Accidents de la route sur de longs trajets: la consommation de café réduit le risque de 63%
L'étude que viennent de publier dans la version en ligne du British Medical Journal (BMJ) des scientifiques de plusieurs instituts de recherche australiens apporte enfin une réponse à la question que nous nous posons tous. Lors d'un long trajet en voiture et particulièrement la nuit, conditions qui accroissent le risque de l'assoupissement au volant, un petit noir peut-il nous aider à conserver notre vigilance, grâce aux effets psychostimulants bien connus de la caféine? Mais surtout réduit-il vraiment notre risque d'avoir un accident?
Alors que les études sur ce sujet s'étaient bornées jusqu'à présent à tester la vigilance de conducteurs virtuels en simulateur de conduite, en présence ou non d'une consommation de caféine, cette étude du BMJ s'appuie sur des statistiques de la vie réelle, en l'occurrence sur de vrais accidents, survenus dans les deux Etats où elle s'est déroulée, l'Australie du Sud et la Nouvelle Galles du Sud.
Plus d'un millier de chauffeurs professionnels ont participé à cette étude, qui aura duré quatre ans. Il s'agissait presque exclusivement d'hommes, conduisant des véhicules d'au moins 12 tonnes. Elle a été réalisée conjointement par le George Institute for Global Health, le Centre Curtin-Monash de recherche sur les accidents, le Centre de recherche sur la sécurité routière de l'Université de Galles du Sud, et le Centre de recherche Monash sur les accidents de la route.
Evaluer le taux de caféine
Un premier groupe de 530 conducteurs était constitué d'individus ayant eu un accident pour lequel la police avait dû dresser un constat, alors que le second groupe, de 517 chauffeurs n'ayant eu aucun accident durant l'année écoulée, était en quelque sorte le groupe de référence. Tous étaient habitués à conduire, souvent de nuit, sur des distances de plus de 200 kilomètres.
Pour définir précisément quelle était leur consommation individuelle de caféine, qu'il s'agisse de café, de thé, de comprimés de caféine, ou encore de boissons énergisantes riches en caféine, les enquêteurs ont choisi de procéder par interviews entre quatre yeux, seul moyen permettant de réunir en même temps un certain nombre d'autres informations nécessaires pour garantir la rigueur des analyses.
C'est ainsi que pour le premier groupe, les chercheurs ont bénéficié des adresses que leur fournissait la police après chaque accident, ce qui leur a permis d'inviter les chauffeurs en question à une interview ultérieure, en leur garantissant toute confidentialité. Sur les 1751 chauffeurs dont le camion avait été accidenté, 895 répondaient aux critères de l'étude mais seuls 530 ont finalement accepté de participer.
Quant aux chauffeurs du deuxième groupe, les chercheurs sont allés les identifier sur place, sur 25 aires de repos, à l'occasion de leur pause déjeuner. Là aussi, sur les 891 individus qui correspondaient aux critères choisis, seuls 517 ont finalement accepté de répondre aux questions des enquêteurs.
Moins d'accidents
Outre leur consommation de substances caféinées, le nombre de kilomètres parcourus, et leur âge, tous les autres paramètres de leur mode de vie devaient être enregistrés: nombre d'heures de sommeil, fréquence des pauses, proportion des heures de conduite nocturne, tabagisme, éventuels troubles du sommeil, autres problèmes de santé, etc.
Un peu moins de la moitié des conducteurs (43%) ont indiqué qu'ils consommaient de la caféine, sous une forme ou une autre, dans le but de rester vigilants plus longtemps. Parmi eux, les chauffeurs non accidentés – de deux ans plus âgés que les autres, en moyenne – étaient trois fois plus nombreux à consommer quotidiennement plus de 400 milligrammes de caféine que les chauffeurs accidentés. Cette quantité de caféine correspond à une dizaine de tasses de thé, ou à celle contenue dans de 3 à 6 tasses de café, selon qu'il s'agisse de café soluble, d'expresso, ou de café filtre. Ces conducteurs n'ayant pas eu d'accident dans l'année roulaient en outre, en moyenne, sur de plus longues distances, et avaient moins d'heures de sommeil, que les chauffeurs accidentés.
Après avoir pris en compte tous les facteurs pouvant influencer les résultats et avoir ajusté les chiffres en conséquences, les auteurs australiens de l'article du BMJ arrivent à la conclusion que les consommateurs réguliers de caféine ont statistiquement 63% moins de risque d'avoir un accident que ceux qui n'en consomment pas. Par ailleurs, les conducteurs accidentés qui avaient eu un autre accident de la route durant les cinq années précédentes se sont révélés augmenter leur risque d'accident de 81%.
C'est la première fois qu'une étude peut conclure de façon statistiquement significative à une telle association entre l'absorption de caféine et une réduction du risque d'avoir un accident de la route. Elle pourrait avoir des implications importantes dans le cadre d'une stratégie multiple visant à la réduction du risque d'accident, et cela même dans la population générale, estiment les auteurs. Mais attention, mettent-ils en garde, «le café et les boissons énergisantes à la caféine ne peuvent nullement remplacer le sommeil et ses bienfaits».
Références
BMJ 2013;346:f1140.