Maîtriser son anxiété, c’est possible
La boule au ventre, la gorge nouée, le coeur qui bat plus vite, les ruminations qui empêchent de dormir… L’anxiété est difficile à vivre au quotidien. Aussi, il est important de la traiter lorsqu’elle altère la qualité de vie et celle de ses proches, expliquent Suzy Soumaille, journaliste scientifique, et le professeur Guido Bondolfi dans leur livre J’ai envie de comprendre… L’anxiété et les troubles anxieux*.
La mise en route d’une psychothérapie et, si besoin, d’un traitement médicamenteux, vise d’abord à réduire l’intensité des symptômes anxieux. Néanmoins, la disparition complète de l’anxiété n’étant pas toujours possible, l’objectif sera aussi de parvenir à la contrôler et à la réduire à un niveau compatible avec la poursuite d’une vie normale. S’attaquer aux troubles anxieux permet en outre d’éviter des complications (chronicité, etc.) et de prévenir par la suite les rechutes.
Traitement de choix
Dans la majorité des cas, le traitement mis en place va aider l’anxieux à «fonctionner» de nouveau normalement sur les plans affectif, social et professionnel. En toute logique, les bienfaits se feront sentir à l’endroit où se niche l’anxiété. Par exemple, une personne souffrant de phobie sociale trouvera la force de parler en public, le «paniqueur» le courage de prendre l’avion, et l’obsessionnel-compulsif le moyen d’arriver à l’heure au bureau grâce à la diminution de ses rituels. Avec à la clé, un véritable changement de vie.
Leur efficacité sur la durée ayant été prouvée par de nombreuses études, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) constituent la psychothérapie de choix pour la prise en charge des troubles anxieux. Leur objectif: démanteler les convictions dysfonctionnelles (les pensées catastrophistes) en les mettant à l’épreuve de la réalité à travers des exercices en «live». En quelques mots, il va s’agir de comprendre, remettre en question, trouver des alternatives, affronter, et finalement se sentir capable.
Dans la réalité, les choses ne sont toutefois pas aussi simples et réclament un réel effort de la part du patient. A terme, les échanges avec le psychothérapeute vont permettre à l’anxieux d’apprendre à reconnaître les situations et les circonstances qui font le lit de ses tourments intérieurs. L’étape suivante consiste à identifier progressivement les idées inadaptées ou les comportements irrationnels à changer: le niveau réel des risques est évalué, les certitudes illogiques remises en cause, les interprétations catastrophistes relativisées.
Ce «procès» des pensées est très utile pour être en mesure de les assouplir en les reformulant de manière plus réaliste et rassurante. Au final, la personne va prendre confiance en affrontant, peu à peu, les situations qu’elle a appris à éviter.
Auto-observation et désensibilisation
Le carnet d’auto-observation est la clef de voûte de la thérapie. Le patient est invité à consigner chez lui sa journée en séparant les faits de ce qu’il ressent (émotions, sensations physiques, pensées qui lui traversent l’esprit et actions qui les ont suivies). Lorsqu’il a pris conscience de certaines «erreurs de logique de sa pensée», c’est le moment de réfléchir, avec son thérapeute, à des alternatives et d’aller tester dans sa vie quotidienne ce qui se passe s’il ne procède pas comme à l’accoutumée. Ces devoirs à domicile vont lui permettre de remettre en question ses moindres ressentis, de prendre du recul. Cet «outil» thérapeutique pourra être utilisé par l’anxieux en tout temps lorsque les vieilles habitudes resurgiront sous forme de pensées automatiques ou de comportements d’évitement.
L’exposition aux situations qui font peur fait, elle aussi, partie du programme des TCC. En se frottant peu à peu à ce qui l’angoisse –pensées, sensations, objets, situations–, la personne expérimente et apprend à s’habituer, dans le but de reconquérir un jour son autonomie. L’apprentissage se fait au rythme du patient et de façon très progressive, sous peine d’obtenir l’effet contraire, à savoir amplifier la peur.
Kit de survie
Souvent, les TCC intègrent également l’acquisition de techniques de relaxation. Un kit de survie «en milieu hostile» qui permettra de faire baisser le niveau d’anxiété en tout temps et sans recours à des médicaments. Car en effet, la relaxation augmente la résistance au stress et agit sur la détente musculaire. En clair, elle permet de «baisser le volume», de calmer le jeu quand la surchauffe menace. Pour profiter de ses bienfaits, on peut la pratiquer à petites doses de manière répétée ou alors plus longtemps (dix à vingt minutes).
La respiration joue aussi un rôle central dans le contrôle de la peur. Les hyperanxieux n’ont souvent plus confiance en leur respiration qui a trop tendance à s’emballer. Cette impression de perte de maîtrise contribue au cercle vicieux de l’angoisse. En s’entraînant à ralentir la respiration, on freine indirectement le rythme cardiaque tout en augmentant la détente musculaire. Il s’agit d’apprendre par des exercices à laisser la respiration se faire toute seule. Une technique à réutiliser à chaque fois que son anxiété risque de s’envoler.
Témoignage d’Anna Lemonaki, comedienne-auteur
Apprendre à vivre avec son anxiété excessive exige de passer par l’étape difficile de l’acceptation. Dès que j’ai commencé à accepter mon anxiété et mon trouble panique, j’ai trouvé l’espace nécessaire pour enfin (re)respirer normalement et reprendre petit à petit ma vie en main. J’ai compris que ce «colocataire» en moi qu’était mon anxiété n’était pas simplement une menace, mais aussi le signe qu’il fallait peut-être faire certaines choses différemment. Ce dialogue entre l’anxiété et moi-même m’a donné la force de parler des troubles anxieux en public à travers «Bleu», une pièce de théâtre consacrée au trouble panique et à ceux qui en souffrent. Un vrai défi artistique mais surtout une responsabilité, car je parle de manière crue d’un sujet fragile et pas charmant, pour le rendre compréhensible à ceux qui n’ont pas souffert d’anxiété excessive, et permettre ainsi aux souffrants d’être enfin «compris» par les autres. Maintenant je sais que souffrir d’un trouble panique n’est pas un signe de faiblesse mais de force : traverser un trouble panique demande de la persévérance, de la discipline et surtout du courage. Si on réussit à comprendre que cette surface noire qu’on voit sous la mer ce ne sont que des algues, on aura moins peur de nager, de traverser.
Pour plus d’infos sur «Bleu»: www.ciebleu.com
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* J’ai envie de comprendre… L’anxiété et les troubles anxieux, de Suzy Soumaille avec le Pr Guido Bondolfi, Préface de Christophe André, Ed. Planète Santé, 2015.