Le piment pourrait aider à prévenir l'hypertension

Dernière mise à jour 08/03/18 | Article
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Alors que l'hypertension devient une menace de plus en plus inquiétante pour la santé mondiale, le rôle potentiellement bénéfique d'aliments épicés vient pour la première fois d'être mis en évidence dans le cerveau.

L'hypertension, dont la prévalence mondiale a considérablement augmenté durant les dernières décennies, sera probablement en 2020 la première cause de décès et d'invalidité, prédisent les spécialistes. Elle qui constitue déjà le premier facteur de risque tant pour l'attaque cérébrale (accident vasculaire cérébral, AVC) que pour l'infarctus du myocarde ou la maladie rénale chronique.

Or, le principal facteur de risque de l'hypertension elle-même est sans conteste la consommation de sel dans l'alimentation, ce sel qui, au même titre que d'autres ingrédients, joue un rôle majeur dans le plaisir subjectif que nous procure la nourriture. C'est pour cette raison que l'OMS, dans ses objectifs de réduction de la mortalité en 2025, a proposé de faire baisser de façon drastique la consommation mondiale de sel alimentaire.

Et pourtant: dans la plupart des pays, la consommation individuelle de sel continue à dépasser allégrement le plafond de 5 grammes par jour recommandé par l'OMS, malgré toutes les campagnes menées depuis des années partout dans le monde. Il est vrai qu'un taux élevé de sel dans les aliments affecte la sensibilité au sel, ce qui peut mener à une demande accrue de plats très salés, un cercle vicieux qu'il convient aussi de casser.

Il est donc manifestement urgent de trouver une voie supplémentaire pour parvenir à l'objectif de l'OMS, et incidemment pour préserver à long terme la santé de la population mondiale.

Epices et chlorure de sodium

L'étude multicentrique que vient de publier dans la revue Hypertension une équipe du Chonquing Institute of Hypertension et de l'Académie chinoise des sciences pourrait permettre d'y parvenir. Les chercheurs et médecins qu'ont réunis Zhiming Zhu et Quiang Li sont partis de la constatation, déjà ancienne, que la consommation d'aliments épicés jouait généralement un rôle protecteur contre les maladies cardio-métaboliques, et que la capsaïcine (l'alcaloïde actif dans le piment et responsable du goût piquant) pouvait influencer la sensation gustative face à un plat salé.

Ils ont donc voulu voir si la présence d'épices dans l'alimentation pouvait influencer la perception du goût salé, et si la consommation d'aliments épicés pouvait ou non mener à une réduction de la consommation de plats salés, ainsi que –principal bénéfice attendu– à une réduction de la pression artérielle.

Pour cela, ils ont recruté 606 adultes chinois âgés de 18 à 65 ans, sur la base de critères très stricts excluant par exemple les femmes enceintes, des sujets souffrant de cancer ou encore des individus abusant des drogues ou de l'alcool. Ils se sont aussi efforcés de bien répartir leur échantillon selon les diverses provinces de leur vaste pays, les habitudes alimentaires variant beaucoup d'une région à l'autre de la Chine.

Trois dégustations

Dans le but d'étudier tout d'abord la capacité de leurs sujets à évaluer le côté salé et épicé de la nourriture, les chercheurs les ont soumis à trois tests gustatifs, après un jeûne strict d'au moins quatre heures.

Au cours du premier test, les participants devaient indiquer, parmi quatre échantillons plus ou moins épicés, quelle était la solution de capsaïcine qui leur plaisait le plus. Dans un deuxième test, les sujets devaient identifier, parmi cinq solutions plus ou moins (ou pas du tout) salées, celle qu'ils pensaient être effectivement salée. Enfin, au cours du troisième test, les participants devaient indiquer quelle était, parmi les quatre solutions très salées qui leur étaient présentées, celle qui était intolérable à leur goût. Il va sans dire que tous les échantillons étaient présentés dans le désordre et que leurs concentrations en sel n'étaient pas annoncées.

Pour leurs réponses, les sujets se référaient à une sorte «d'échelle du plaisir» où le goût extrêmement plaisant avait la valeur +3, la solution déplaisante -3, et où 0 correspondait aux échantillons auxquels ils étaient indifférents.

Il est ainsi ressorti de cette première phase de l'étude qu'environ deux tiers des individus n'étaient pas trop amateurs de sel, qu'un tiers des sujets était très accro aux solutions salées, et que le dernier tiers se situait entre les deux. Et sans surprise, il s'est avéré que le groupe le plus attiré par le goût salé était aussi celui dont la consommation effective de sel était la plus importante, ce qui a été confirmé par la mesure de la quantité de sodium évacuée en 24 heures dans leur urine. Leur pression artérielle moyenne, en outre, était la plus élevée.

La preuve par le cerveau

Les chercheurs ont alors voulu voir, toujours sur la base de ces tests, dans quelle mesure l'attraction pour le goût épicé était ou non associée à la préférence pour le sel, et indirectement à sa consommation. Il s'est alors vérifié que ceux qui avaient le plus envie de plats épicés étaient aussi ceux qui consommaient le moins de sel.

Ces constatations plus ou moins subjectives devaient être confirmées par des mesures plus rigoureuses, obtenues par imagerie médicale sur les zones impliquées dans le cerveau. Il a ainsi été confirmé pour la première fois, grâce à la tomographie par émission de positrons (PET), que non seulement le goût variable pour le sel correspondait bien à des activités différentes dans le cortex orbito-frontal (partie du cerveau impliquée dans l'attirance pour des goûts agréables) et dans ce que les spécialistes nomment l'insula, mais que l'activité métabolique du cerveau était nettement modifiée lors de l'injection de capsaïcine, une association que les chercheurs ont aussi reproduite dans des modèles animaux.

Il était donc établi que l'attirance pour des plats épicés était associée à une modification du traitement de l'information par le cerveau menant à une plus grande sensibilité gustative aux plats salés, ce qui induit une moindre consommation de sel et incidemment une baisse de la tension artérielle.

Cette étude n'a certes porté que sur des sujets chinois, dont les habitudes alimentaires et le goût pour les plats épicés sont très spécifiques au pays, mais elle ouvre néanmoins une perspective intéressante pour la prévention de l'hypertension. «En ajoutant un peu d'épices dans votre alimentation, conclut l'un des auteurs, vous pouvez vous faire des plats qui seront goûteux sans avoir à ajouter autant de sel».

L'idéal –ajoute l'éditorial qui accompagne l'article– serait de lancer maintenant une étude prospective sur les effets d'une addition d'épices dans l'alimentation, avec des mesures très précises de la consommation de sel.

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Référence: Li Q et Zhu Z, dans Hypertension 2017 Dec;70(6):1291-1299.

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