Les troubles de l’autisme affectent un humain sur cent
De quoi on parle?
Les faits
Mercredi 2 avril, ce sera la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Comme chaque année depuis 1989, elle vise à mieux informer le grand public sur ce trouble neurodéveloppemental.
La suite
En Suisse romande comme dans les autres régions du pays, de nombreux événements sont organisés pour l’occasion (lire encadré).
Et il y en a beaucoup quand il est question d’autisme. «On imagine souvent des personnes enfermées dans leur monde avec un retard mental», constate Mandy Barker, pédopsychiatre à la Consultation Libellule, à Lausanne, spécialisée dans ce trouble. Or cette image est réductrice, voire inexacte. Il existe toute une variété de «troubles du spectre autistique (TSA)», qui sont légers, modérés ou sévères et touchent une personne sur cent – les garçons plus que les filles.
Ces affections ont des causes multiples, dont certaines sont génétiques ou héréditaires (comme la transmission du syndrome de l’X fragile). En revanche, les effets néfastes de l’alimentation, des pesticides ou de la prise d’antidépresseurs pendant la grossesse ont été évoqués, mais pas confirmés. «On est très loin de comprendre l’origine de ces troubles», reprend la pédopsychiatre. Seule certitude: les mères, longtemps désignées comme à l’origine du mal, ne doivent pas se sentir coupables: les relations qu’elles entretiennent avec leurs enfants n’ont rien à voir dans l’affaire.
Les monuments romands se parent de bleu
Le 2 avril, la cathédrale de Lausanne, le château de Nyon et celui de Tourbillon à Sion, le jet d’eau de Genève ainsi que d’autres bâtiments et lieux symboliques s’illumineront de bleu, «la couleur de l’autisme», précise Isabelle Steffen, présidente du comité d’organisation pour la Journée mondiale de l’autisme en Suisse romande. Une initiative de soutien aux autistes et à leurs proches baptisée «Light It Up Blue», lancée par l’ONG Autism Speak en 2010 à laquelle la Suisse s’est associée l’an dernier.
Le soir, le Rolex Learning Center de l’EPFL accueillera un spectacle «créé, réalisé et interprété par des élèves non autistes du Collège Champittet et par des adolescents autistes de la structure éducative La Strada à Lausanne» pour exposer les difficultés que rencontrent les autistes au quotidien.Sans oublier l’édition d’une BD pour sensibiliser «de façon originale», selon Isabelle Steffen, tous les publics à cette maladie. Toutes les manifestations en Suisse romande sur www.autisme.ch
Une mise en retrait
Les TSA se caractérisent par des difficultés à établir des relations sociales et à communiquer. A cela s’ajoutent des troubles du comportement qui se manifestent notamment par des activités «répétitives et stéréotypées: les petits allument et éteignent sans cesse les interrupteurs, ils alignent leurs jouets, etc.», précise Mandy Barker. En fait, les autistes ne refusent pas d’interagir avec leur entourage, «mais ils ne savent pas comment s’y prendre». D’autant qu’ils ont souvent des problèmes de langage et font preuve d’une «hypersensibilité sensorielle», au bruit par exemple. Autant de facteurs qui expliquent leur tendance à se mettre en retrait.
Si certains ont des difficultés d’apprentissage, d’autres ont de bonnes facultés intellectuelles. Lorsqu’ils s’intéressent à un sujet, leurs connaissances sont supérieures à la moyenne, reprend le médecin: «Ils pourront vous citer tous les modèles de voitures, les joueurs de foot ou les noms des dinosaures.»
Diagnostic précoce difficile
L’autisme peut par ailleurs aussi s’accompagner de manifestations cliniques: troubles du sommeil, alimentation sélective ou réponses à la frustration par des accès de colère.
Autant de signes qui peuvent alerter les parents. Néanmoins, la détection précoce des TSA est difficile, car les troubles se développent lentement. Certes, à 12 mois, «les futurs autistes ne répondent pas à leur prénom et ont moins de mimiques faciales que les autres enfants. Toutefois, avant 16 ou 18 mois, on voit très peu de chose», constate Mandy Barker. Ce n’est souvent qu’à partir de ce moment-là que «les parents commencent à être préoccupés, mais ils attendent souvent avant de consulter».
Le dépistage pourrait passer par le suivi du regard, car les autistes ont notamment tendance à se focaliser sur des détails sans prêter attention à l’ensemble de la scène. Or, explique le pédopsychiatre, un spécialiste américain a réussi à montrer «qu’à partir de 2 mois, les enfants autistes ont déjà des particularités et qu’à 6 mois, leur regard suit des trajectoires différentes de celles des autres enfants». Mais les instruments permettant de mesurer ces singularités manquent encore.
Il faudrait pourtant pouvoir intervenir le plus tôt possible. Car l’autisme ne se guérit pas, mais, à l’aide d’une prise en charge multidisciplinaire, «les enfants progressent et certains peuvent intégrer une scolarité ordinaire, à condition d’être aidés». L’idéal est «une prise en charge précoce et intensive» dans des structures comme le Centre de consultation spécialisée en autisme (CCSA) qui a ouvert en 2009 à Genève. Ces institutions sont néanmoins très peu nombreuses en Suisse, c’est pourquoi Mandy Barker et ses collègues travaillent à la mise en place d’un programme personnalisé qui viendrait en aide aux enfants et aux familles. Car leur entourage a, lui aussi, besoin de soutien.
La recherche avance
Certaines recherches préliminaires laissent espérer la mise au point de nouveaux traitements.
Un médicament diurétique utilisé depuis longtemps, le bumétanide, semble avoir contribué à diminuer la sévérité des troubles chez soixante enfants puis sept adolescents qui semblaient «plus présents», selon leurs parents. C’est ce qui ressort de deux essais cliniques menés à Lausanne par une équipe de l’EPFL et en Bretagne par des chercheurs français. Des essais de plus vaste ampleur pourraient bientôt être lancés.
Une équipe française a administré par voie intranasale de l’ocytocine, hormone connue pour son rôle dans l’attachement maternel et le lien social, à treize personnes autistes. Les chercheurs ont constaté que les volontaires sous ocytocine regardaient plus attentivement des visages et que l’hormone favorisait le rapprochement social. Ces résultats ainsi que les effets à long terme restent à confirmer.
Des expériences faites sur des souris montrent que certaines bactéries intestinales atténueraient, voire supprimeraient, les symptômes. De nombreux enfants autistes ont en effet une flore intestinale (microbiote) altérée. Des chercheurs américains ont donc injecté dans l’intestin des rongeurs une «bonne» bactérie, Bacteroides fragilis, et ils ont constaté qu’elle restaurait chez les souriceaux un comportement normal en termes d’anxiété et de communication. En revanche, ils n’ont pas noté d’amélioration du comportement social.