Cigarette électronique: serait-elle dangereuse pour les artères?
C’est un travail potentiellement dérangeant qui vient d’être publié dans le cadre du congrès de l’American Society for Cell Biology1. Le Pr Chi-Ming Hai de la Brown University y met en lumière les possibles impacts cellulaires d’une exposition à la nicotine. Et en décryptant les processus en œuvre (action de la nicotine contribuant à la formation de plaques d’athérome dans les artères coronaires) il fait valoir que la cigarette électronique n’est pas de nature à réduire de manière significative le risque d’affection cardiovasculaire.
Précieux rapport
Plus qu’une remise en cause de l’intérêt sanitaire de la e-cigarette, il s’agit là d’une incitation à étudier les effets exacts de l’utilisation intensive de ce nouveau dispositif sur l’organisme en général, et sur le système cardiovasculaire en particulier. Et ce d’autant plus que les cigarettes électroniques sont de plus en plus fréquemment présentées comme une nouvelle possibilité de sevrage tabagique.
Une synthèse actualisée des principales données scientifiques et médicales disponibles sur ce thème est disponible dans le rapport (2)rédigé en France par une équipe de spécialistes sous la direction du Pr Bertrand Dautzenberg, spécialiste de pneumologie (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris).
Pas ou peu d’effets cardiaques
Compte tenu de l’absence de combustion, de monoxyde de carbone de particules fines solides, les spécialistes estiment que le recours à la cigarette électronique ne devrait avoir que peu d’effets cardiaques – à l’exception des effets vasomoteurs immédiats de l’arrivée de nicotine dans un organisme sevré de nicotine depuis plusieurs heures. «Des études complémentaires sont attendues mais en tout état de cause, l’effet, s’il existe avec les e-cigarettes, devrait être bien moindre qu’avec les cigarettes, peut-on lire dans ce rapport. En effet, les cigarettes de tabac provoquent une aggravation de l’athérosclérose d’installation lente et une augmentation du risque de spasme et de thrombose d’installation et de régression très rapide.»
Une certitude: fumer des cigarettes de tabac conduit à des dysfonctionnements du muscle cardiaque, alors que le «vapotage» ne modifie pratiquement pas la fonction cardiaque quand on la mesure au moyen d’échocardiographies. «Fumer une cigarette de tabac a d’importantes conséquences, avec des augmentations significatives de la pression artérielle systolique et diastolique et de la fréquence cardiaque, peut-on encore lire dans ce rapport. En revanche, utiliser une e-cigarette n’a produit qu’une légère élévation de la pression artérielle diastolique (augmentation de 4%).»
Pas de risque vasculaire cérébral
On ajoutera qu’à la différence de la «fumée» de tabac, la «vapeur» de l’e-cigarette ne contient pas de monoxyde de carbone et n’a donc pas d’impact sur l’oxygénation du cerveau. «On ne connaît pas à ce jour le risque d’accident vasculaire cérébral sous e-cigarettes, reconnaissent les auteurs du rapport. Mais en théorie, ce risque devrait être plus faible que celui observé avec les cigarettes traditionnelles, voire nul. La nicotine inhalée avec la fumée de tabac a un effet sur le cerveau. La nicotine gazeuse issue de la combustion du tabac se diffuse très rapidement par voie artérielle et provoque chez les fumeurs un effet de shoot cérébral ressenti en moins de 30 secondes, en particulier après une longue période d’abstinence. La prise d’e-cigarette, avec e-liquide contenant de la nicotine, améliore les tests de mémoire chez des fumeurs en abstinence depuis douze heures. En dehors du risque possible d’installation ou de maintenance d’une dépendance nicotinique, il n’est pas connu à ce jour d’autres effets neurologiques de l’e-cigarette.»
Cellules de rats et cellules d’hommes
Dans ce contexte le Pr Chi-Ming Hai fournit de nouveaux éléments qui doivent être pris en compte, du fait de l’usage croissant de la cigarette électronique et de l’attrait qu’elle peut avoir auprès des plus jeunes. Il a mené une recherche expérimentale concernant les effets de la nicotine à la fois sur des cellules musculaires lisses vasculaires de rat et sur des cellules humaines. Il décrypte ainsi la nature du lien existant entre une exposition de ces cellules vasculaires à la nicotine et la formation des plaques d'athérosclérose.
Facteur de risque
La nicotine a pour effet d’augmenter le processus d’invasion des cellules musculaires lisses vasculaires dans la paroi des vaisseaux sanguins. Ce faisant elle favorise la formation en rosettes de microstructures d’adhérence, appelées podosomes. Ces ensembles dégradent la paroi artérielle et favorisent la formation de plaques d’athérosclérose qui constituent un facteur de risque bien connu des affections cardiovasculaires.
Selon le Pr Chi-Ming Hai un tel résultat laisse penser que le remplacement de la cigarette de tabac par la cigarette électronique ne diminuera pas le risque de développement d’athérosclérose et de ses diverses conséquences pathologiques. Il faut néanmoins ajouter que tous les «vapoteurs» n’ont pas recours à des e-liquides contenant de la nicotine et que les dangers sanitaires inhérents à la consommation de tabac dépassent de loin le seul système cardio-vasculaire.
1. Un résumé technique (en anglais) de ce travail est disponible ici (Poster n° 677)
2. Ce rapport (en français) est intégralement disponible ici
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Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.