Hypocondrie, une maladie qui se soigne
L’idée d’être infecté par le Covid-19 est une source d’inquiétude partagée par beaucoup en ces temps de pandémie. Les personnes hypocondriaques, elles, vivent l’angoisse d’être atteint d’une maladie au quotidien. Convaincues de souffrir de pathologies diverses ou spécifiques, comme le cancer, à la symbolique très forte, elles vont consulter des médecins pour se rassurer sur leur état de santé. «Si elles sont rassurées, ce n’est toutefois que de façon transitoire, observe Michel Saraga, médecin associé au Service de psychiatrie de liaison du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). L’inquiétude quant à leur état de santé revient vite et les consultations aussi.» C’est un cercle vicieux qui s’installe et devient chronique.
Une vraie maladie
L’hypocondrie est un vrai trouble psychiatrique. Ses causes sont complexes et souvent multifactorielles, liées avant tout à l’anxiété, mais aussi à des bases biologiques et aux événements de la vie. Souvent tournée en dérision, comme dans Le malade imaginaire de Molière, l’hypocondrie est toutefois très handicapante pour les personnes concernées. Ce type d’anxiété n’affecte cependant pas tout le monde avec la même intensité: s’il est assez répandu d’être inquiet à propos de sa santé, la situation devient pathologique quand l’angoisse d’être malade prend une place majeure dans la vie. «On ne peut pas dormir, on fait des consultations excessives et des demandes d’examens… cela peut aller jusqu’à avoir des convictions délirantes, poursuit Michel Saraga. C’est épuisant pour soi comme pour les autres et cela peut mener à l’isolement.» L’angoisse conduit en effet à des difficultés relationnelles, sociales ou professionnelles, et peut induire, paradoxalement, de mauvais comportements pour la santé, comme boire de l’alcool, mal s’alimenter ou faire moins de sport.
Internet, une fausse bonne idée
Avec internet, il est très facile et tentant de consulter les symptômes de n’importe quelle maladie. Mais est-ce une bonne idée? «Consulter internet ne rassure pas les hypocondriaques, prévient le médecin associé. C’est justement le problème avec cette maladie, l’inquiétude revient toujours.» De plus, on peut passer beaucoup de temps sur la toile, le nombre d’informations étant infini. Cela peut alimenter la compulsion (force intérieure qui entraîne un comportement et de l’angoisse s’il est réprimé) et renforcer le mécanisme de l’hypocondrie. En revanche, internet peut se montrer utile s’il est utilisé dans le cadre de discussions et d’échanges avec d’autres hypocondriaques. Il existe aussi de nombreuses ressources en ligne pour lutter contre les troubles anxieux, comme des méthodes de relaxation et de travail cognitif comportemental (lire plus loin).
Soigner son hypocondrie
L’hypocondrie n’est toutefois pas une fatalité. Elle peut être due à une période de vie anxieuse, lors d’un changement de travail, de logement ou de problèmes dans la vie amoureuse. La situation peut donc passer avec le temps. Si elle persiste, on peut néanmoins consulter, même s’il est très difficile de se déclarer hypocondriaque. «La plupart des personnes hypocondriaques consultent avant tout au sujet de leur maladie présupposée, afin d’être rassurées de ne rien avoir. À partir du moment où leur médecin mesure le problème, un dialogue peut s’engager pour parler d’hypocondrie», avance Michel Saraga.
Une fois le trouble reconnu et accepté, on peut suivre une psychothérapie, comme une thérapie cognitive comportementale (TCC). Elle consiste à désamorcer des comportements problématiques et des pensées négatives. «Si une personne hypocondriaque a tendance à appeler des médecins à chaque inquiétude, le comportement alternatif à travailler serait d’aller marcher plutôt que de téléphoner.» À cela s’ajoute un travail sur le plan cognitif, afin de corriger les erreurs de raisonnement et les fausses croyances («si j’appelle les médecins, je serai rassuré»). D’autres approches comme la psychanalyse et la thérapie systémique sont envisageables, de même qu’une prise de médicaments. Enfin, on peut essayer soi-même d’autres approches, comme la relaxation et le travail corporel (lire encadré).
Changer le rapport à son corps
Les personnes hypocondriaques portent toute leur attention sur leur corps et leurs symptômes imaginaires. Pour changer ce rapport anxieux, on peut passer par un travail corporel, par exemple au travers de la physiothérapie, de la psychomotricité ou du sport. «Quand on fait une activité physique de manière ludique, le corps n’est plus l’objet de l’attention et cela permet d’avoir un rapport au corps qui passe par le jeu et le plaisir», explique Michel Saraga, médecin associé au Service de psychiatrie de liaison du CHUV. De plus, le sport a un impact positif sur l’humeur et diminue le stress.
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Paru dans le hors-série « Votre santé », La Côte, Novembre 2020.