Tabac: faut-il faire vraiment peur aux fumeurs?
La dernière initiative antitabac prise aux Etats-Unis par les Centers for Diseases Control and Prevention (CDC) ne manque pas de sel. Comme on peut le voir ici les autorités sanitaires américaines nous donnent à voir, sous diverses coutures, des victimes du tabac. Et ces victimes nous exhortent à ne pas commettre la même erreur qu’elles. Et alors, dira-t-on. Le tabac est nocif et, pour sa santé, mieux vaut ne pas fumer. Pourquoi ne nous le redirait-on pas sous une nouvelle forme? Certes. Rien n’interdit néanmoins de réfléchir à cette question. L’objectif recherché (la réduction si possible drastique de la consommation et du nombre des fumeurs) justifie-t-il les moyens employés (faire peur)?
Résumons. Au fil du temps nous nous sommes habitués à voir la puissance publique réduire progressivement, au nom de leur santé, le libre arbitre des consommateurs de tabac. Ou plus précisément tenter de le réduire. Nous connaissons tous l’éventail des moyens dont disposent ici les autorités sanitaires. Il s’agit pour l’essentiel d’augmenter les prix. Il s’agit aussi d’exiler les consommateurs en les parquant dans des espaces de plus en plus réduits où ils peuvent d’adonner à leur addiction sans nuire à la santé des non fumeurs. Mais il s’agit aussi depuis peu de faire peur à ceux qui ne parviennent pas d’eux-mêmes à briser le cercle de leur dépendance.
Après avoir imposé des limites aux espaces et au contenu des messages publicitaires des cigarettes (et autres produits dérivés de la feuille de l’herbe à Nicot) la puissance publique a, dans différents pays décidé d’imposer des contre-publicités. Cela se fait depuis des slogans (du style Fumer tue ou Fumer rend impuissant(e)) jusqu’à des photographies ornant les paquets de cigarettes et montrant les différents aspects de la déchéance physique directement imputables à la consommation chronique de tabac. Avec les CDC on passe au stade de la vidéo doublée de la repentance affichée. Il reste dans ce domaine beaucoup de chemin à parcourir. On imagine, demain des responsables d’accidents de la circulation ou des malades souffrant de cirrhose alcoolique au stade terminal exhorter les spectateurs à ne jamais dépasser les frontières de la modération; des victimes d’infarctus du myocarde prier pour le respect d’une vie hygiénique et diététique; des victimes de cancers du sein ou de la prostate faire la promotion du dépistage.
En pratique tout ou presque est aujourd’hui possible, sur des deniers publics, au nom de la santé publique. Il reste néanmoins à évaluer l’efficacité des actions menées. En matière de tabac il est d’ores et déjà acquis que l’on ne peut augmenter brutalement à l’infini les prix. Plus exactement une telle mesure (un équivalent doux de la prohibition) conduit aux effets d’un sevrage collectif sans préparation avec adoption de conduites de nature à troubler l’ordre public et émergence de réseaux d’économie souterraine. On ne peut non plus exiler aux antipodes de toute vie sociale près d’un tiers de la population adulte.
Reste le recours aux images et les sons publicitaires visant à vous dégoûter du tabac en vous faisant peur. Pour l’heure les premières expériences menées sur ce thème né du comportementalisme n’on pas été particulièrement fructueuses. Pire on peut raisonnablement craindre que ces violentes mises en garde n’aient paradoxalement un effet incitatif auprès des adolescent(e)s, soit précisément celles et ceux qui sont la cible hautement privilégiée des multinationales de tabac.
Reste, aussi, l’action de l’Etat. Un peu partout dans le monde la puissance publique a vite jugé hautement rentable d’instaurer sur le tabac une nouvelle et substantielle gabelle. La cigarette après le sel et avant le sucre. Or à la différence notable du sel et du sucre les taxes sur le tabac sont instaurées sur un produit qui transforme en esclave celles et ceux qui le consomme. Et chacun peu constater que le passage de la consommation-liberté à la consommation-pathologique ne s’accompagne d’aucune forme de rébellion collective. Mieux, la rébellion ne viendrait que si le tabac (l’alcool, ou les jeux de hasard, etc.) n’était plus immédiatement disponible. Les addictions dépénalisées et fiscalisées sont la version démocratique de la servitude volontaire et citoyenne. Rien dès lors n’interdit aux fumeurs d’avoir peur.
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Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.