Lever le pied, le meilleur traitement des courbatures

Dernière mise à jour 09/10/12 | Article
Lever le pied, le meilleur traitement des courbatures
Une étude suggère que le massage après l’effort favorise l’expression de gènes impliqués dans la réparation des muscles et en inhibe d’autres responsables de la réponse inflammatoire. Des résultats à manier avec des pincettes, estime un spécialiste de la médecine du sport.

«Il existe un moyen infaillible pour déclencher des courbatures: faire une course en descente en début de saison. Les douleurs sont garanties pour au moins quatre jours.» Bengt Kayser, professeur à l’Institut du mouvement et du sport à l’Université de Genève, en connaît un morceau sur le muscle et ses peines. Mais s’il sait comment provoquer des courbatures, il admet volontiers qu’il n’existe pas de traitement infaillible pour les atténuer. D’ailleurs, si la douleur n’est pas insupportable, il vaut mieux ne rien faire de spécial. Toute autre stratégie (en dehors de la prévention, bien sûr) n’entraîne aucun effet démontré ou, pire, risquerait de se montrer contre-productive.

Même le massage? La pratique est en effet courante depuis des millénaires et les sportifs d’élite y ont systématiquement recours. Une étude récente, publiée dans la revue Science Translational Medecine du 1er février 2012 (cette publication appartient au même éditeur que la revue Science) apporte même des éléments nouveaux de biologie moléculaire appuyant l’hypothèse selon laquelle il existe un lien – bénéfique – entre le malaxage des muscles et une réponse génétiques des cellules de ces tissus. Elle confirme en passant que le taux d’acide lactique ne joue aucun rôle dans les courbatures tout en étant insensible au massage (lire ci-dessous).

Une jambe massée sur deux

Dans le cadre de cette étude, onze personnes ont pédalé sur un vélo durant plus d’une heure, un effort dont elles n’avaient pas l’habitude. Une jambe a ensuite été massée mais pas l’autre. Les auteurs de l’étude ont prélevé des échantillons sur les quadriceps gauche et droit, avant, juste après et trois heures après l’exercice. Ils ont finalement analysé et comparé les contenus génétiques et moléculaires.

Il en ressort que sous l’effet de mains expertes, des gènes favorisant la réparation des dommages causés par l’effort physique seraient ainsi préférentiellement allumés tandis que d’autres impliqués dans la réaction inflammatoire, cause de douleur, seraient plutôt éteints.

«C’est une étude bien menée du point de vue scientifique mais l’interprétation des résultats est exagérée, estime Bengt Kayser. On sait que l’exercice physique modifie à lui seul et de manière importante l’expression de milliers de gènes. Dans ce travail, les chercheurs identifient cinq gènes qui seraient influencés par le seul massage. C’est une fraction un peu trop mince de l’ensemble de la réponse génétique liée à un effort physique pour conclure à une découverte. D’autant plus que les auteurs ont arrêté le suivi des sujets après trois heures, donc bien avant le début des courbatures.»

Une réponse naturelle

De toute façon, pour le chercheur genevois, il ne faut surtout pas ramener le problème de la courbature à un simple inconvénient dont il faut à tout prix se débarrasser. Ces douleurs sont une réponse naturelle. Le muscle est un tissu hautement malléable, destiné à s’adapter en permanence aux besoins de l’organisme.

Quand il est négligé, il s’amenuise, voire disparaît. Quand, en revanche, il est mis à contribution plus intensément que de coutume, des «microlésions» apparaissent dans les fibres. Elles reflètent une restructuration du muscle qui casse sa configuration normale et se prépare à entrer dans un état plus adapté à anticiper un effort violent. Cette phase de réparation, douloureuse, est indispensable. Elle fait partie de l’entraînement. Lorsqu’on refait le même effort dix jours après les courbatures, cela se passe généralement sans douleur.

«Tout ce qui intervient dans ce processus, massage compris, n’est donc pas forcément bénéfique, poursuit Bengt Kayser. Les sportifs qui prennent des vitamines ou d’autres antioxydants risquent par exemple de se tirer une balle dans le pied. Un excès de ces produits entrave le développement d’un stress oxydatif indispensable à l’apparition de ces dommages musculaires dont la réparation permet d’atteindre des capacités plus élevées qu’avant. L’effet de l’entraînement serait ainsi amoindri, voire annulé. Idem si l’on prend des anti-inflammatoires. Le mieux, au final, serait de ne rien faire de spécial du tout.»

Microlésions

Quant au massage, il faut être prudent, souligne le professeur. Cette pratique comporte aussi des risques. Une manipulation trop violente ou mal effectuée peut engendrer des microlésions similaires à celles dues à l’effort physique.

Outre ses vertus de bien-être, le seul bénéfice du massage que relève la littérature scientifique est celui, probable, contre le mal de dos chronique. S’il possède également des effets contre les courbatures – le témoignage de plusieurs millénaires de sportifs plaide sa cause à défaut de preuves scientifiques –, on ignore par quel mécanisme physiologique. Dans ce contexte, l’étude parue dans Science Translational Medecine montre peut-être le chemin à suivre pour en savoir plus. Mais, pour le professeur genevois, il ne s’agit pour l’instant que d’un petit pas.

Courbatures mode d’emploi

  • La meilleure technique contre les courbatures c’est la prévention. Il ne s’agit pas d’éviter de faire un effort physique, au contraire, mais de le doser convenablement, surtout en début de saison. Ensuite, rien n’empêche de monter en intensité.
  • Les techniques consistant à consommer des antioxydants (vitamines ou autres), à boire beaucoup d’eau durant l’effort, à faire des étirements après, etc. n’ont jamais apporté la preuve de leur efficacité quant à éviter ou soulager les courbatures. Certaines d’entre elles pourraient s’avérer contre-productives.
  • Si la douleur est supportable, le mieux est de ne rien faire et laisser le muscle se réparer naturellement. C’est un processus normal qui fait partie de l’entraînement.
  • Un massage, s’il est bien effectué par un spécialiste et juste après l’effort, peut soulager la douleur qui survient généralement un jour après. Peut-être au prix des avantages offerts par l’entraînement.
  • Si la douleur est insupportable, il peut être indiqué de prendre un antalgique. Tant pis pour l’entraînement.

Le lactate déclaré innocent

Une chose est sûre: le lactate, ou l’acide lactique qui lui est dérivé, ne joue aucun rôle dans la survenue des courbatures, contrairement à une croyance largement partagée dans la population. Par conséquent, il ne sert à rien de masser un corps éreinté par l’effort si le seul objectif recherché consiste à drainer cette substance hors des muscles. D’ailleurs, ces tentatives seraient doublement vaines puisqu’aucun massage n’a réussi à faire diminuer le taux de ce composé dans les tissus. Une étude parue dans la revue Science Translational Medecine du 1er février 2012 l’a encore confirmé récemment (lire ci-dessus).

C’est pourtant un fait, l’exercice physique a pour résultat d’augmenter le taux d’acide lactique dans les cellules musculaires. Durant l’effort, la fermentation lactique (glycolyse anaérobie) transforme en effet le glucose en pyruvate puis en lactate. Ce dernier est ensuite transporté via le sang dans le foie où il est retransformé en pyruvate.

Ce composé doit cependant ne plus être considéré comme un toxique. Il n’est pas un déchet non plus mais un métabolite intermédiaire. Il joue le rôle de navette, véhiculant de l’énergie entre les cellules. Le muscle squelettique est le principal producteur du lactate mais aussi son plus vorace consommateur. Le cœur l’utilise lui-aussi très volontiers tout comme le cerveau.

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