Démystifier l’allergie alimentaire

Dernière mise à jour 12/01/12 | Article
Toutes sortes d'aliments
Même si dans le langage quotidien, je suis allergique signifie je ne supporte pas, l’on confond souvent allergie et intolérance, aux aliments notamment. Deux réactions pourtant très différentes au niveau de leurs mécanismes et de leurs conséquences. Le point avec le Dr Christophe Deluze, allergologue à Genève.

Qu’est-ce qu’une allergie ?

Une allergie, c’est une réaction anormale du système immunitaire face à un aliment, un pollen ou à un médicament, par exemple. A la base, il est positif de se défendre, mais dans le cas d’une allergie, l’organisme affiche une réaction erronée.

Le but du système immunitaire est de se protéger contre les agresseurs. Car ils nous entourent. Que ce soit au niveau interne, comme les cellules tumorales, ou externe, comme certains microbes, virus ou, bactéries.

Comment l’organisme décide ce qu’il doit tolérer?

Le système immunitaire nous connaît pièce par pièce. Il se dit «ça c’est moi», je connais. Quand il entre en contact avec un «pas moi», quelque chose d’étranger, il décide si c’est un danger et enclenche un mécanisme de rejet, ou alors, s’il estime que ce n’est pas un danger , il décide de tolérer dans un processsus actif. Il est important de comprendre que pour le système immunitaire, la tolérance est un phénomène aussi actif que le rejet. On entretient le processus de tolérance comme on entretient le processus de rejet.

L’allergie est donc une anomalie?

Dans le cas d’une allergie, la reconnaissance est erronée. La tolérance est donc rompue face à ce que l’organisme considère comme un agresseur potentiel. Ce sont les mécanismes de rejet qui déclenchent la maladie allergique. Et il faut bien comprendre que la façon dont le rejet est dicté sera mémorisée c’est pourquoi les allergies durent.

Dans le cas de l’allergie alimentaire, le caractère erroné de la réaction allergique apparaît encore plus clairement car l’aliment est utile, on doit manger pour survivre. Et il faut savoir qu’un aliment tout à fait anodin peut déclencher une réaction très grave.

Qu’est-ce qu’une intolérance?

L’intolérance n’implique pas le système immunitaire.  Elle vient de mécanismes pathophysiologiques diversifiés le plus souvent incompris. On peut être intolérant à plusieurs aliments alors que l’allergie est une réaction ciblée, une erreur qui concerne un aliment ou une famille d’aliments. En outre, même une quantité très faible d’aliment peut déclencher une réaction allergique, ce qui n’est pas le cas avec l’intolérance dont l’imortance de la réaction dépend de la dose ingérée. 

Autre différence, la réaction allergique est mémorisée et se déclenche en principe à chaque fois. L’intolérance, elle, survient de manière aléatoire. Enfin,  les allergies sont des urgences qui peuvent avoir des conséquences graves et mortelles, ce qui est rarement le cas des intolérances.

Comment détecter allergies et intolérances ?

Il existe une grande confusion à ce propos.

Les allergies alimentaires sont le plus souvent déclenchées par les  des anticorps IgE. On peut en faire le diagnostic en les mettant en évidence à l’aide de tests cutanés et en les cherchant dans le sang pour évaluer le degré d’allergie.. On peut aussi faire un test d’exposition pour voir la réaction d’une personne à certains produits. La difficulté réside dans l’interprétation des tests, c’est pourquoi il est important de distinguer entre sensibilisation et allergie, ce qui n’est pas toujours facile et peut nécessiter l’avis d’un spécialiste. En ce qui concerne la sensibilisation, les anticorps existent mais il n’y a pas forcément de réaction. Alors que dans  le cas de l’allergie, c’est comme un passage à l’acte.

Pour la plupart des intolérances,  on ne sait pas d’où elles viennent ni comment les rechercher, que ce soit sur la peau ou dans le sang. Seul moyen: les tests d’exposition. Par exemple boire du lactose et voir si organisme est capable ou pas de l’absorber. C’est le seul test fiable.

Que pensez-vous des tests vendus dans le commerce pour le diagnostic des intolérances alimentaires?

Il existe des tests de dépistage dans le commerce (biorésonnance, etc), mais attention, ils sont bidon! Car les anticorps qu’ils détectent  sont le plus souvent des phénomènes normaux et positifs, naturels, voire même protecteurs. Donc les utiliser pour diagnostiquer une intolérance, c’est aberrant. Cela peut conduire à des situations dramatiques : si l’on enlève l’un des piliers de l’alimentation normale, on ne mange plus de blé pendant un laps de temps puis on recommence par exemple, il existe alors un réel danger de réaction allergique car le système immunitaire accepte les substances via des processus de tolérance actifs. Par exemple, l’organisme intègre l’information «blé ok». Mais si on enlève le blé sur la foi d’un test bidon, on interrompt le processus actif de tolérance et le système immunitaire ne comprend plus rien. Prenons l’exemple d’ adolescents dont les parents ont décrété qu’ils étaient intolérants à des aliments, et bien quand ils en mangent chez leurs amis, cela déclenche de vraies allergies ! Il n’est donc pas anodin de faire un diagnostic erroné: ceci peut causer des carences alimentaires (comme le manque de lait), et/ou peut interrompre le processus de tolérance du système immunitaire.

Quant au glutène, contrairement aux idées reçues, ce n’est ni une allergie, ni une intolérance mais une maladie auto-immune. Le système immunitaire produit des anticorps contre l’enzyme qui doit métaboliser le glutène.

Comment prévenir un grave choc allergique?

Les réactions anaphylactiques atteignent tout le corps, elles sont rapides voire immédiates et peuvent toucher cœur et poumon. Médicalement parlant, c’est une urgence. La quantité d’allergènes déclenchant la réaction erronée peut être infime, des traces d’aliments peuvent suffire.

Pour les allergies alimentaires, le seul médicament efficace est l’adrénaline. Pourtant elle est victime d’un tabou et sous-utilisée, même dans les centres universitaires. Il existe un réseau de vigilance européen qui regroupe un millier d’allergologues adhérents où tous les cas d’allergies alimentaires qui nécessitent une hospitalisation sont rapportés. Je constate que dans tous les pays d’Europe, dont la Suisse, l’adrénaline n’est utilisée que dans un tiers des cas de manière adéquate. Je ne sais pas sur quoi ce tabou est fondé. Quand le diagnostic d’allergie alimentaire est posé, le patient doit toujours avoir une seringue d’adrénaline sur lui car d’infimes traces de l’allergène risquent de déclencher le choc anaphylactique. Plus vite on l’administre, par voie intramusculaire, mieux c’est.

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