Femmes et hommes ne sont pas égaux face aux ravages de l’alcool
La grève des femmes du 14 juin dernier n’y changera rien: les femmes sont plus vulnérables que les hommes face aux ravages de l’alcool. A poids corporel égal et consommation identique, une femme va plus rapidement développer des problèmes de santé dus à l’alcoolisme. «Une partie de l’alcool ingéré est éliminée directement dans l’estomac et n’arrive pas dans le sang, explique Jean-Bernard Daeppen, chef du Service de médecine des addictions du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Ce phénomène est plus important chez l’homme que chez la femme. Pour une même quantité de vin bue, Madame en absorbera davantage que Monsieur. De manière générale, les femmes sont plus sensibles aux effets toxiques de l’alcool.»
Et ce n’est pas tout. Les femmes ont une masse graisseuse plus importante que les messieurs. Leur organisme dispose d’un plus petit volume aqueux pour diluer l’alcool ingéré, d’où une alcoolisation plus rapide. «Lorsque les femmes commencent à boire et à boire trop, elles ont indéniablement des ennuis de santé plus vite que les hommes, poursuit le spécialiste. En consultation, je vois des patientes de 30-40 ans avec des cirrhoses qui se sont développées très rapidement suite à une consommation d’alcool importante, mais pas phénoménale en comparaison à ce que je peux voir chez un homme qui aurait la même pathologie.»
Qui dit alcoolisme, dit problèmes de foie, cancer de la bouche et de la gorge, du pharynx (surtout lorsque l’alcoolisme s’accompagne de tabagisme), entre autres. Mais d’autres dangers encore guettent celles qui lèvent le coude un peu trop souvent. «Des études montrent que les femmes qui ont consommé de l’alcool sont plus à risque de côtoyer des hommes alcoolisés. Ce qui les expose davantage à la violence conjugale, poursuit Jean-Bernard Daeppen. Par ailleurs, une consommation même modeste d’alcool augmente les risques de développer un cancer du sein. Enfin, il y a une corrélation entre excès d’alcool et dépression plus marquée chez la femme.»
Plus vite malades
A noter que, comme les femmes absorbent plus vite l’alcool, elles sont plus facilement malades et s’arrêtent de boire, en principe, plus rapidement que les hommes. Les chiffres reflètent cette réalité: environ 7,8% des messieurs sont alcooliques contre 2,3% des dames. «L’alcoolisme est néanmoins sous-estimé chez les femmes, explique Julie Benard, cheffe de clinique de l’Unité de la reproduction et d’endocrinologie gynécologique des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Moins de recherches scientifiques ont été menées sur cette thématique. On sait toutefois qu’une consommation excessive de boissons alcoolisées peut entraîner une aménorrhée (absence de règles) via plusieurs mécanismes ainsi qu’une dénutrition.»
Qui dit absence de menstruations, dit difficultés à tomber enceinte. Et évidemment, en cas de grossesse, l’alcool est à proscrire, même à petites doses. La spécialiste rappelle que les couples qui ont de la peine à procréer devraient limiter tous les toxiques: tabac, cannabis, alcool, mais aussi le café et autres stimulants. «Une consommation importante d’alcool a des répercussions néfastes sur la fonction testiculaire et donc la spermatogenèse, explique Julie Benard. Cela peut toutefois s’avérer réversible si l’homme arrête de boire.»
Alcool festif ou addictif?
La croyance populaire qui affirme qu’un verre de vin par jour est bon pour le cœur ne tient plus la route. «Ce dicton est remis en question, car on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de consommation d’alcool sans risque et sans toxicité, explique Jean-Bernard Daeppen, chef du Service de médecine des addictions du CHUV. Evidemment, le risque augmente avec la quantité bue.» Selon L’Office fédéral de la santé publique (OFSP), à partir de 14 unités d’alcool pur par semaine pour les femmes (21 pour les hommes), le consommateur est considéré comme souffrant d’une addiction à l’alcool (sachant qu’un décilitre de vin ou 2,5 dl de bière correspondent à une unité). Mais le spécialiste précise: «Quatre à cinq verres par occasion, même ponctuellement, c’est trop. Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé précise qu’il est impératif de passer un à deux jours par semaine sans boire pour ne pas tomber dans une forme d’addiction, indépendamment des quantités hebdomadaires bues.»
En Suisse, 4% des femmes et des hommes de plus de 15 ans boivent régulièrement de façon excessive, selon l’OFSP.
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