Cultivons les fleurs dans notre assiette
On les retrouve souvent comme élément décoratif dans les assiettes des grands restaurants. Mais les fleurs comestibles ne se résument pas à leur beauté… elles peuvent aussi être un atout pour la santé. La nature regorge en effet de plantes au fort pouvoir thérapeutique, qui ont depuis la nuit des temps enrichi notre pharmacopée. En voici quelques-unes parmi les plus réputées, poussant dans nos contrées, et dont les vertus sont reconnues.
Quelques mises en garde
Pour la consommation de fleurs comme pour les plantes ou les champignons en général, quelques points de vigilance sont à respecter. Tout d’abord, il convient de s’en tenir à une utilisation raisonnable, certaines fleurs pouvant entraîner des troubles digestifs si elles sont consommées en trop grande quantité. Par ailleurs, toutes les fleurs ne sont pas comestibles. Certaines peuvent même être particulièrement toxiques, voire mortelles, y compris à faible dose. «Si vous mangez une fleur de digitale par exemple, qui pousse à l’état sauvage le long des sentiers, vous risquez d’être victime d’une crise cardiaque!» prévient Kurt Hostettmann, professeur honoraire de pharmacognosie et phytochimie aux universités de Lausanne et de Genève. C’est le cas aussi du muguet, qui malgré son odeur envoûtante peut provoquer indigestion et troubles cardiaques, ou encore du colchique, qui peut entraîner la mort. Enfin, par mesure de précaution, certaines fleurs comestibles sont déconseillées aux femmes enceintes ou allaitantes (comme la capucine), ainsi qu’aux enfants. Il est donc important de bien se renseigner avant d’en consommer.
1. La primevère
Parsemant les jardins et les champs à l’arrivée du printemps, la primevère officinale, aussi appelée «coucou», est facilement reconnaissable à ses grappes de petites fleurs jaunes en ombrelle. Elle est utilisée depuis l’antiquité pour ses vertus antitussives ou pour soulager des rhumatismes. Certains médicaments l’associent au thym pour traiter des infections respiratoires.
Comment la consommer: en infusion.
2. La capucine
Avec ses beaux pétales rouge-orangé, la capucine est appréciée des jardiniers car elle attire à elle les pucerons, protégeant ainsi les cultures avoisinantes. Elle possède en outre de nombreuses propriétés. «Ses parties aériennes (feuilles, tige et fleurs), au goût semblable à celui du cresson, ont une concentration cinq fois plus élevée en vitamine C que les agrumes, indique Kurt Hostettmann[1], professeur honoraire de pharmacognosie et phytochimie aux universités de Lausanne et de Genève.Elle a également un fort potentiel antibactérien et antiviral, qui lui confère un rôle d’antibiotique naturel, n’induisant donc pas de résistance bactérienne.»
Comment la consommer: en salade, en infusion.
3. La fleur de bourrache
Jolie fleur bleue en forme d’étoile, la bourrache est particulièrement appréciée des cuisiniers pour le goût iodé de sa tige. Elle aurait des vertus légèrement diurétiques mais aussi expectorantes et antitussives qui permettent de soulager les bronches.
Comment la consommer: crues pour orner un plat ou en infusion.
4. Le souci des jardins
Aussi appelé «calendula», le souci des jardins est une fleur jaune-orangée qui pousse du printemps à l’automne. Elle favoriserait la digestion et le transit intestinal. «C’est une fleur comestible intéressante car elle a également un pouvoir antibactérien qui peut aider à apaiser les peaux irritées», ajoute Kurt Hostettmann. Le calendula est en effet l’ingrédient phare de nombreux produits cosmétiques.
Comment la consommer: dans un plat de riz, pour lui donner une couleur safranée et une saveur poivrée.
5. La reine-des-prés
Ces belles grappes de fleurs blanches à l’odeur vanillée poussent facilement dans les marécages et près des rivières. Utilisée depuis longtemps en phytothérapie, la reine-des-prés entre dans la composition de certains médicaments, notamment pour sa teneur en acide salicylique. «Au même titre que l’aspirine, elle aide à lutter contre les douleurs articulaires», explique Kurt Hostettmann.
Comment la consommer: en sirop ou en infusion.
6. La fleur de sureau noir
Les fleurs du sureau noir peuvent être récoltées au printemps et sont très efficaces contre la toux ou pour soulager les pathologies hivernales. Les arômes légers et sucrés de cette plante en font un ingrédient apprécié des pâtissiers, qui peuvent en cuisiner les fleurs, comme les fruits. «En Allemagne, on utilise les fleurs pour faire des beignets, en les trempant dans une pâte à la bière avant de les faire frire et de les saupoudrer d’un mélange de sucre et cannelle. C’est délicieux!» confie Kurt Hostettmann.
Comment la consommer: en sirop ou en infusion.
7. La lavande
La lavande est réputée depuis longtemps pour ses vertus sédatives et calmantes. Consommée par voie orale, elle aiderait à lutter contre les états de nervosité, les difficultés d’endormissement ou encore les troubles de la digestion. «La fleur de lavande a donc toute sa place en cuisine, mais son odeur particulièrement forte invite à la parcimonie», relève Kurt Hostettmann.
Comment la consommer: en infusion ou dans des pâtisseries.
8. L’hibiscus
Cette fleur d’origine exotique aux couleurs vives est souvent utilisée à des fins médicinales, notamment pour son effet antihypertenseur. «Des études tendent à montrer que les pétales d’hibiscus et les calices abaissent la tension artérielle, explique Kurt Hostettmann. Quand on sait que l’hypertension est l’une des premières causes de mortalité dans le monde, on mesure toute l’importance de cette plante bénéfique.»
Comment la consommer: en salade, en confiture ou en infusion (l’hibiscus est souvent associé au cynorhodon, le fruit de l’églantine, riche en vitamine C).
Une recette qui en jette
Vous avez peut-être suivi les péripéties amoureuses de Valentin dans la célèbre émission télévisée «L’Amour est dans le pré». Lorsqu’il ne cherche pas son âme sœur, Valentin Moricet est cultivateur de fleurs comestibles dans les Côtes-d’Armor (France). Dans un ouvrage passionnant, il nous révèle les secrets de soixante fleurs connues ou méconnues, qui poussent sous nos contrées et peuvent facilement venir rehausser les saveurs de nos plats.
Voici par exemple comment réussir des primevères (lire article principal) cristallisées.
Ingrédients
- 1 blanc d’œuf
- 20 primevères (ou autres fleurs comestibles)
- Sucre cristal
Recette
- Battre le blanc, le faire mousser sans qu’il monte en neige.
- Avec un pinceau, en déposer délicatement sur les faces des pétales, qui doivent être humides mais sans plus.
- Saupoudrer le sucre uniformément sur toutes les faces, puis poser sur une grille.
- Laisser sécher au four, qui doit être tiède, un bon quart d’heure.
- Consommer assez rapidement (se conserve 3-4 jours au sec).
Bon appétit!
À lire: «Mon potager de fleurs comestibles», Valentin Moricet, éditions Jouvence, 2023.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 21/05/2023
[1] Auteur de Renforcer et conserver sa mémoire. Fruits, légumes, épices (éditions Pillet, 2022) et Des plantes contre les infections. Se soigner sans recours systématique aux antibiotiques (éditions Favre, 2021).