Les préadolescents ne bougent plus assez

Dernière mise à jour 07/10/19 | Article
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Selon une étude réalisée par l’Université de Genève, les enfants perdent l’envie de se dépenser, dès l’âge de 9 ans déjà. Implications et solutions.

C’est un fait. Nous vivons dans une société de plus en plus sédentaire, ce qui entraîne de nombreux problèmes de santé. Une tendance qui n’épargne pas les plus jeunes, eux-mêmes très exposés au surpoids (qui touche environ 16% des Suisses de 6 à 12 ans). On sait que l’adolescence marque un tournant par rapport au plaisir de bouger. Puberté, redéfinition de l’image corporelle, focus sur la réussite scolaire, importance croissante des pairs, fascination pour les écrans, etc., détournent bien souvent l’adolescent de la pratique d’une activité physique. D’où un constat implacable : plus les enfants grandissent, moins ils sont actifs physiquement.

Des chercheurs de l’Université de Genève ont voulu savoir à partir de quel âge l’envie de se dépenser baisse et surtout pourquoi. Ils ont donc suivi pendant deux ans 1200 élèves genevois, âgés de 8 à 12 ans, dans le cadre des leçons d’éducation physique. Tous les six mois, leur motivation a été évaluée à l’aide de questionnaires ciblés et leur activité physique mesurée au moyen d’accéléromètres durant les cours de gymnastique. L’étude, publiée dans la revue Psychology of Sport and Exercise, montre que les enfants perdent, dès l’âge de 9 ans déjà, l’envie de se dépenser. «Ce déclin n’avait jamais été constaté à un si jeune âge», commente Julien Chanal, maître d’enseignement et de recherche à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. Un constat peu réjouissant, quand on sait que les bonnes habitudes de vie se créent (ou ne se créent pas!) durant l’enfance, en particulier pour l’activité physique.

Bonnes et mauvaises motivations

Quelle est l’origine de cette baisse de l’envie de bouger? «La motivation à faire du sport est un phénomène complexe et multifactoriel», précise d’entrée le Pr Bengt Kayser, directeur de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL). Dans le cadre de l’étude genevoise, on constate très tôt une forte baisse des motivations «positives» dans la pratique de l’éducation physique, comme bouger pour le plaisir ou pour sa santé. Plus l’enfant grandit, plus ces motivations positives cèdent la place à des motivations «négatives» car non autodéterminées, comme vouloir une bonne appréciation, améliorer son image auprès des camarades, faire plaisir aux autres ou éviter la culpabilité. En effet, «un enfant dont le seul moteur est l'appréciation que l’enseignant lui accorde pour une performance en classe n'aura pas de motivation à pratiquer une activité physique ou sportive de manière autonome et délibérée en dehors de l'école», explique Julien Chanal. De même, adopter un comportement pour la seule image que lui renvoient les autres ne conduit pas à le reproduire, du moment qu'il est seul. En réalité, seules les motivations reliées aux besoins fondamentaux de l’enfant et autodéterminées ont une influence favorable sur le maintien d’une activité physique à long terme. «Si, en pratiquant une activité physique, l’enfant a le plaisir de découvrir l’activité en question, s’il a le sentiment d’être compétent, s’il se sent connecté à ses pairs et uni dans le groupe, et si cela relève de son propre choix, alors il aura plaisir à renouveler cette expérience», poursuit le chercheur.

