Cancer du sein: le soutien-gorge n’est pas coupable
L’information vient des Etats-Unis et a été publiée sur le site de la revue Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention.(1) Une équipe de chercheurs du Fred Hutchinson Cancer Research Center (Seattle) a mené l’enquête sur cette étrange rumeur datant de près de vingt ans et qui continue à circuler sur Internet. Ses conclusions? Non, le soutien-gorge n’est pas un facteur de risque du cancer du sein chez la femme ménopausée.
Circulation lymphatique
1995. Un couple de chercheurs, Sydney Ross Singer et Soma Grismaijer, publie un ouvrage consacré au cancer du sein. Les auteurs expliquent que le soutien-gorge pourrait gêner la circulation dans le système lymphatique, ce qui compliquerait l’élimination des toxines. Ils font de cette hypothèse une explication possible de la prévalence du cancer du sein dans le monde occidental. Cette publication coïncide avec les balbutiements d’Internet, et c’est principalement sur la Toile que la théorie va se propager.
Au fil des années, de nombreux chercheurs dénoncent la méthodologie des auteurs, mais rien n’y fait. En 2002, l’American Cancer Society réalise une enquête: 6% des personnes interrogées estiment que «les soutiens-gorge à armatures peuvent donner le cancer du sein» et 31% se disent «indécises». La rumeur est tenace, et il est bien difficile de la combattre.
Aucun lien établi
Les chercheurs du Fred Hutchinson Cancer Research Center ont conduit des entretiens face-à-face pour déterminer avec précision les habitudes vestimentaires de 1044 femmes âgées de 55 à 74 ans. Des femmes souffrant des deux types de cancer du sein les plus courants: le carcinome canalaire infiltrant et le carcinome lobulaire infiltrant.
L’équipe de Seattle a comparé ces résultats à ceux obtenus auprès de 469 femmes en bonne santé. «Notre étude n’a établi aucun lien entre le port du soutien-gorge et un risque accru d’apparition d’un cancer du sein, résume Lu Chen, auteur principal de l’étude. Le risque était le même quel que soit le temps de port du soutien-gorge, avec ou sans armatures, ou quel que soit l’âge auquel les participantes avaient commencé à porter ce sous-vêtement.»
Hypothèses farfelues
Pour sa part,le Dr Ted Gansler, de l’American Cancer Society, se réjouit de voir les chercheurs fournir des éléments objectifs de nature à en finir avec cette rumeur: «Chez les femmes qui ne souffrent pas d’un cancer du sein, cette inquiétude pourrait être une source d’anxiété, ou elle pourrait les écarter des méthodes de prévention et de détection précoce. Chez les femmes qui en souffrent, cette théorie pourrait être une source de culpabilité.»
Et c’est bien parce que le cancer du sein est une importante source d’inquiétude (il demeure en Suisse comme en France le premier cancer féminin) qu’il est important de tordre le cou aux rumeurs qui l’entourent. La liste de ses facteurs de risques réels est particulièrement longue. Il est donc plus que nécessaire d’en extraire les hypothèses farfelues colportées par Internet.
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(1) Un résumé (en anglais) de l’étude est disponible ici.
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Chaque année en Suisse, environ 5500 femmes et environ 40 hommes développent un cancer du sein. Le cancer du sein est ainsi le cancer le plus fréquent dans la population féminine: il représente presque un tiers de tous les diagnostics de cancer chez la femme.