La cigarette électronique, une alternative révolutionnaire
De quoi on parle?
Brevetée en 2005, mais débarquée en masse sur le marché suisse depuis un peu plus de deux ans, la cigarette électronique connaît un grand succès alors que les ventes de cigarettes ne cessent de reculer. La plupart des utilisateurs sont d’anciens fumeurs, qui utilisent parfois ce moyen pour se sevrer. Une démarche qui fait débat, notamment à cause des risques potentiels de certains produits contenus dans les liquides. Mais de récentes données scientifiques pourraient faire pencher la balance en sa faveur.
Du classique parfum menthe aux énigmatiques «Orléans» ou «Moscou», plus de 8000 arômes de liquides pour cigarette électronique sont aujourd’hui disponibles, d’après les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et il existerait dans le monde plus de 460 fabricants de dispositifs électroniques de vapotage. Cette pratique est devenue, en un peu plus de deux ans, un véritable phénomène de société. Y compris en Suisse où plusieurs associations de vapoteurs, telles que Helvetic Vape ou Vap-Romandie, ont vu le jour. Ces structures visent entre autres à défendre le vapotage et à faire entendre la voix des vapoteurs dans le débat politique et médical.
Beaucoup d’échanges sur les forums de vapoteurs concernent le sevrage tabagique. Les chiffres montrent en effet que la majorité des utilisateurs sont venus à l’e-cigarette pour diminuer ou arrêter leur consommation de tabac. Et, pour une majorité de vapoteurs, cette méthode serait plus efficace que l’usage de patchs ou de gommes à la nicotine. «Ces produits existent depuis trente à quarante ans mais n’ont jamais permis d’infléchir les ventes de cigarettes comme le fait aujourd’hui la cigarette électronique», commente Jean-François Etter, responsable du groupe Prévention de l’Institut de Santé globale de l’Université de Genève.
Mais l’usage de l’e-cigarette pour le sevrage tabagique n’est toujours pas recommandé officiellement, notamment par manque de données cliniques attestant de son efficacité. Certains travaux publiés en 2014 ont même ravivé les craintes quant à son innocuité. En décembre dernier, la publication d’un rapport de l’Institut national de la santé publique japonais concluait que la vapeur des e-cigarettes contenait des substances cancérigènes similaires à celles contenues dans la fumée de cigarettes, comme le formol ou l’acroléine. Mais la méthodologie de ce travail a été remise en cause par plusieurs experts. La machine servant à simuler le vapotage aurait notamment été réglée pour des cigarettes classiques, or on ne fume pas comme on vapote, la fréquence et les volumes des bouffées sont différents, ce qui peut biaiser les mesures effectuées.
Fin août, un rapport de l’OMS a suscité la polémique en indiquant que «les cigarettes électroniques accroissent l’exposition des non-fumeurs et des tiers à la nicotine et à plusieurs substances toxiques» et que «les cigarettes électroniques présentent un danger pour les adolescents et pour les fœtus dont la mère utilise ces produits». Des conclusions jugées exagérées par certains experts. «Nous avons été surpris par le ton négatif du rapport et avons trouvé qu’il était trompeur et ne reflétait pas de manière précise les données disponibles», a estimé Ann McNeill, professeur au Centre national des addictions au King’s College de Londres, dans la revue Addiction.
Faible addiction
La publication le 17 décembre 2014 par la très sérieuse Revue Cochrane (organisation indépendante à but non lucratif qui propose des revues systématiques de la littérature scientifique) d’une première synthèse de la littérature scientifique sur les e-cigarettes pourrait faire avancer le débat. Les auteurs y concluent que l’e-cigarette est un outil efficace pour le sevrage tabagique. En utilisant des liquides contenant de la nicotine, 9% des utilisateurs ont arrêté de fumer des cigarettes dans l’année et 36% ont réduit leur consommation. «Le nombre d’études dans cette synthèse était encore bas (treize, ndlr), et la qualité des données pas toujours excellente, comme l’ont souligné les auteurs, remarque Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale universitaire du Centre hospitalier universitaire vaudois. Mais c’est très important que cette institution réputée se soit emparée du sujet et continue à faire de la veille sur les prochaines publications.»
Une étude menée conjointement par les universités de Genève et de Richmond (Etat-Unis), publiée le 22 décembre 2014 dans la revue Drug and Alcohol Dependence, démontre que les cigarettes électroniques avec nicotine sont moins addictives que les cigarettes de tabac, et tout aussi, voire moins, addictives que les gommes de nicotine. Des résultats jugés «rassurants» par Jean-François Etter, qui cosigne cette publication. Le tabacologue genevois rappelle qu’«un fumeur sur deux qui n’arrête pas de fumer mourra à cause du tabac» et que «si des incertitudes persistent sur les effets à long terme de l’e-cigarette, pour ceux qui fument déjà, elle permet une diminution importante des risques». Une étude récente a ainsi évalué et classé les risques de tous les produits contenant de la nicotine. Sur une échelle d’unités arbitraires, la cigarette est à 100, l’e-cigarette à 4.
Les ados s’entichent du snus
Si les adolescents et les jeunes adultes fument de moins en moins, une autre forme de tabac les séduit: le tabac moulu. Les consommateurs confectionnent leur mélange avec de petits sachets, qu’ils glissent sous la lèvre supérieure. La Suède est le seul pays de l’Union européenne qui en autorise la vente. La consommation de ce «snus» y est une tradition et les adeptes sont plus nombreux que les fumeurs. En Suisse, l’usage est surtout répandu dans les équipes de sports de glisse, hockey et ski notamment. Or les risques liés à cette pratique sont souvent méconnus. Outre une dépendance à la nicotine comparable à celle induite par le tabagisme, elle expose à une augmentation du risque d’infections buccales et de cancer du pancréas.
Nicotine bientôt légalisée
Face à l’augmentation exponentielle de l’usage des e-cigarettes en Suisse, une quarantaine d’experts coordonnés par le Pr Jacques Cornuz ont planché à partir de septembre 2013 sur l’élaboration de recommandations. C’est sur les conclusions de cette Swiss Vap Study que s’est basé le Conseil fédéral pour prendre position en mai dernier sur la modification de la loi: la vente d’e-cigarettes et de liquides contenant de la nicotine devrait être possible en Suisse d’ici deux à quatre ans. Cependant, l’attention des utilisateurs de ces liquides doit être attirée sur la dangerosité du produit pour les enfants.
Les Etats-Unis ont recensé en 2014 plus de 3500 cas d’intoxication et un premier cas mortel. La nicotine concentrée est un puissant neurotoxique et l’équivalent d’une cuillère d’e-liquide peut être mortel chez les tout-petits.
Concernant le tabagisme passif, la loi fédérale sera aussi applicable aux cigarettes électroniques: avec ou sans nicotine, vapoter dans les espaces fermés accessibles au public sera prohibé. Les experts de la Swiss Vap Study devraient se réunir à nouveau courant 2015 pour réévaluer leurs recommandations à la lumière des nouvelles données cliniques publiées.
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Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.