Entre médecins et patients, partageons la décision
Loin du modèle paternaliste, où le malade était réduit au statut d’enfant pour lequel il fallait décider, la relation médecin-patient, telle qu’elle se vit depuis ces vingt dernières années, est basée sur un modèle de partage où les deux participent, ensemble, à la prise d’une décision médicale. Le soignant est responsable d’apporter l’information la plus complète possible sur les risques, les bénéfices ou les incertitudes liés à une intervention médicale. Le soigné, pour sa part, connaît le mieux ce qui est important pour lui en fonction de ses valeurs et de ses préférences.
Ce modèle est appréciable lors du choix d’interventions comme le dépistage du cancer de la prostate où l’efficacité du test reste incertaine. Une étude indique aujourd’hui qu’un dosage précoce et récurrent du PSA (protéine caractéristique de la prostate dont le rôle est de fluidifier le sperme) ne mène pas à de meilleurs résultats en terme d’abaissement du taux de mortalité que l’absence d’une telle mesure. Une autre, au design certes discutable, prétend le contraire, montrant une diminution de 20% du taux de mortalité grâce à un dépistage précoce. Que convient-il donc de choisir? Dans ce contexte d’incertitude quant à l’option à privilégier parmi des options contradictoires, le modèle du partage de la décision médicale prend ici tout son sens.
Aider le partage de la décision
Une enquête réalisée à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne a montré que près de la moitié des patients de la consultation générale souhaitaient être davantage impliqués dans les décisions concernant leur santé. Il s’agit des personnes plutôt jeunes et avec un niveau d’éducation élevé qui sont plus favorable à cette démarche. L’enquête révèle également quelques obstacles à la participation souvent cités comme le jargon médical ou l’incompréhension de la décision à prendre.
Pour remédier à cette situation, les médecins peuvent utiliser des outils d’aide à la décision afin d’améliorer la connaissance chez le patient et son degré de participation dans la prise de décision. Ces outils se présentent sous la forme de brochures ou de vidéos et montrent les enjeux de l’intervention envisagée, souvent au travers d’une présentation graphique. Ils ont été mis au point par plusieurs institutions de santé, notamment dans le domaine du dépistage des cancers pour donner une perception appropriée sur l’objectif du dépistage, les incertitudes, les risques et le rendement du test (probabilités de faux-positifs et négatifs).
Le choix du dépistage par PSA
Dans le cas du dépistage du cancer de la prostate, l’outil d’aide à la décision montre que les résultats escomptés ne sont pas parfaits. Un tel test permet d'éviter seulement un décès sur 1410. De plus, le patient semble avoir 15% de chances que le test soit positif, mais là dessus, une chance sur deux que ce soit un faux positif (un test déclaré comme vrai mais qui est en réalité faux). En définitive pour 1410 patients, le dépistage ne détecte que 48 cas de plus qu’en absence de dépistage. Par ailleurs, ce dépistage par PSA, accompagné d’un toucher rectal, se pratique annuellement et durant plusieurs années consécutives, ce qui peut induire de l’anxiété et de l’inconfort. Incontestablement, une telle situation est un terrain approprié pour une prise de décision partagée. Le choix d’entreprendre un programme de dépistage ou non sera fait en connaissance de cause par le patient et son médecin.
Néanmoins, des réticences existent face à ce modèle, tant au niveau des soignants que des soignés. Des données empiriques suggèrent que les médecins ne semblent pas toujours à l’aise avec la participation active des patients. Sur la base d’une revue de la littérature internationale, qui a répertorié 38 études réalisées dans dix-huit pays, il est montré qu’ils perçoivent plusieurs barrières à une prise de décision partagée: le temps nécessaire au processus manque, certains patients ne sont pas motivés et enfin toutes les situations cliniques ne s’y prêtent pas. Les patients, quant à eux, peuvent s’imaginer que le corps médical cherche, en fin de compte, à faire des économies sur leurs dos en leur évitant des interventions.
Référence
«Dépistage des cancers en pratique clinique: une place privilégiée pour le partage de la décision», Pr J. Cornuz, Dr O. Pasche, PMU de Lausanne, Dr N. Junod, Dr I. Guessous, Unité d’épidémiologie populationnelle, Service de médecine de premier recours, Département de médecine communautaire et de premier recours des HUG, in Revue médicale suisse 2010; 6: 1410-4.
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Cancer du testicule
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 430 nouveaux cas de cancer du testicule, ce qui représente 2 % de toutes les maladies cancéreuses dans la population masculine. Le cancer du testicule touche surtout des hommes jeunes : 86 % des patients ont moins de 50 ans au moment du diagnostic.
Cancer de la prostate
Chaque année en Suisse, environ 6100 hommes développent un cancer de la prostate, qui est le cancer le plus fréquent en général: 30% des cancers chez l’homme sont des cancers de la prostate. Pratiquement tous les patients (99%) ont plus de 50 ans au moment du diagnostic; 47% ont même 70 ans et plus.