Comment bien manger en misant sur l’environnement : les questions que l’on se pose en faisant nos courses
De quoi parlons-nous?
Manger local est à la mode. Mais l’adjectif «local» est susceptible de plusieurs interprétations. «Il n’existe pas de définition universelle. Il peut s’agir de produits provenant de la région, du canton, voire de Suisse», affirme Magali Estève, cheffe de projet au sein de l’association pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural (Agridea).
Selon un sondage réalisé en 2010 par Équiterre, 39% des consommateurs reconnaissent un produit local à sa provenance régionale. Certains se basent plus précisément sur le nombre de kilomètres entre le lieu de production et l’assiette du consommateur (on parle de «kilomètres alimentaires» ou food miles). On retient parfois comme critère un rayon de 50 km, mais le cercle concentrique varie selon les sources. En tous les cas, l’alimentation locale est indissociable du calendrier naturel des récoltes.
Et c’est une tendance que plus personne ne peut ignorer. Durant ces dernières décennies, l’intérêt pour l’alimentation de proximité a beaucoup augmenté en Suisse. Rien que dans l’Arc lémanique, on compterait une bonne centaine d’initiatives, organisées selon diverses formules. Certains agriculteurs proposent aux consommateurs de souscrire un abonnement pour recevoir, à échéance régulière, un panier de produits régionaux. Autres exemples: les réseaux de distribution (p.ex. La ruche qui dit oui) et les plateformes de vente en ligne et distribution à domicile (VitaVerDura). Mentionnons également les marques de produits régionaux certifiés, comme GRTA (Genève Région – Terre Avenir). Enfin, Migros et Coop possèdent leurs propres labels (respectivement Ma région et De la région).
Quels sont les enjeux?
L’apparition du mot «consom’acteurs» dans le langage courant montre que la sensibilité aux questions environnementales est ancrée dans les mentalités de notre époque. Il apparaît cependant que 80% des adeptes de l’alimentation de proximité appartiennent aux classes sociales moyennes et supérieures. En Suisse, non seulement les riches mangent plus sainement que les pauvres, mais ce décalage est plus important que dans d’autres pays, observe le Fonds national de la recherche scientifique (FNS). Malgré cette fracture sociale, ce qu’on appelle l’agriculture contractuelle de proximité, ou ACP, est en train d’évoluer d’un marché de niche vers des « systèmes plus rigoureusement structurés », toujours selon le FNS.
Or, la manière dont les aliments sont produits et consommés a des conséquences sur l’environnement. Notre système agroalimentaire serait à l’origine de 17% des émissions de gaz à effet de serre de la Suisse. Et la contribution de ce secteur à la charge environnementale globale du pays est estimée à 28%, lit-on sur la plateforme act4change de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).
Que faire?
Privilégier les produits régionaux permet de diminuer son empreinte écologique de 4%, d’après un calcul du WWF. Réduire sa consommation de viande est plus efficace et ne pas en manger du tout est encore mieux de ce point de vue. Avec un régime végétarien, elle baisse de 24% et en devenant végan, on la fait chuter de 40%!
Par quoi peut-on remplacer la viande? Par des légumineuses et des céréales complètes, typiquement. D’une manière générale, il faudrait que notre ordinaire fasse la part belle aux fruits et légumes de saison. Ayant été récoltés à un stade de maturité plus avancé que les primeurs provenant de l’autre bout de la planète, ils sont plus riches sur le plan nutritif et ont donc meilleur goût. Sans compter qu’ils sont plus frais ! Quant au prix, il n’est pas forcément dissuasif. Parfois, acheter local revient même moins cher. Avec la vente directe, par exemple, il n’y a ni transporteur ni intermédiaire pour prélever des marges.
Si les sondages montrent que 40% des consommateurs hésitent encore pour une question d’argent, le principal obstacle au développement de l’alimentation locale serait un manque de temps pour faire ses courses et… l’appétence addictive des produits malsains (ah, le bon goût du beurre et du sucre!).
Il faut savoir que le gouvernement suisse dispose d’une marge de manœuvre restreinte pour promouvoir l’alimentation saine, du fait d’une base légale limitée. Les services de la Confédération doivent donc s’en remettre à la bonne volonté de l’industrie et compter sur les efforts des cantons pour encourager les choix alimentaires sains.
Quelques conseils
- Il existe une quantité de sites de vente directe: www.marchepaysan.ch, www.fraicheurdevotrejardin.ch, app.mon-producteur.ch, www.gemuese.ch, etc.
- Dans les grandes surfaces, mieux vaut choisir les fruits et légumes suisses.
- Manger bio est une bonne chose, mais entre une pomme suisse non labellisée et une bio importée de l’étranger, il semble plus écolo de choisir la première.
- Tout dépend du nombre de kilomètres parcourus par le produit bio, des critères appliqués par le pays producteur (tous les labels bios du monde ne se valent pas) et des quantités de pesticides utilisés pour cultiver le produit non bio. Au final, c’est un choix personnel.