On peut réduire de 20% la mortalité des fumeurs: qu’attend-on?
Fumeurs et fumeuses sont exposés à un risque quinze fois plus élevé que la moyenne d’être atteints (et de mourir) d’un cancer broncho-pulmonaire. Personne ne conteste ce chiffre, ni les fumeurs, ni les fabricants de cigarettes, ni les responsables politiques et sanitaires qui, en la matière, laissent faire. L’affaire n’est certes pas une nouveauté. Une nouvelle donnée de taille doit toutefois être désormais ajoutée à cette équation médicale : la démonstration des bénéfices qu’offre en termes de survie la pratique du dépistage par scanner de ce cancer. Cette donnée est, aux Etats-Unis, à l’origine de nouvelles recommandations de l'American College of Chest Physicians.1
De 55 à 74 ans
Après un examen attentif de la littérature scientifique spécialisée, les responsables de cette société savante estiment que si elles sont suivies d’effet, ces nouvelles directives permettraient une réduction de 20% des décès prématurés chez les fumeurs qui auraient la chance d’être ainsi dépistés.
En pratique cette recommandation concerne les fumeurs actuels et anciens âgés de 55 à 74 ans qui ont un passé d’une vingtaine de cigarettes par jour pendant trente ans ou plus. Elle préconise une offre de dépistage dans les établissements qui peuvent fournir des normes élevées de soins cliniques. Attention: un dépistage généralisé comme celui qui existe pour le cancer du sein par mammographie n’est pas réalisable pour le cancer du poumon à cause de son coût. Il importe ici de cibler le dépistage sur les groupes dont le risque est le plus élevé. Longtemps tenue pour irréaliste, l’approche semble aujourd’hui plus prometteuse : elle permettrait de détecter les cancers à un stade plus précoce chez les gros fumeurs.
La tomodensitométrie (ou CT scan) permet de repérer les anomalies et les lésions des organes internes, et la tomodensitométrie à faible dose (TDM), utilisée pour le dépistage, permet de fournir des images avec un contraste élevé tout en exposant les patients à un faible niveau de rayonnement. Il faut certes compter avec le risque de «faux positifs»: une lésion détectée dans la sphère pulmonaire mais qui ne serait pas une lésion cancéreuse. Toutefois les experts de l'American College of Chest Physicians estiment que le taux de ces «faux positifs» resterait gérable chez les fumeurs à risque élevé (de l’ordre de 1 sur 4).
Risque de complications ou de décès
Les différentes méthodes de dépistage possibles pour le cancer du poumon ont été passées en revue: radiographie pulmonaire, analyse du mucus des voies respiratoires (cytologie de l'expectoration) et dépistage par TDM à faible dose. Une revue systématique de tous les essais les plus rigoureux, «contrôlés» et «randomisés», comme des études observationnelles portant sur l'efficacité des différentes méthodes de dépistage, conclut à une réduction de 20% du taux de décès prématurés par cancer du poumon. Ce pourcentage porte sur les personnes qui ont été dépistées par TDM à faible dose, par rapport à celles dépistées par radiographie du thorax. Il faut préciser que l’analyse révèle aussi un risque de décès ou de complications situé entre 4,1 et 4,5 pour 10 000.
A l’issue de cette méta-analyse, les nouvelles recommandations américaines ciblent les personnes concernées et citées plus haut: les fumeurs et les anciens fumeurs âgés de 55 à 74 ans qui ont fumé au moins pendant 30 paquets-années (un paquet-année consiste à fumer vingt cigarettes par jour pendant un an). Tous (mais eux seuls) devraient passer un dépistage annuel par TDM à faible dose.
En savoir plus
Sur ce sujet on peut se reporter à la tribune publiée sur le site Slate.fr du Pr Antoine Flahault, spécialiste de santé publique et de biostatistiques (Faculté de médecine Descartes, Sorbonne Paris Cité), ancien directeur de l’Ecole des hautes études de santé publique. On trouvera ici le texte de cette tribune intitulée «L’heure est venue de dépister le cancer du fumeur».
1. Un résumé de ces nouvelles recommandations est disponible (en anglais) ici. On en trouvera un autre résumé ici (toujours en anglais).
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Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.