La musique aide les prématurés dans leur développement
«Par rapport à un enfant né à terme, un bébé prématuré a presque tout à apprendre», note Lara Lordier, assistante de recherche au Service de développement et croissance du Département de l’enfant des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En effet, de nombreuses compétences se mettent en place chez l’enfant vers la fin de la grossesse. S’il naît prématurément (à moins de 37 semaines de gestation, parfois même jusqu’à 24 semaines seulement), le nourrisson aura notamment de la difficulté à se nourrir par la bouche, à réguler sa température, voire à respirer dans le cas d’une grande prématurité.
Pour pallier ces problèmes et aider le bébé à se développer le mieux possible, on emploie différentes techniques de soins de soutien au développement. Il s’agit par exemple de s'assurer que l’enfant soit confortable et que son rythme d’éveil et de sommeil soit respecté, de lui éviter des dépenses inutiles d’énergie et de le guider progressivement d'une alimentation par sonde vers une alimentation par la bouche.
«La position des prématurés dans leur couveuse est importante, note la chercheuse. Ces enfants peinent à saisir leur environnement et se sentent vite perdus dans l'espace. Nous les entourons de coussins pour leur confort et pour qu’ils puissent se regrouper.» On glisse également des panneaux texturés au bord de leurs lits pour leur donner un point de repère visuel.
Enfin, dès que possible, un contact peau à peau entre les parents et le bébé est pratiqué. «Le bébé entend alors le cœur de ses parents, et profite de leur chaleur corporelle», note Lara Lordier.
Conditionnés pour leur bien
C’est dans ce cadre que des recherches sont menées sur l’exposition des prématurés à la musique. Par exemple, dispensée à l’aide d’une tétine électronique. Une étude récente réalisée à Nashville a été menée auprès de prématurés de 34 à 35 semaines. Elle a montré que ces derniers parvenaient en moyenne une semaine plus vite à se nourrir seulement par la bouche si on leur proposait une tétine spéciale. Quand ils la tètent correctement, cette tétine diffuse un enregistrement de leur mère chantant une berceuse.
Pas évident, en effet, pour un prématuré de coordonner sa respiration, sa déglutition et un mouvement de succion qui lui coûte beaucoup d’énergie. On utilise donc la tétine pour lui permettre de s’exercer à une bonne succion.
Le dispositif employé dans l’étude en question mesure la qualité de succion. S’il détecte une succion adéquate, il déclenche l’enregistrement de la voix de la mère, la récompense dans ce processus de conditionnement. Elle constitue un répit, peut-être aussi, dans les services de néonatologie. Car malgré d'importants efforts, ces services sont tout de même des lieux de médecine aiguë et donc des lieux bruyants.
Harpes, cloches et pungi
A Genève, Lara Lordier (membre de l’équipe de recherche de la Professeure Petra Hüppi) mène des recherches sur l’utilisation de la musique dans le soin des prématurés. Soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, l’équipe de recherche souhaite déterminer l'effet qu’a une diffusion de musique sur l’évolution des enfants nés trop tôt.
Tous les jours durant l’hospitalisation des enfants, lors des soins du matin ou du soir, on leur diffuse avec un petit casque une musique spécialement composée par le musicien suisse Andreas Vollenweider. «Il est venu dans notre unité essayer de nombreux instruments pour voir quel effet ils avaient sur les bébés, se souvient la chercheuse.» En a résulté une musique apaisante et adaptée aux nouveau-nés prématurés, sans paroles: sans mélodie proprement dite, avec des sons de harpe, de pungi (la flûte du charmeur de serpents) et de cloches. Expérience faite, elle est très relaxante.
Le développement de ces enfants est suivi durant leur hospitalisation, notamment par une évaluation du cerveau et de ses fonctions à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). On les examinera à nouveau à l’âge d’un an, puis de deux ans, pour déterminer si l’intervention a été bénéfique pour leur développement à long terme. Si c’est le cas, «cette musique pourrait être utilisée pour aider les prématurés à mieux vivre leur séjour parfois long dans les services hospitaliers, et pour mieux accompagner des gestes tels qu’une prise de sang», imagine Lara Lordier.
Des soins à pas de loup
Dans le travail auprès des prématurés, la douceur et la lenteur s'imposent. Pour ces bébés, les pleurs ne sont pas le moyen principal de manifester leur inconfort, explique Lara Lordier. «Il y a donc des signes, comme le fait d'étendre ses membres ou de bâiller de manière répétée, que le soignant doit apprendre à repérer. Si un prématuré se sent inconfortable, notre premier réflexe est d'accélérer le soin ou la procédure. Ou, au contraire, il faut parfois s'arrêter, respecter un temps de latence pour qu'il puisse se détendre avant de terminer son action.»
Une même préoccupation concerne le bruit. Dans ces services, les soignants sont sensibilisés à éviter les bruits superflus. «Ne pas poser un plateau métallique sur une couveuse, par exemple», explique la chercheuse.
Adapter ainsi les soins à chaque prématuré représente un apport important au soutien d’un meilleur développement.