Le binge drinking des rats adolescents conduit à l’alcoolisme des adultes
La nouvelle est communiquée par le service de presse de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En substance: une étude conduite sur le rongeur de laboratoire publiée dans la revue Neuropharmacology, tend à montrer que la consommation excessive d’alcool durant l’adolescence fait qu’à l’âge adulte on est plus vulnérable face à l’alcool. C’est là une donnée de toute première importance: le phénomène des «ivresses express» (mieux connu sous la dénomination binge drinking) est d’apparition relativement récente. Conséquence: on ne dispose pas de suffisamment de recul pour dire ce qu’il en résultera en termes de dépendance à l’alcool. D’où l’intérêt ce cette approche expérimentale sur des rongeurs de laboratoire.
«Bien que menés chez le rat, ces résultats confirment que les intoxications alcooliques répétées à l’adolescence rendent les sujets adultes plus vulnérables à l’alcool», explique-t-on auprès de l’Inserm. Ce travail a été mené par une équipe dirigée par le Pr Mickael Naassila (Inserm). Les chercheurs ont, ont pour cette étude, imité des situations de binge drinking chez des «rats adolescents»; c'est-à-dire âgés de 30 à 40 jours.
«De manière très intéressante, originale et novatrice, notre étude démontre que cette vulnérabilité à consommer de l’alcool est observée à l’âge adulte lorsque les rats ont été exposés à ces ivresses tôt dans l’adolescence et non pas durant la phase tardive de l’adolescence», souligne le Pr Naassila. Selon lui les données de l’étude vont dans le sens de l’observation faite chez l’homme où les sujets exposés précocement (entre 13 et 16 ans) ont deux fois plus de risque de devenir dépendants à l’alcool par rapport aux personnes exposées à l’alcool plus tardivement (entre 17 et 21 ans). «Les résultats de cette étude préclinique corroborent les suspicions (…) suggérant l’existence d’une plus grande vulnérabilité à l’addiction à l’alcool après une initiation de la consommation d’alcool à un âge très précoce, très tôt dans l’adolescence», indique ce chercheur qui dirige le Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances basé à Amiens.
Qui a bu boira, en somme. Ou plus précisément qui a trop bu trop jeune continuera à trop boire. En termes savant cela se traduit par le constat animal d’une «plus grande vulnérabilité vis-à-vis de l’alcool» et ce en termes de «consommation», de «motivation pour boire», de «perte de contrôle face à l’alcool» et d’une «moindre sensibilité face aux effets négatifs de l’alcool». Les chercheurs constatent en outre une «modification à long terme» de la réactivité des régions du cerveau (noyau accumbens) connues pour être étroitement impliquée dans les phénomènes d’assuétude.
«Avec la propagation de ces nouveaux modes de consommation, des conséquences majeures sur la santé sont donc attendues durant les prochaines décennies, notamment une augmentation du taux de mortalité et une recrudescence du nombre d'individus alcoolo-dépendants» souligne-t-on, tranquillement, auprès de l’Inserm. On explique encore que les auteurs de cette publication participent à un projet européen de coopération transfrontalière. Dénommé, sans équivoque, AlcoBinge , il fédère les compétences de trois équipes de recherche françaises et britanniques. Les chercheurs entendent «mieux caractériser les effets à court et long termes du binge drinking» et rechercher les facteurs à la fois biologiques et culturels qui influencent ce phénomène.
On explique aussi en haut que le problème de santé publique que représente le binge drinking est un sujet de recherche classé «hautement prioritaire» par la Commission Européenne. Sur le même sujet des épidémiologistes expliquent que l’on manque de travaux pour cerner le phénomène. Ce qui peut conduire à des situations cocasses particulièrement graves. C’est le cas aujourd’hui en France, pays connu pour ses appétences alcooliques mais qui est officiellement épargné par le nuage alcoolique du binge drinking comme il le fut jadis par celui, radioactif, de Tchernobyl. Qui, au final, paiera la note des ivresses express adolescentes d’aujourd’hui? Et comment parler aux adolescents concernés?