Peu de temps pour le mouvement

Dans une étude précédente, les chercheurs ont par ailleurs montré que le temps réel consacré au mouvement durant la «gym» est minime, beaucoup de temps étant dédié aux explications pédagogiques. Ainsi, les élèves genevois ne sont actifs que durant 38% des 135 minutes hebdomadaires d’éducation physique agendées au programme. Or, l’école obligatoire joue un rôle majeur dans la culture de l’activité physique, en particulier pour les enfants qui sont peu actifs en dehors de l’établissement. Une mission qui ne peut être remplie que si l’«on tient compte du bagage de chaque élève (génétique, éducation, etc.) pour garantir le plaisir et éviter de générer des sentiments d’injustice et de frustration, néfastes dans la poursuite de ce but», commente le Dr Boris Gojanovic, médecin du sport à l’Hôpital de la Tour et consultant SportAdo au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Bouger pour bien grandir

Car, faut-il le rappeler, il est capital pour un enfant, individu en construction, d’être actif, poursuit le Pr Kayser: «Pour qu’il grandisse de façon optimale, ses os, ses muscles et ses tendons doivent être souvent sollicités. Un os se solidifie lorsque l’enfant sautille et tombe, et un muscle se développe s’il est mis sous tension». Bouger permet également d’avoir une bonne coordination neuromusculaire. De même, un minimum de dépense énergétique est indispensable pour garder un poids sain et éviter les conséquences du surpoids (diabète, hypertension, maladies cardio-vasculaires et cancer).

Ancrer de bonnes habitudes est donc important autant pour la santé physique que psychique durant toute la vie. «Malheureusement, ces messages de prévention, qui visent le long terme, ne parlent pas aux plus jeunes, admet le Dr Gojanovic. Il faut insister sur les effets positifs de l’activité physique à court terme.» Et ils sont nombreux: meilleur sommeil, meilleur moral, plus d’énergie. Sur le plan cognitif, plusieurs études ont montré que les enfants qui produisent un effort modéré avant un temps d’école – y compris durant la récréation – améliorent leur concentration et leurs performances cognitives dans les quelques heures qui suivent. « L’activité physique accroît le développement de l’hippocampe, une zone du cerveau impliquée dans les processus de mémoire et d’apprentissage », explique le Pr Kayser.

Dès lors, afin d’encourager enfants et ados à bouger, les auteurs de l’étude insistent sur la nécessité de repenser la nature même des cours d’éducation physique pour introduire un maximum de mouvement, étant donné que les jeunes sont moins actifs qu’avant. « Structurer le temps du parascolaire autour de l’activité physique est également une piste intéressante pour toucher les différentes couches de la population », déclare Julien Chanal. Pour le Pr Kayser, favoriser le mouvement passe aussi par une meilleure compréhension des comportements en la matière et des facteurs (famille, niveau socio-économique, environnement, culture, etc.) qui les influencent. C’est tout le travail de l’étude SOPHYA, qui s’est intéressée aux pratiques des Suisses de 6 à 16 ans et qui se poursuit actuellement pour mesurer l’impact de l’activité physique sur la santé des participants.

Encourager son enfant à être physiquement actif

L’OMS préconise au moins 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à soutenue chez les 5 à 17 ans. Conseils pour stimuler votre enfant:

  • Offrez-lui suffisamment de temps et d’espace pour se dépenser, seul ou avec ses pairs. Trottoirs, murets, équilibre dans les transports publics: transformez la vie en terrain de jeu.
  • Montrez l’exemple! Les enfants héritent pour beaucoup des comportements de leurs parents. Vous n’êtes pas sportif ou pas en bonne santé? Remettez-vous doucement en mouvement. Si besoin, adressez-vous à une consultation de médecine du sport.
  • Accompagnez votre enfant dans sa pratique. Faire du sport en famille est un excellent moteur et renforce les liens.
  • Les écrans sont source de sédentarité, elle-même néfaste même si votre enfant est actif. Imposez des règles strictes à la maison et proposez des activités à l’extérieur, là où la question des écrans ne se pose pas!
  • Profitez de chaque occasion pour intégrer le mouvement au quotidien: accompagnez votre enfant à l’école à pied, à vélo ou en trottinette, en vous assurant au préalable de sa sécurité.
  • Si possible, en matière de loisirs, variez les plaisirs et proposez-lui au moins une activité sportive. Néanmoins, nul besoin que les activités soient dirigées pour être bénéfiques.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 08/09/2019.

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