.abe5017.

** Changer de poids, c'est changer de vie, Éd. Planète Santé, 2020.

Paru dans Le Matin Dimanche le 21/11/2021

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