Le binge drinking des rats adolescents conduit à l’alcoolisme des adultes

Dernière mise à jour 23/01/13 | Article
Le binge drinking des rats adolescents conduit à l’alcoolisme des adultes
Qui a trop bu jeune continuera à trop boire. Une expérience menée par des chercheurs français sur des rats soulève de sérieuses inquiétudes face à la pratique de plus en plus répandue des ivresses express durant l’adolescence. Les «ivresses express» des jeunes font-elles le lit des alcooliques adultes? Un vrai sujet de santé publique. Qui s’en occupe?

La nouvelle est communiquée par le service de presse de l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En substance: une étude conduite sur le rongeur de laboratoire publiée dans la revue Neuropharmacology, tend à montrer que la consommation excessive d’alcool durant l’adolescence fait qu’à l’âge adulte on est plus vulnérable face à l’alcool. C’est là une donnée de toute première importance: le phénomène des «ivresses express» (mieux connu sous la dénomination binge drinking) est d’apparition relativement récente. Conséquence: on ne dispose pas de suffisamment de recul pour dire ce qu’il en résultera en termes de dépendance à l’alcool. D’où l’intérêt ce cette approche expérimentale sur des rongeurs de laboratoire. 

«Bien que menés chez le rat, ces résultats confirment que les intoxications alcooliques répétées à l’adolescence rendent les sujets adultes plus vulnérables à l’alcool», explique-t-on auprès de l’Inserm. Ce travail a été mené par une équipe dirigée par le Pr Mickael Naassila (Inserm). Les chercheurs ont, ont pour cette étude, imité des situations de binge drinking chez des «rats adolescents»; c'est-à-dire âgés de 30 à 40 jours.

«De manière très intéressante, originale et novatrice, notre étude démontre que cette vulnérabilité à consommer de l’alcool est observée à l’âge adulte lorsque les rats ont été exposés à ces ivresses tôt dans l’adolescence et non pas durant la phase tardive de l’adolescence», souligne le Pr Naassila. Selon lui les données de l’étude vont dans le sens de l’observation faite chez l’homme où les sujets exposés précocement (entre 13 et 16 ans) ont deux fois plus de risque de devenir dépendants à l’alcool par rapport aux personnes exposées à l’alcool plus tardivement (entre 17 et 21 ans). «Les résultats de cette étude préclinique corroborent les suspicions (…) suggérant l’existence d’une plus grande vulnérabilité à l’addiction à l’alcool après une initiation de la consommation d’alcool à un âge très précoce, très tôt dans l’adolescence», indique ce chercheur qui dirige le Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances basé à Amiens.

Qui a bu boira, en somme. Ou plus précisément qui a trop bu trop jeune continuera à trop boire. En termes savant cela se traduit par le constat animal d’une «plus grande vulnérabilité vis-à-vis de l’alcool» et ce en termes de «consommation», de «motivation pour boire», de «perte de contrôle face à l’alcool» et d’une «moindre sensibilité face aux effets négatifs de l’alcool». Les chercheurs constatent en outre une «modification à long terme» de la réactivité des régions du cerveau (noyau accumbens) connues pour être étroitement impliquée dans les phénomènes d’assuétude.

«Avec la propagation de ces nouveaux modes de consommation, des conséquences majeures sur la santé sont donc attendues durant les prochaines décennies, notamment une augmentation du taux de mortalité et une recrudescence du nombre d'individus alcoolo-dépendants» souligne-t-on, tranquillement, auprès de l’Inserm. On explique encore que les auteurs de cette publication participent à un projet européen de coopération transfrontalière. Dénommé, sans équivoque, AlcoBinge , il fédère les compétences de trois équipes de recherche françaises et britanniques. Les chercheurs entendent «mieux caractériser les effets à court et long termes du binge drinking» et rechercher les facteurs à la fois biologiques et culturels qui influencent ce phénomène.

On explique aussi en haut que le problème de santé publique que représente le binge drinking est un sujet de recherche classé «hautement prioritaire» par la Commission Européenne.  Sur le même sujet des épidémiologistes expliquent que l’on manque de travaux pour cerner le phénomène. Ce qui peut conduire à des situations cocasses particulièrement graves. C’est le cas aujourd’hui en France, pays connu pour ses appétences alcooliques mais qui est officiellement épargné par le nuage alcoolique du binge drinking comme il le fut jadis par celui, radioactif, de Tchernobyl. Qui, au final, paiera la note des ivresses express adolescentes d’aujourd’hui? Et comment parler aux adolescents concernés?

Articles sur le meme sujet
LMD_app_jeunes_alcool

Une app pour aider les jeunes à réduire leur consommation d’alcool

L'application «Smaart» aide les jeunes à mieux maîtriser leur consommation de boissons alcoolisées. Utilisant une information ciblée et des outils pratiques, elle a démontré scientifiquement son efficacité et vient ainsi compléter la liste des moyens de prévention existants.

Les excès d’alcool provoquent des arythmies cardiaques

Même ponctuelle, l’alcoolisation massive est délétère pour le cœur. Elle expose des personnes jeunes à des arythmies cardiaques, c’est-à-dire des troubles qui touchent avant tout les personnes âgées.
binge_drinking_cerveau

Le «binge drinking» provoque des altérations dans le cerveau des adolescents

Des chercheurs espagnols et portugais apportent la preuve objective des altérations cérébrales précoces induites par la pratique de plus en plus répandue chez les jeunes de la «biture express».
Videos sur le meme sujet

Prise de risque: chercher ses limites

On voit de plus en plus de vidéos sur Youtube ou Facebook qui montrent des comportements à risque. Deux experts nous expliquent pourquoi les jeunes sont attirés par les risques et pourquoi ils ne pensent pas toujours aux conséquences de leurs actes. Ils donnent aussi des pistes pour éviter que ces comportements prennent de mauvaises tournures.

Alcool : quand faut-il s'inquiéter ?

En Suisse, l’accès facilité à l’alcool à bas prix permet aux ados et aux jeunes de boire en toute liberté.

Jeunes et alcool: faire la fête sans risque

L’alcool augmente les conduites à risque. Une personne qui a trop bu perçoit moins bien le danger, elle peut prendre des risques et minimiser les conséquences de ses actes.