Cancer déclaré: pourquoi le fumeur a tout intérêt à cesser de fumer
C’est un sujet difficile qu’ont choisi de traiter quatre chercheurs travaillant dans des institutions américaines et chinoises: ils ont voulu savoir quel était l’impact (positif) de la privation du tabac chez des personnes qui venaient d’apprendre qu’elles souffraient d’un cancer.
On estime que moins de la moitié des fumeurs chez lesquels ce diagnostic est porté cessent de consommer du tabac. Il s’agit là d’une situation particulièrement délicate puisque la personne est confrontée d’une part au traumatisme que constitue l’annonce du diagnostic et, de l’autre, à la souffrance (connue ou supposée) inhérente au sevrage de l’addiction tabagique.
Le sevrage: une priorité
Une fraction (mal connue) de ces personnes estime (pour des raisons diverses) que l’urgence n’est pas à l’arrêt du tabac. Elles sont en cela malheureusement confortées par nombre de professionnels de santé qui placent ailleurs leurs priorités de soignants. Et le plus souvent rien n’est mis en place pour faire de ce sevrage une priorité. On ne dispose en outre que de très peu de données sur le sujet. Or on sait pourtant, de manière théorique, que l’arrêt du tabac est une mesure essentielle: la poursuite du tabagisme modifie les réponses aux traitements et aggrave le risque de cancer ultérieur et de récidives.
Jamais trop tard
C’est dire l’importance que l’on peut accorder à l’étude dirigée par le Dr Li Tao (Institut de prévention du cancer de Californie) qui vient d’être publiée dans la revue Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention1. Elle démontre en substance qu'il n'est jamais trop tard pour arrêter de fumer et que ce geste est d’une importance cruciale.
Pour parvenir à ces conclusions, les auteurs ont analysé les données de l'étude portant sur la cohorte dite «de Shanghai». Il s’agit d’une cohorte constituée entre 1986 et 1989 réunissant une population de 18 244 hommes (de 45 à 64 ans) vivant dans cette mégapole chinoise et suivis pendant vingt ans. Elle a notamment pour but d’examiner l'association entre le mode de vie et le risque de cancer.
Habitudes tabagiques
Les participants volontaires fournissaient une série de données sur leurs habitudes tabagiques, leur consommation d’alcool, leurs habitudes alimentaires et leurs antécédents médicaux. Il faut ici préciser que le cancer est aujourd’hui, en Chine, la première cause de décès prématuré chez les hommes.
En 2010 un diagnostic de cancer avait été porté chez 3310 d’entre eux. Les chercheurs ont procédé à des analyses détaillées de 1632 personnes de ce groupe. Il est apparu que 57% de ces malades étaient décédés, que
20% d’entre eux étaient non-fumeurs, 33% avaient cessé de fumer avant le diagnostic et 46% étaient fumeurs au moment du diagnostic.
Risques de décès multipliés
Dans ce groupe, 29% des malades ont arrêté de fumer après le diagnostic, 26% ont poursuivi leur consommation de tabac et 45% l’ont poursuivie par intermittence. Il apparaît aujourd’hui que les hommes qui ont continué (voire qui se sont mis ou remis) à fumer présentent un risque accru de décès par rapport à ceux qui ont arrêté. Et ce après ajustement statistique en fonction des possibles facteurs de confusion possible (âge, type de cancer, type de traitement).
Chez les hommes qui fumaient déjà au moment du diagnostic et qui ont poursuivi, l’augmentation du risque est de 76%. Les chercheurs expliquent que ces résultats varient avec les différents types de cancer. C’est ainsi que pour le cancer de la vessie le risque est pratiquement multiplié par trois – et par plus de deux pour le cancer colorectal et celui du poumon.
Cinq mois plus tard
Concernant ces deux derniers cancers (colorectal et du poumon) une analyse de la Havard Medical School (Boston) publiée en 2012 dans Cancer (une revue de l’American Cancer Society) dénonçait le nombre important de patients qui continuaient à fumer après avoir été diagnostiqués2. Le Pr. Elyse R. Park (Massachusetts General Hospital, Harvard Medical School) avait voulu savoir combien de patients cessaient de fumer au moment du diagnostic et quels étaient les patients fumeurs les plus susceptibles d’arrêter. Les recherches avaient été menées au moment du diagnostic, puis cinq mois plus tard, auprès de 5338 personnes atteintes de cancer du poumon et de cancer colorectal.
Pourquoi?
Au moment du diagnostic, 39% des patients atteints de cancer du poumon et 14% des patients atteints de cancer colorectal fumaient. Cinq mois plus tard les pourcentages étaient respectivement de 14% et 9%. Pourquoi? Concernant le cancer du poumon, les malades ont généralement un faible indice de masse corporelle et ne disposent pas d’un bon soutien psychologique familial ou médical. Ils ont aussi souvent des antécédents de maladies cardiaques et ont été des gros fumeurs. Tout se passe comme si ces patients ne disposaient pas des mêmes ressources physiologiques et psychologiques pour réussir l'épreuve que constitue le sevrage tabagique.
Les auteurs de ce travail estiment au final que, si la plupart de leurs confrères reconnaissent l'importance d'aborder la question de l'abandon du tabac avec leurs patients, bien peu, en pratique, le font. Il est désormais établi que la mise en œuvre de programmes de sevrage tabagiques efficaces pour aider les patients cancéreux est une mesure primordiale pour optimiser l’efficacité des traitements et, ainsi, la qualité et l’espérance de vie.
1. Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici
2. Un résumé (en anglais) de cette analyse est disponible ici
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Calculs rénaux
Des substances solubles, normalement éliminées dans l’urine vont, dans certaines conditions, former des petits cristaux insolubles dans les voies urinaires qui grandissent et deviennent une structure solide, appelée calcul rénal ou calcul urinaire.
Cancer de la vésicule et des voies biliaires
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 310 nouveaux cas de cancer de la vésicule ou des voies biliaires. Le cancer de la vésicule biliaire touche un peu plus souvent les femmes (53 %) que les hommes (47 %). Il survient presque exclusivement à un âge avancé : deux tiers des patients ont 70 ans et plus au moment du diagnostic.
Myélome multiple (plasmocytome)
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 560 nouveaux cas de myélome multiple (plasmocytome), ce qui représente environ 1 % de toutes les maladies cancéreuses.