Le vapotage: nocif ou pas?
La cigarette électronique, aussi appelée vapoteuse, vaporette ou e-cigarette, est présente sur le marché suisse depuis 2012. Il s’agit d’un appareil avec lequel on aspire une vapeur obtenue par l’échauffement d’un produit liquide, d’où le terme «vapoter». La composition de la solution varie: elle est composée à environ 95% de propylène glycol et/ou de glycérol (qui permettent la production de vapeur), d’arômes (tabac, fruits, menthe…) et souvent de nicotine à des concentrations variables.
Sans phénomène de combustion, la cigarette électronique ne délivre donc ni goudrons ni monoxyde de carbone, deux catégories de substances toxiques du tabac brûlé. Mais «il y a quand même de faibles quantités de certaines substances toxiques qui peuvent être présentes, comme le formaldéhyde ou les nitrosamines, qui sont des impuretés du tabac extraites avec la nicotine»,explique le Dr Jean-Paul Humair, médecin directeur du CIPRET-Genève/Carrefour addictionS et médecin adjoint agrégé du service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Inoffensive, vraiment?
Si les études sur les effets à long terme de la cigarette électronique manquent encore, il semble néanmoins qu’elle soit nettement moins toxique que le tabac, surtout si celui-ci est fumé. «Chez les vapoteurs, les symptômes liés au tabagisme sont moindres, au niveau respiratoire notamment, avec moins de gênes dans la gorge et moins de toux»,ajoute le Dr Humair. On n’a jusqu’à présent démontré aucun lien entre le vapotage et la survenue de cancers ou de maladies cardio-vasculaires. Cependant, «on ne peut pas exclure qu’il y ait des effets néfastes sur le long terme. Mais c’est un produit qui, au vu de sa composition, est certainement moins nocif que le tabac lui-même», poursuit l’expert. «Si les produits sont de bonne qualité, avec des concentrations minimes de résidus du tabac, il est possible qu’il n’y ait pas de toxicité.»
Ce constat explique pourquoi la cigarette électronique avec nicotine est utilisée pour le sevrage tabagique. Les fumeurs qui deviennent vapoteurs retrouvent la nicotine, dont le risque majeur est la dépendance, sans s’exposer aux produits de combustion qui sont les plus toxiques. «Par rapport à la cigarette de tabac, les vapoteurs absorbent de la nicotine à une vitesse très semblable et atteignent en moyenne un pic de nicotine un peu plus bas. Le vapotage leur permet de régler assez finement leur taux de nicotine», explique le Dr Humair. «Certes, leur dépendance est maintenue, mais ils peuvent poursuivre le sevrage de nicotine en diminuant peu à peu les doses».
Pourtant, les études actuelles ont montré une tendance non significative en faveur de la cigarette électronique avec nicotine, et d’autres recherches sont donc nécessaires pour évaluer l’efficacité de ce dispositif pour le sevrage tabagique et le comparer aux autres méthodes. «Nous allons mener en Suisse l’étude ESTxENDS, révèle le Dr Humair, lors de laquelle nous comparerons l’effet du conseil d’un professionnel avec l’offre d’une cigarette électronique avec nicotine à l’effet du même conseil sans vaporette. En effet, on sait combien le soutien professionnel est important pour le sevrage de tabac.»
Ces 20 dernières années, un recul du tabagisme a été observé en Suisse, le nombre de fumeurs passant de 33% en 2001 à 25% en 2012. Une diminution conséquente due probablement aux interdictions de fumer dans les lieux publics, à quelques augmentations de prix et, peut-être, aux campagnes de sensibilisation, mais pas réellement attribuable à la cigarette électronique dont l’arrivée sur le marché a au contraire coïncidé avec une stagnation du nombre de fumeurs depuis 2012.
Un produit mal encadré
Vantée donc comme une alternative moins nocive que le tabac et entourée d’un marketing attirant (boîtiers colorés ou pailletés, large palette de saveurs…), la cigarette électronique a séduit certains fumeurs, mais moins chez nous que dans les pays voisins. En Suisse, 1,5%1 de la population et 5,4% des fumeurs déclarent avoir expérimenté au moins une fois le vapotage, mais ils ne sont que 0,4% et 1,4% respectivement à vapoter chaque jour. Cette tendance reste stable depuis 2014 en particulier chez les jeunes.
Un peu partout, des magasins spécialisés ont vu le jour, proposant des produits parfois low cost et sans traçabilité, et certaines industries du tabac ont rapidement compris les enjeux d’une telle manne financière, réfléchissant à développer leurs propres produits dans ce secteur. «Le problème, c’est qu’il n’y a à ce jour aucune réglementation entourant la vente de ces produits ni aucun contrôle de qualité, explique le Dr Humair. On fait courir un risque aux consommateurs!». Le flou juridique concerne également l’accès aux mineurs ou la consommation dans l’espace public: «Aucune loi n’encadre ces questions, comme c’est le cas pour la cigarette.» Un certain nombre de lieux publics (hôpitaux, transports publics) et d’entreprises ont néanmoins d’ores et déjà décidé d’interdire la cigarette électronique dans leurs locaux, en attendant qu’un projet de loi sur les produits du tabac soit adopté et réglemente leur utilisation, probablement à l’horizon 2020.
Les cigarettes électroniques bientôt dotées d’intelligence?
L’avenir de la cigarette électronique est peut-être bien la cigarette connectée. Imaginez une cigarette qui compterait vos bouffées quotidiennes, la quantité de nicotine absorbée, le laps de temps écoulé entre chaque utilisation… le tout collecté et analysé via une application installée sur votre smartphone. Véritables objets high-tech, les cigarettes électroniques de demain aideront peut-être les fumeurs à mieux comprendre leur consommation et les épauleront dans leur sevrage tabagique. Toutefois, l’idée que le but premier d’un objet soit de vous apprendre à vous passer de lui reste étonnant d’un point de vue commercial… Alors, la cigarette intelligente, véritable avancée ou nouveau gadget?
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1. Monitoring Addictions 2017.
Paru dans le Quotidien de La Côte le 04/07/2018.
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Je pense qu’un de mes proches boit trop, comment lui dire ?
Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.