Circoncision: anesthésie indispensable, mais pas sans risques
Les circoncisions (soit l’ablation du prépuce, lire notre article «Circoncision: à quoi sert le prépuce» rituelles, pratiquées par exemple dans la communauté juive ou chez les musulmans, se font souvent encore à vif. «Nous sommes totalement opposés à provoquer de la douleur chez un enfant!», souligne le Pr Olivier Reinberg, médecin adjoint au Service de chirurgie pédiatrique au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) à Lausanne.
A relever que jusqu’en 1987, on pensait encore que les bébés ne sentaient pas la douleur ou y étaient moins sensibles. Aujourd’hui, on sait que tel n’est pas le cas, puisque les bébés et même les fœtus avant la naissance, ressentent la douleur.
Mémoire de la douleur
De plus, l’expérience de la douleur provoque des traumatismes, une mémoire de la douleur, comme cela a été prouvé par une importante étude américaine sur des enfants nord-américains circoncis en période néonatale ou postnatale, en 1986-1987.
Que ce soit pour une circoncision, ou une autre intervention chirurgicale, un enfant doit donc être opéré sous anesthésie. Et il lui faut une anesthésie générale, car les techniques d’anesthésie locale, proposées encore par certains médecins, sont insuffisantes. En effet:
- Le gel anesthésiant à base de lidocaïne (EMLA) doit être appliqué 30 à 60 minutes avant l’opération et la verge emballée dans un pansement occlusif pour que le gel soit efficace. «Mais au mieux on obtiendra une anesthésie de la peau externe du prépuce. La peau intérieure et le gland resteront toujours sensibles à la douleur. Ce n’est donc pas du tout une bonne solution!», déplore le Pr Reinberg.
- De même, une simple anesthésie locale, à l’aide d’une injection à la base de la verge ne va pas agir au bon endroit, même si elle agit plus en profondeur. Et la piqûre sera de toute façon douloureuse aussi pour l’enfant.
- Pour endormir complètement la verge, on peut procéder à la technique dite du «bloc pénien», consistant à anesthésier les nerfs spécifiques du pénis. Ce geste délicat – car l’aiguille ne doit toucher ni la vessie ni l’urètre – doit impérativement être exécuté par un anesthésiste, et de préférence ayant une large expérience en pédiatrie.
Anesthésie combinée
«Avec un bloc pénien, l’enfant ne sentira aucune douleur pendant l’intervention. Par contre, au moment de faire cette anesthésie, il risque de bouger, de peur et par douleur, explique le Pr Reinberg. C’est pourquoi les anesthésistes pédiatres avec qui nous collaborons, utilisent une technique combinée: l’enfant est anesthésié au masque et, une fois qu’il est endormi, nous procédons au bloc pénien sans qu’il ne ressente rien. Ainsi l’enfant peut se réveiller facilement de l'anesthésie, et sans douleur pendant plusieurs heures.»
Les risques de la narcose
Certaines cultures préconisent la circoncision pour des raisons rituelles à vif, et juste après la naissance, ou très peu de temps après. Or, mieux vaudrait retarder ce moment. Car plus un enfant est jeune, plus le risque d’apnée (=arrêt respiratoire pouvant mener au décès) est accru et plus il dure plus longtemps après une anesthésie générale. Ce risque est beaucoup plus faible chez les adultes, qui sont toutefois toujours surveillés en salle de réveil.
Au CHUV et à l'HEL (Hôpital de l'Enfance) à Lausanne, on suit les recommandations de la Société canadienne d’anesthésie. Elle fixe à 50 semaines d’âge gestationnel (soit 2,5 mois après la naissance pour une nouveau-né à terme) le moment à partir duquel on peut procéder à une anesthésie en ambulatoire (l’enfant rentre chez lui après l’intervention). Cette limite est de 55 semaines pour les prématurés. A ces âges, le risque d’apnée devient quasi nul, après une surveillance appropriée.
Lorsqu’il faut une anesthésie pour un enfant plus jeune, il doit rester hospitalisé après l’intervention et est placé sous monitorage d’apnée – un appareil détecte les arrêts respiratoires et donne un signal d’alerte au personnel soignant.
Pour les circoncisions pratiquées avant l’âge de 1,5 mois, le service de chirurgie pédiatrique du CHUV et à l'HEL procède à l’anesthésie le matin. Ensuite, l’enfant est gardé toute la journée sous surveillance à l’hôpital et peut rentrer le soir, pour autant que le réveil n'ait posé aucun problème.