Objectif perfection?
10’000 pas complétés de deux portions de fruits et trois de légumes chaque jour, deux heures et demie d’activité physique modérée par semaine, etc.: que penser de ces messages devenus omniprésents?
Dre Nathalie Farpour Lambert Dès lors qu’elles sont fondées sur des preuves scientifiques et publiées par des institutions reconnues (l’Organisation mondiale de la santé par exemple), ces recommandations ont le mérite de donner des repères dans un monde où on entend tout et n’importe quoi. Elles servent aussi à contrecarrer les messages de l’industrie agroalimentaire notamment qui, sous couvert de pseudo-arguments nutritionnels, vend des produits délétères pour la santé. Nombre de céréales de petit-déjeuner en sont un parfait exemple : annoncées comme source d’énergie et de vitamines, elles sont surtout gorgées de sucres et désespérément pauvres en fibres. Les enfants sont les premières victimes de ce marketing trompeur.
Mais tout le monde ne peut pas faire 10'000 pas par jour, ni manger parfaitement sain si facilement…
Bien sûr, ces recommandations ont des limites. D’abord parce qu’elles donnent un message universel alors que de par notre patrimoine génétique, notre métabolisme, nous sommes évidemment tous différents. La médecine personnalisée est une piste passionnante pour faire évoluer ces «normes» de santé.
Autre limite: ces recommandations peuvent être vécues comme des injonctions stigmatisantes pour les personnes malades, vulnérables, qui ne peuvent pas les suivre telles quelles. Les professionnels de santé ont un rôle clé à jouer pour conseiller et motiver au cas par cas.
L’objectif est-il la perfection, vœu pieux qui n’empêcherait de toute façon ni de tomber malade, ni de vieillir?
L’idéal est de viser la règle du «80-20»: faire de son mieux 80% du temps et relâcher un peu la pression les 20% restants. Car viser la perfection est impossible, frustrant, voire dangereux. Mais pour «faire de son mieux», la volonté personnelle ne suffit pas: la société doit le permettre. Environnement, organisation du travail, composition, étiquetage et marketing des produits: la santé est un enjeu collectif.
Oui Docteur, je sais, mais…
Remplacer la stricte ordonnance par un échange au cas par cas pour expliquer les bienfaits d’un traitement, d’une perte de poids, de l’activité physique, cela porte un nom: l’entretien motivationnel. Née dans les années 1980 de l’initiative des psychologues William Miller et Stephen Rollnick, l’idée a depuis séduit les hôpitaux du monde entier. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) par exemple, ce sont, depuis vingt ans, plus de 400 collaborateurs formés, et aujourd’hui près de 40 services ayant adopté la pratique. Totalement intégré à la consultation médicale, l’entretien motivationnel n’est pas forcément énoncé comme tel mais, tout en subtilité, nourrit un dialogue centré sur le patient, ses ressources et ses résistances face à un traitement ou une nouvelle hygiène de vie à adopter.
Place à l’entretien motivationnel
«Les piliers de la technique sont l’écoute et l’empathie, explique le Pr Alain Golay, chef du Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et enseignement thérapeutique des HUG. Sur trois mois, un médecin voit en moyenne 30 minutes un patient souffrant d’une maladie chronique, mais la personne, elle, va vivre les 129'570 autres minutes seule avec ses troubles, les éventuels effets secondaires du traitement, le découragement de ne pas parvenir à perdre du poids ou arrêter de fumer, etc. Alors, face à une recommandation médicale, quand le patient laisse entendre "Oui docteur, je sais ce que je devrais faire, mais…", il faut considérer cette réaction comme une ambivalence que l’entretien motivationnel peut aider à faire évoluer.»
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Article repris du site pulsations.swiss